Hugo Chavez laisse une économie en piteux état

© Reuters

Le président vénézuélien, décédé mardi soir, laisse en héritage un tissu industriel atrophié, une inflation galopante et une population confrontée à des pénuries alimentaires chroniques.

Les hommages politiques se multiplient au lendemain de la mort d’Hugo Chavez. Le président vénézuélien est décédé mardi 5 mars à l’âge de 58 ans. Ses funérailles auront lieu vendredi.

Ce tribun hors pair, leader influent de la gauche populiste latino-américaine, a dirigé le Venezuela pendant treize ans. Il avait remporté la présidentielle une troisième fois, en octobre 2012, peu avant d’être hospitalisé à Cuba, plusieurs mois durant, pour un cancer. Il avait fait de l’Etat communautaire et socialiste un cap “irréversible” de son gouvernement. Si son bilan social est plutôt flatteur, son bilan économique, en revanche, est désastreux.

Les progrès en matière d’éducation, d’alphabétisation, de santé et de recul de la pauvreté sont bien réels, et impressionnants. Le taux d’analphabétisme a chuté de 9,1% en 1999 à 4,9% en 2011. 83% des jeunes accèdent à l’enseignement supérieur. La mortalité infantile a chuté de 19,15% à 13,95%, l’espérance de vie a progressé de deux ans. Près de la moitié de la population vivait sous le seuil de pauvreté en 1999, moins d’un quart aujourd’hui. La pauvreté extrême a été divisée par deux (de 21,7% à 10,7%).

Des acquis sociaux financés par la rente pétrolière

“Hugo Chavez a crée un système de protection sociale, il a rendu gratuit l’accès à la santé et à l’éducation, il a instauré un salaire minimum et généralisé les retraites pour le secteur informel: ce sont de vraies grandes avancées pour la population vénézuélienne, notamment pour les plus défavorisés”, expliquait en octobre dernier à L’Expnasion.com Jessica Brandler-Weinreb, doctorante en sociologie à l’Institut des Hautes Études de l’Amérique latine.

Résultat : l’écart de revenus entre les plus riches et les plus pauvres s’est réduit – l’indice de Gini est passé de 0,46 à 0,39 en dix ans, sachant que 0 signifie l’égalité parfaite des revenus. Cet écart de revenus reste cependant élevé (il est de 0,28 en France), car la nouvelle bourgeoisie issue de la révolution socialiste bolivarienne s’est considérablement enrichie.

Ces acquis sociaux ont été financés grâce à l’or noir – le pétrolier PDVSA a été mis au service par Chavez, nationalisé, au service de la “révolution bolivarienne”. Le Venezuela possède les réserves de pétrole les plus importantes du monde (296,5 milliards de barils, selon les chiffres officiels), devant l’Arabie Saoudite. Il produit 2,3 millions de barils de brut par jour (bpj), selon l’Opep. L’or noir fournit plus de 90% des recettes en devises du Venezuela.

C’est sans doute là le plus grand échec d’Hugo Chavez : il n’est pas parvenu à émanciper son pays de la rente pétrolière. Comme tous les pays qui vivent de la manne du pétrole, le Venezuela souffre de la “maladie hollandaise”: l’augmentation importante des exportations de ressources naturelles fait s’apprécier le taux change de la monnaie, ce qui nuit à la compétitivité-prix des exportations hors hydrocarbures. Le tissu agricole et industriel vénézuélien a été ravagé par les effets de ce syndrome.

Un secteur privé atrophié

La situation économique du Venezuela est donc très contrastée. Le pays est la quatrième puissance économique latino-américaine, après le Brésil, l’Argentine et le Mexique. Sa croissance a atteint 5,2% en 2012. Son déficit public s’élève à près de 7,5% du PIB, sa dette à 51%. Le taux de chômage officiel s’établit à 8% mais plus de 40% de la population active est employée dans le secteur informel et le reste dans le secteur public. Premier exportateur de pétrole du continent, le Venezuela peine à figurer dans le top 10 mondial – il produit à peine 3% du pétrole mondial -, parce que PDVSA n’investit pas dans la sécurité de ses installations, ni dans la qualité de son pétrole et encore moins dans sa productivité.

Sous Chavez, 1.600 compagnies sont passées sous contrôle de l’Etat qui représentait en 2009 30% du PIB du pays. Le secteur privé est aujourd’hui asphyxié, atrophié. L’Etat a exproprié près de trois millions de propriétaire agricoles. Quelque 30 millions d’hectares de terres fertiles sont aujourd’hui laissées à l’abandon, ce qui oblige le pays à importer 80% de sa consommation alimentaire. Le pays importe les deux tiers de ce qu’il consomme et l’inflation tourne en rythme annuel autour des 30%, en dépit du contrôle drastique des changes et de la fixation des prix de certains aliments de base. Le pays souffre de pénuries alimentaires chroniques, de coupures d’électricité et d’eau régulières et d’une crise du logement en raison de la déficience du secteur privé du BTP.

Caracas a annoncé la tenue d’une nouvelle élection présidentielle dans les trente jours. Le vice-président Nicolas Maduro, aux commandes du pays depuis l’hospitalisation de Chavez, assurera l’intérim d’ici là. Cet ancien chauffeur d’autobus, devenu vice-président et ministre des Affaires étrangères, est perçu comme l’héritier du chavisme. Il sera le candidat du parti socialiste. Sans doute affrontera-t-il le candidat perdant de la dernière élection, le dynamique jeune avocat de 40 ans Henrique Capriles. Qui que soit le futur président du Venezuela, il héritera d’une économie en piteux état.

Emilie Lévêque, L’Expansion.com

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