Renault désigne ses coupables

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Patrick Pélata, n° 2 de Renault, a joué les fusibles pour Carlos Ghosn. Trois autres dirigeants ont été relevés de leurs fonctions. Le responsable de la sécurité, lui, a été débarqué. Revue de détails des condamnés.

Nos confrères de L’Express.fr se sont procuré l’enregistrement secret de l’interrogatoire de Matthieu Tenenbaum par Christian Husson, directeur juridique de Renault, qui le somme de démissionner. Un document terrifiant à écouter ici.

Une affaire d’espionnage qui n’a jamais existé, trois cadres injustement licenciés, une plainte mal calibrée, un corbeau dont l’existence même est sujette à caution… l’affaire qui ébranle Renault depuis le début de l’année s’est retournée contre le constructeur. Ce lundi, un conseil d’administration extraordinaire s’est réuni pour étudier les responsabilités dans cette fausse affaire d’espionnage. Pour statuer, les administrateurs ont dû se plonger dans le rapport d’audit réalisé par un cabinet externe. Carlos Ghosn a été épargné, mais Patrick Pélata, le numéro 2 du groupe, a déjà démissionné. “Il continuera à gérer les affaires opérationnelles courantes jusqu’à son départ de Renault. Il se verra alors proposer d’autres fonctions au sein du groupe constitué par l’Alliance Renault-Nissan”, précise toutefois le groupe. Trois responsables de la sécurité sont débarqués et trois autres dirigeants sont relevés de leurs fonctions “dans l’attente des discussions quant à leur avenir”. Revue des condamnés.

Patrick Pélata, le fusible idéal

C’est le bras droit de Carlos Ghosn, et celui qui était le plus en ligne de mire. Dès lors que Renault s’est rendu compte de son erreur, Patrick Pélata a annoncé qu’il était prêt à jouer les fusibles. Mais Carlos Ghosn a refusé sa démission dans un premier temps estimant qu’il ne fallait pas “ajouter une crise à la crise”. Il faut dire que médiatiquement au moins le PDG de Renault s’est plus impliqué dans cette affaire que son numéro 2. A plusieurs reprises, il a affirmé ses convictions sur cette affaire d’espionnage. “Nous ne sommes pas des amateurs”, déclarait-il à L’Express en février dernier. Mais pour les actionnaires se séparer de Carlos Ghosn, qui symbolise le succès de l’alliance Renaul-Nissan, était probablement excessif. Même le gouvernement, qui détient 15% de Renault, a préféré calmer le jeu sur le rôle de Carlos Ghosn. Finalement c’est donc Patrick Pélata, qui travaille avec Carlos Ghosn depuis 20 ans, qui va porter l’intégralité de la responsabilité dans cette affaire en démissionnant de son poste de directeur général délégué. Certes, il a suivi l’affaire de A à Z et a notamment mené une partie des entretiens avec les cadres licenciés, mais c’est aussi le premier à avoir ouvertement douté de la thèse de l’espionnage. L’éviction de Pelata n’est d’ailleurs ni complète, ni définitive puisqu’il se voit proposer un point de chute au sein de l’alliance Renault-Nissan.

Rémy Pagnie, le chef de la sécurité barbouze

C’est le chef de la sécurité chez Renault. Il est directement impliqué dans l’affaire, car il a couvert les investigations de ses collaborateurs Marc Tixador et Dominique Gevrey qui ont rédigé le rapport incriminant les cadres licenciés. Depuis l’éclatement de l’affaire, les médias se sont largement intéressés aux méthodes utilisés par le service de la sécurité pour enquêter sur cette affaire. Or il apparaît qu’en plus de l’amateurisme dont à fait preuve Renault – défaut de preuves tangibles etc – le service de la sécurité a souvent usé de pratiques douteuses. Pillage des ordinateurs, fouille du bureau des ressources humaines, les “barbouzeries” du service de la sécurité ont fait l’objet de nombreuses enquêtes de presse. Malgré sa proximité avec Carlos Ghosn qu’il a connu à Tokyo, difficile donc d’épargner Rémy Pagnie. D’autant plus que depuis quelques semaines c’est Dominique Gevrey, son proche collaborateur, toujours incarcéré pour escroquerie, qui est soupçonné d’avoir monté de toutes pièces l’affaire d’espionnage. Récemment, le groupe a annoncé qu’il allait engager des “procédures disciplinaires” à l’encontre de trois membres de la direction de la sécurité. “Je voudrais ne pas payer les pots cassés”, réagissait ce lundi Marc Tixador au micro d’Europe 1. De fait, ce sont les seuls dont le licenciement est d’ores et déjà acté.

Christian Husson, le directeur juridique imprudent

Il fait aussi partie des prétendants au siège éjectable, pour l’instant simplement suspendu en attendant une décision définitive. Le directeur juridique du groupe n’a pas joué son rôle d’alerte au moment des licenciements. Pourtant, selon les 3 chefs de la sécurité Christian Husson était parfaitement au courant que les preuves n’étaient pas suffisantes pour inculper les 3 cadres. “Renault ne pouvait ignorer que ce genre d’informations ne pouvait être obtenu par des moyens légaux”, expliquait d’ailleurs Hervé Séveno, président-fondateur du cabinet d’intelligence économique i2F au magasine Challenges. Par ailleurs, Christian Husson, a aussi mené l’entretien de Dominique Gevrey le 14 février dernier, en présence du patron de la sécurité, Rémi Pagnie, et de l’avocat du groupe, Me Jean Reinhart. Lors de cet entretien, dont L’Express s’était procuré des extraits, Christian Husson apparaît agité, et de moins en moins sûr de ses accusations. “La pièce qui déclenche notre plainte, c’est qu’il y a des comptes offshore. Si on n’a pas cette pièce, tout s’écroule”, entend-on dire Christian Husson. “Si jamais la DCRI apprenait avant nous qu’il n’y a pas la soudure (les comptes en Suisse, ndlr), là, c’est la fin des haricots pour la boîte, pour Ghosn, pour tout le monde, ça part en couilles mais grave! C’est la bombe atomique!”, ajoute-t-il.

Jean-Yves Coudriou, le DRH sans état d’âme

“Conviction”. Le mot figure dans la lettre de licenciement de Bertrand Rochette signé de la main de Jean-Yves Courdiou, le DRH des 3 cadres licenciés. Son rôle également fait polémique dans la mesure où il a licencié Matthieu Tenenbaum, Betrand Rochette et Michel Balthazard sans preuve apparente. Dans une interview au Figaro au Figaro ce dernier racontait son entretien préalable de licenciement avec Jean-Yves Courdiou. “J’ai posé deux questions: quels sont les éléments de preuve dont vous disposez sur les sommes d’argent que j’aurais reçues de l’étranger? Qu’est-ce qui fonde votre conviction que j’ai donné des informations en échange? Il m’a répondu qu’il ne me dirait rien et qu’il donnerait l’ensemble des éléments à la justice. Je suis ressorti, ça a duré 20 minutes”, expliquait-il alors. Un témoignage troublant qui atteste de la précipitation de la direction dans cette affaire…”Comment peut-on baser des accusations d’espionnage et jeter trois types comme des malpropres sur une simple conviction ?”, s’insurgeait récemment Christian Charrière-Bournazel, avocat de Bertrand Rochette. En réalité, la direction se fondait alors sur l’existence de 3 comptes bancaires au Lichtenstein et en Suisse. Des comptes dont personne n’a jamais retrouvé la trace…

Laurence Dors, la secrétaire générale du groupe

D’après le Journal du dimanche, c’est elle qui donne le feu vert à Rémy Pagnie pour poursuivre les investigations sur le compte bancaire supposé d’un des cadres injustement accusé, Michel Balthazard. C’est également elle qui a informé Patrick Pelata courant septembre.

L’Expansion.com

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