Michel Leempoel : ciné, télé, retenue

© Reporters

Il dirige l’hebdo le plus vendu en Belgique francophone et lance aujourd’hui une nouvelle chaîne de télévision “people”, Star by Ciné Télé Revue. A 56 ans, Michel Leempoel poursuit avec passion l’aventure familiale des Editions Ciné Revue, tout en cultivant jalousement son jardin secret.

L’homme est réservé, pudique, taiseux. Grand patron des Editions Ciné Revue qui publient le titre le plus lu de la presse francophone belge (1,6 million de lecteurs hebdomadaires pour Ciné Télé Revue), Michel Leempoel n’aime pourtant pas le feu des projecteurs. Surtout lorsque l’interlocuteur se met en tête de découvrir l’être qui se cache derrière le manager.

“Je ne vois tout simplement pas l’intérêt”, juge-t-il sévèrement. En revanche, parler de son business ne le dérange guère. Bien au contraire. Ce lundi 7 février, Michel Leempoel donne naissance à une toute nouvelle chaîne de télévision, Star by Ciné Télé Revue. Et l’idée d’analyser ce tournant dans l’histoire de l’entreprise familiale l’enchante. Mais cela ne se voit pas. Le personnage est posé, réfléchi, introverti. Et parle, presque sans émotion, de son nouveau bébé audiovisuel.

En coulisse, il se murmure pourtant que le patron peut surprendre et même se révéler très chaleureux. En petit comité. Ou dans la sphère familiale. Car il faut d’abord gagner sa confiance, voire son amitié, pour voir la (fine) couche de glace enfin se briser. Evidemment, Michel Leempoel a des amis proches qui peuvent en témoigner, si ce n’est qu’il refuse tout simplement de citer leurs noms, “pour mieux les préserver”, argue-t-il, et “protéger mon jardin secret”.

Etonnant, cet excès de pudeur est, en définitive, à l’honneur de ce responsable de presse qui préside justement à la destinée d’un magazine où les people sont de plus en plus enclins à dévoiler leur intimité.

Pas de stars à la maison

L’histoire, à vrai dire, se répète. Lorsque son père Marcel tenait les rênes des Editions Ciné Revue, celui-ci mettait également un point d’honneur à séparer clairement les sphères privée et professionnelle. D’ailleurs, Michel Leempoel ne se souvient pas avoir croisé, enfant, la moindre star à la maison, alors que le magazine de papa était pourtant le journal belge le plus connu à Bruxelles, Paris et même Hollywood. A l’époque, Ciné Télé Revue bénéficiait d’une aura internationale, dopée par les articles de Joe Van Cottom, correspondant belge aux Etats-Unis, et de Joan Mac Trevor dont les carnets d’adresses étaient truffés des noms des plus grands acteurs américains.

C’est dans l’environnement de cette presse glamour que Michel Leempoel a grandi, deuxième fils d’une série de trois, coincé entre Patrick – l’aîné devenu chimiste – et Alain, le comédien qui sera prochainement sur la scène de Bozar dans la pièce Confidences trop intimes de Jérôme Tonnerre. “Notre père a prédestiné Michel à reprendre un jour Ciné Télé Revue, analyse le benjamin. Ni Patrick ni moi n’aurions aimé diriger l’entreprise familiale. Cela ne correspondait pas à nos envies. Michel a donc repris le flambeau et a finalement décalqué le schéma de notre père qui a été soulagé que l’aventure continue au sein de la famille.”

Curieux clin d’oeil du destin, Michel Leempoel a eu son premier fils à l’âge de 30 ans, comme son père. Et deux autres garçons dans la foulée, comme son père. De quoi multiplier les chances de transmission de l’affaire familiale, le moment venu ? On en serait alors à la cinquième génération des Leempoel actifs dans l’édition, juste dans la droite lignée de l’ancêtre Auguste, imprimeur de son état, et de son fils Jean (le père de Marcel et le grand-père de Michel) qui lança Théâtra Ciné Revue le 13 octobre 1944, soit quelques semaines après la libération de Bruxelles.

Sur les traces du patriarche

“Mon père m’a transmis ses responsabilités progressivement, tout en douceur”, confie Michel Leempoel qui a rejoint les Editions Ciné Revue au début des années 1980, après avoir décroché une licence en sciences économiques à l’ULB et fait ses premiers pas professionnels au sein de la société Argos, une structure indépendante dédiée à la promotion du magazine. “C’est un bel exemple à suivre et j’apprécie sa philosophie de vie aujourd’hui : mon père reste discrètement présent, tout en profitant de la vie.”

A 86 ans, le patriarche Marcel Leempoel est toujours actionnaire principal et administrateur délégué de la société, mais il préfère aujourd’hui le ski à la gestion quotidienne des affaires. Tout aussi discret, son fils Michel – seul autre actionnaire de la société – a donc repris le flambeau depuis de longues années déjà, gérant de manière efficace l’évolution de Ciné Télé Revue. C’est lui qui a notamment “désérotisé” le magazine en supprimant le fameux poster dénudé en page centrale à l’aube des années 1980 ; c’est également lui qui a intégré la publicité au sein de l’hebdomadaire quelques années plus tard.

“C’est un homme réfléchi, structuré et extrêmement prudent, témoigne André Van Hecke, patron du Cercle de Wallonie, qui négocia précisément l’introduction de la pub dans le magazine lorsqu’il travaillait au sein de la régie IP. Cette prudence est d’ailleurs l’une des clés du succès de la famille Leempoel. Michel s’inscrit dans la lignée de son père. Il n’est pas vraiment charismatique, mais il est très professionnel et surtout très bien considéré par son entourage et le monde des médias.”

Un chef respecté et entreprenant

Dans les bureaux de Ciné Télé Revue, on confirme ses qualités de patron de presse et salue sa volonté de respecter l’intégrité des journalistes face à la publicité. Les statistiques, aussi, lui donnent raison. Avec 330.000 exemplaires vendus chaque semaine, un chiffre d’affaires de 25,5 millions d’euros en 2009 et une marge bénéficiaire de 5,7 millions, le manager a plutôt le vent en poupe.

D’autant plus que Michel Leempoel est aussi apprécié pour son aptitude à lancer de nouveaux projets, comme Star by Ciné Télé Revue, une initiative conjointe de sa société éditrice et du producteur Keynews Télévision. “A l’heure du numérique, il y a un réel besoin pour la presse papier à trouver de nouvelles formes de diffusion, analyse le chef d’entreprise. Avec le lancement de Star, il y a donc une vraie volonté de diversification, même s’il s’agit aussi d’un vrai outil marketing qui permet de capitaliser sur la marque Ciné Télé Revue, qui est très forte en Belgique.”

S’il rêve secrètement de confier un jour le gouvernail du bateau familial à l’un de ses trois fils – deux sont diplômés de Solvay et déjà actifs sur le marché de l’emploi, le troisième termine ses études de médecine – Michel Leempoel n’est pas pour autant prêt à lâcher tout de suite les Editions Ciné Revue, qu’il guide habilement sur la voie tracée par un père discret mais toujours bien présent. “Nous formons une famille très unie et tous les frères se retrouvent au moins une fois par mois chez notre père, confie Alain Leempoel, qui partage également avec son frère Michel les courts de tennis chaque semaine et les pistes de ski chaque année. Nous nous entendons tous très bien, chacun a trouvé sa place et il n’y a jamais eu de chamailleries ni de jalousie entre nous.”

Deux passions sportives opposent toutefois ces frères complices. Si le comédien s’extasie volontiers devant un match de football (un sport que Michel Leempoel déteste !), le patron des Editions Ciné Revue s’émeut quant à lui face aux tôles rutilantes de voitures anciennes qu’il collectionne amoureusement. Régulièrement, il participe à des rallyes d’ancêtres et plonge volontiers les mains dans le cambouis pour préparer ses voitures, le week-end, en solitaire. Mais là non plus, il n’en dira pas plus sur cette passion “privée”. C’est son jardin secret et l’homme est réservé, pudique, taiseux.

Frédéric Brébant

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content