Wouter Beke: le vrai Premier ministre de l’ombre

Wouter Beke - La semaine passée, il avait le sort du gouvernement fédéral entre les mains. © ID/ photo agency

Au cours de la récente crise gouvernementale provoquée par l’adoption d’un impôt sur la plus-value, le vice-premier ministre n’a pas joué cavalier seul. Il s’est constamment concerté avec son président de parti Wouter Beke (CD&V) notamment. C’est en effet lui le vrai faiseur et défaiseur du gouvernement Michel.

Il ne se passe quasiment pas un jour sans que la presse francophone ne décrive Bart De Wever comme le vrai Premier ministre de ce gouvernement. Le Premier ministre Charles Michel (MR) devant se plier aux diktats du président de la N-VA. La réalité est en fait tout autre. C’est même devenu une évidence ces derniers jours, suite à la crise survenue lors de l’adoption d’un impôt sur la plus-value. Lorsque le vice-premier ministre Kris Peeters (CD&V) a quitté les négociations budgétaires, le lundi de la semaine dernière, et n’est pas revenu à la résidence du Premier ministre, il n’a pas joué cavalier seul.

Cette pression continue sur le Premier ministre et sur les partenaires de coalition N-VA et Open Vld émanait d’un quartier général du CD&V où Wouter Beke et la Vice-ministre-Présidente flamande Hilde Crevits définissent les lignes directrices. Crevits doit couvrir le flanc gauchiste du CD&V et elle est l’oreille attentive du centre. Le président du parti Beke s’occupe de la stratégie politique. Au sein des partenaires de coalition, on entend dire que Beke est le vrai négociateur du CD&V.

Le Limbourgeois désire démontrer que même un gouvernement sans le PS ne peut pas mener une politique révolutionnaire de droite. L’exigence de la taxe sur la plus-value était un élément de cette stratégie. Celle-ci devait veiller à ce que la N-VA n’obtienne pas trop de trophées de droite. C’est la meilleure manière de mettre le concurrent nationaliste flamand dans l’embarras. Si cela réussit, le CD&V pourra alors limiter les dégâts au cours des élections communales de 2018.

Bonne relation avec les employeurs

Le président du CD&V n’y a pas été de main morte, la semaine passée, il avait le sort du gouvernement fédéral entre ses mains. Beke avait le pouvoir de dissoudre le gouvernement, une coalition dont il est pourtant l’un des architectes. L’interview commune de janvier 2014 dans De Standaard avec Charles Michel, alors président du MR, dans laquelle la N-VA et le PS avaient été attaqués de front, était la première étape. Ce que l’on savait moins, c’est que Michel et Beke avaient aussi des contacts avec le monde des entreprises, à cette période, notamment avec le Voka. Au président du Voka de l’époque, Michel Delbaere, les deux avaient confié qu’après les élections de 2014, ils allaient faire un gouvernement de relance socio-économique, sans réforme de l’Etat.

La bonne relation entre Beke et les cercles des employeurs n’est pas neuve. En 2012, lorsque la fermeture de Ford Genk avait été annoncée, l’Open Vld et le CD&V avaient fait le forcing. Le gouvernement Di Rupo devait prendre des mesures pour redresser la compétitivité des entreprises. Un pacte de compétitivité – maigre, il est vrai – avait suivi. Beke entretenait à cette époque une concertation régulière avec les organisations des employeurs. Ces ponts n’ont pas explosé, malgré la proposition d’impôt sur la plus-value. “Avec Peeters, les employeurs ne peuvent pas parler. Beke nous écoute cependant de temps en temps”, entend-on dans les milieux patronaux.

Le CD&V cultive le parricide et porte le péché originel de l’hypocrisie”.

Entre CD&V et Volksunie

Malgré l’image à gauche de son parti, le président du CD&V entretient des contacts étroits avec le monde des entreprises. Beke n’appartient d’ailleurs pas du tout à l’aile gauche de son parti. Le peu de membres du CD&V qui se targuent ouvertement de droite le portent aux nues. Beke a commencé sa carrière politique en 2004 comme échevin à Leopoldsburg et en tant que sénateur. Il était alors déjà sous-président du CD&V, mais il était considéré avec suspicion par l’aile du Mouvement Ouvrier Chrétien. Beke leur semblait trop à droite, trop conservateur.

En outre, il était seulement à 50% de lignée démocrate-chrétienne. Un grand-père était actif dans le CVP, l’autre dans la Volksunie. Dans ses jeunes années, Beke faisait le pèlerinage de l’Yser. Et en tant qu’étudiant en sciences politiques, il est devenu membre du groupe de réflexion Vlaanderen Morgen de l’icône de la Volksunie Hugo Schiltz. Beke a choisi le CD&V au moment où il écrivait sa thèse de doctorat sur la période du début du CVP, De Christelijke Volkspartij 1945-1968 De Ziel van een Zuil. Un livre de Leo Tindemans au sujet du personnalisme l’a définitivement fait pencher dans la direction des démocrates chrétiens.

Au CD&V, Beke a longtemps été vu comme un étudiant zélé. En 2009, il était président du service d’études CEDER et après une période en tant que sous-président fin 2010, il est devenu président du parti. Son image ennuyeuse, il l’a contrée avec l’appui de Jonas Geirnaert et Jeroom, qui en ont fait un personnage de bande dessinée dans De avonturen van een christendemocratische superheld (Les aventures d’un super héros démocrate chrétien) dans le magazine Humo.

Au sein de son parti, Beke semble intouchable. Il n’y a pas d’ennemis. Cela pourrait rapidement changer en cas de nouveau revers électoral. Car comme l’ancien journaliste du Standaard Manu Ruys l’écrivait dans ses mémoires: “Le CD&V cultive le parricide et porte le péché originel de l’hypocrisie”.

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