Larry Summers, un départ qui pose des questions

© Bloomberg

A six semaines des élections législatives, Larry Summers, principal conseiller économique du président américain, a annoncé sa démission. L’occasion pour Barack Obama de réorienter sa politique économique.

A-t-il bien travaillé ?

En tant que père du plan de relance de 787 milliards de dollars lancé en mars 2009, Larry Summers est perçu par certains comme ayant permis d’éviter une deuxième Grande Dépression. Mais tout le monde n’est pas aussi reconnaissant.

L’ancien gérant de hedge fund est en effet coupable d’avoir “limité l’envergure du programme de relance à un moment où Obama avait encore la force politique d’imposer un vaste plan”, affirme Richard Eskow, blogueur du Huffington Post. Alors que Christina Romer, une autre conseillère, militait pour un plan de 1.200 milliards de dollars, Larry Summers aurait tout fait pour bloquer sa proposition. Résultat : les effets de la relance se sont rapidement essoufflés et les Etats-Unis subissent une “reprise sans emploi” avec des perspectives de croissance sans cesse revues à la baisse.

Le conseiller a fait preuve de ce même conservatisme au moment de la réforme de Wall Street. Soucieux de ne pas tomber dans le populisme anti-banques, il a notamment exprimé son scepticisme vis-à-vis de la règle Volcker. Une attitude finalement peu surprenante de la part de celui qui avait activement participé à la dérégulation de la sphère financière. Secrétaire au Trésor sous Bill Clinton, Larry Summers a en effet supervisé aussi bien la révocation du Glass Steagall Act que la loi exemptant les produits dérivés de toute régulation.

Pourquoi quitte-t-il l’équipe Obama ?

La version officielle est qu’il souhaite retourner à Harvard, où il enseignait avant de rejoindre Obama et dont il a été président de 2001 jusqu’à sa démission en 2006.

Selon le Wall Street Journal, le conseiller a tout simplement “besoin de se reposer après deux dures années de travail acharné et de manque de sommeil”. Par ailleurs, il est assez courant, pour un président, d’effectuer un remaniement en seconde partie de mandat, rappelle Bloomberg. Ainsi, le départ de Larry Summers, comme celui de Christina Romer et de Peter Orszag, président du Bureau du budget, n’aurait rien d’exceptionnel.

La presse américaine avance néanmoins d’autres raisons pour la démission du conseiller. D’une part, il passe pour avoir très mal pris la décision, prise par Obama à l’été 2009, de reconduire Ben Bernanke à la tête de la Fed alors qu’il lorgnait ce poste. D’autre part, il aurait mal vécu le fait de voir le président préférer les conseils du secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, aux siens sur plusieurs sujets. A son arrivée dans l’aile ouest de la Maison-Blanche, beaucoup estimaient que Summers dirigerait le Trésor à distance. Mais Geithner s’est affranchi de son mentor, auquel il a rendu mardi un hommage plutôt plat en relevant son goût pour les débats “rudes”.

Qui le remplacera ?

Pour l’heure, rien n’est décidé. Alors que les Etats-Unis subissent toujours les effets de la pire récession depuis les années 1930, avec un taux de chômage officiel proche de 10 %, le successeur de Summers sera chargé de trouver des propositions pour relancer la création d’emplois.

Le profil recherché serait celui d’une femme PDG, un moyen de contrecarrer les critiques qualifiant l’administration Obama d'”anti-business”. Il faut dire qu’Obama est de plus en plus obligé de prendre ces critiques en compte, alors que les démocrates risquent fort de perdre leur majorité aux élections législatives de novembre. Ainsi, les paris sont ouverts et des dizaines de noms circulent dans les médias, parmi lesquels Anne Fudge, l’ancienne dirigeante de Krafts Food, Diana Farrel, ancienne de McKinsey, ou encore Anne Mulcahy, ancienne patronne de Xerox.

Certes, avec le chômage et les saisies immobilières qui explosent, la désignation d’un ou d’une patron(ne) richissime pourrait mal passer auprès de l’opinion publique. Le Huffington Post peut toujours rêver d’un Stiglitz ou d’un Krugman pour conseiller le président, au vu des récentes nominations, “il semblerait bien que le président se centrise“, fait remarquer James Pethokoukis, blogueur chez Reuters. En effet, Jacob Lew, ancien banquier et faucon en matière de lutte contre le déficit, a pris en juillet la tête du Budget, tandis que le centriste Austan Goolsbee a été nommé début septembre président du Conseil des conseillers économiques.

Laura Raim, L’Expansion.com

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