Victimes collatérales

Philippe Besson, "Ceci n'est pas un fait divers", Julliard, 208 pages, 20 euros. © pg

Dans “Ceci n’est pas un fait divers”, Philippe Besson rappelle combien le féminicide est davantage un fait social que divers…

Le nouveau livre de Philippe Besson fait froid dans le dos. Le drame qu’il nous raconte est insupportable, alors que la presse nous en livre des semblables à longueur d’année. Pour le narrateur, tout commence par un coup de fil. En une phrase, sa soeur lui apprend qu’ils ont perdu leur mère et que leur père est un assassin. Ça commence par une dispute, ça se termine par 17 coups de couteau et un corps ensanglanté au milieu de la cuisine. Inspiré par une histoire vraie, l’auteur décrit minutieusement ce qui arrive lorsque survient un tel drame, comment un jeune homme de 19 ans et sa soeur de 13 ans, témoin du meurtre, voient leur vie basculer dans un gouffre sans fond. Rien ne leur sera épargné: ni l’identification du corps, ni les entretiens chez les gendarmes. Ni les questions, ni les doutes. Ni la culpabilité. Car très vite, le narrateur remonte dans ses souvenirs pour se demander si ce drame aurait pu être évité. Si les comportements du père auraient dû l’alerter. Il déroule à cette fin l’histoire de ses parents, se penche sur leur passé, leurs rêves et leurs désillusions, ouvre de vieilles boîtes à chaussures remplies d’images où il les revoit jeunes, insouciants. Cécile et Franck. La buraliste et l’ouvrier mécanicien. Une femme admirée de tous et un homme au tempérament colérique. Le fils ne cherche pas des excuses mais des explications. Ceci n’est pas un fait divers mais un fait social, nous dit Philippe Besson, dont l’écriture va ici à l’essentiel sans se perdre dans des effets littéraires inutiles. Où l’auteur s’étonne que le mot “féminicide” est encore souligné de rouge dans la plupart des traitements de texte (et donc censément absent du dictionnaire) et rappelle qu’il serait temps que notre système policier et judiciaire prenne réellement en compte la violence conjugale. Car une dispute peut toujours finir par un corps ensanglanté dans une cuisine.

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