L’entrepreneur honni Martin Shkreli condamné à 7 ans de prison

Martin Shkreli © AFP

Il avait été surnommé “l’homme le plus détesté d’Amérique” pour avoir fait exploser le prix d’un médicament contre le sida: le très provocateur entrepreneur Martin Shkreli a été condamné vendredi à sept ans de prison par une juge new-yorkaise.

Martin Shkreli, 34 ans, devenu avec son sourire narquois l’incarnation du cynisme supposé de l’industrie pharmaceutique, avait été condamné en août dernier pour fraude sur titres et manipulation d’actions après un procès devant le tribunal fédéral de Brooklyn.

Des faits sans lien avec la multiplication par 55 – de 13,5 à 750 dollars la pilule- du prix du médicament Daraprim, utilisé contre le paludisme et le sida, par sa société, Turing Pharmaceuticals, en 2015. Mais qui lui ont valu une intense attention médiatique depuis son arrestation en décembre 2015.

Son avocat Ben Brafman, un ténor du barreau new-yorkais, avait plaidé auprès de la juge fédérale Kiyo Matsumoto pour une sentence limitée à 18 mois de prison pour ce personnage qu’il a décrit comme “un génie un peu autiste”, un autodidacte extravagant capable d’innovations majeures dans le domaine pharmaceutique, selon certains de ses ex-collaborateurs.

Brafman a même reconnu vendredi avoir eu parfois envie de lui “mettre (son) poing dans la figure”, tant Martin Shkreli compliquait sa défense par son comportement, selon des journalistes présents à l’audience.

L’accusation, qui le présentait comme un menteur compulsif, avait elle réclamé un minimum de 15 ans de prison, arguant du manque de remords de Shkreli et de son obsession pour l’auto-promotion, notamment via les réseaux sociaux sur lesquels il a multiplié les messages provocants ou bizarroïdes ces derniers mois.

“Il veut que tout le monde croie que c’est un génie (…) un prodige des biotechnologies”, a fait valoir la procureure Jacquelyn Kasulis. “Il ne peut pas être une personne moyenne qui échoue, comme nous autres.”

Dans une lettre envoyée la semaine dernière à la juge, plaidant pour la clémence, M. Shkreli faisait pour la première fois son mea culpa, reconnaissant avoir été “un imbécile”, et promettant d’utiliser désormais ses talents “pour le bien de l’humanité”. Il assurait aussi être “une bonne personne avec beaucoup de potentiel.”

Des remords qu’il a réitérés vendredi lors de l’audience, la voix étranglée, évoquant les “actions honteuses” qui ont conduit à sa chute.

Le repenti était trop tardif pour lui éviter une peine de prison conséquente. Mais, ajouté aux dons qu’il avait faits à des organisations caritatives avant son arrestation et à sa bonne conduite en prison ces six derniers mois, il a pu pousser la juge Kiyo Matsumoto à opter pour une peine très inférieure à ce que réclamait l’accusation.

Picasso et Wu-Tang Clan

La juge Kiyo Matsumoto avait annoncé le 5 mars que Shkreli aurait aussi à rembourser quelque 7,36 millions de dollars aux autorités fédérales: une somme que les autorités pourraient récupérer en saisissant certains de ses biens, y compris un Picasso et l’unique exemplaire d’un album du mythique groupe de rap new-yorkais Wu-Tang Clan “Once Upon a Time in Shaolin”.

Shkreli avait acheté l’album en 2015 pour deux millions de dollars, avant d’essayer de le revendre sur e-Bay en septembre dernier. Les enchères n’ont pas dépassé un million de dollars, mais la vente ne s’est jamais concrétisée et la valeur de l’album aujourd’hui fait débat.

Depuis son arrestation en décembre 2015, l’affaire Shkreli a été riche en rebondissements, alimentant la réputation d’imprévisibilité et d’arrogance du personnage.

En septembre, il avait offert une récompense de 5.000 dollars pour une mèche de cheveux d’Hillary Clinton: la juge avait alors révoqué sa liberté sous caution.

En mettant en vente l’album du Wu-Tang Clan, il avait aussi brandi la menace de “briser l’album par frustration”.

Ces rebondissements ont fait couler beaucoup plus d’encre que la condamnation qui va lui valoir plusieurs années derrière les barreaux.

Après cinq semaines de procès, il avait été condamné en août de fraude sur les titres de deux fonds d’investissement alternatifs (hedge funds) dont il était le gérant, MSMB Capital Management et MSMB Healthcare Management, et d’avoir utilisé illégalement les actions du laboratoire pharmaceutique qu’il avait fondé, Retrophin, pour renflouer les deux fonds.

Mais il avait été relaxé des cinq autres chefs d’accusation, y compris un des plus graves, concernant sa volonté supposée d’avoir voulu tromper les investisseurs.

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