Vers une société plus égalitaire

CLAUDIA LÓPEZ, MAIRE DE BOGOTA © PG

L’année 2020 a débuté pour moi comme un magnifique rêve. Après des années de lutte, Bogota m’a offert la chance d’être la première femme, la première personne LGBT et la première citoyenne issue d’un milieu modeste, étrangère à la classe de l’élite, à devenir maire de la capitale colombienne. Dès ma prise de fonctions, j’ai proposé pour Bogota un nouveau contrat social et environnemental, qui ferait de la lutte contre les inégalités, le changement climatique et le caractère ” sexo- spécifique ” de la pauvreté de véritables priorités.

Mais l’irruption du Covid-19 a bouleversé la donne. D’autres lignes de fracture sont devenues encore plus flagrantes. La fracture numérique, par exemple, qui fait que 40% des élèves des écoles publiques n’avaient pas d’ordinateur ou de connexion internet. Ou encore la fracture des genres, telle que des milliers de femmes qui avaient réussi à s’affranchir du travail domestique non rémunéré ont été contraintes de rester chez elles pour s’occuper des autres. Il a fallu gérer le système de santé, prévenir les décès, protéger les revenus et éviter à tout prix que la faim s’installe. Nous avons dû modifier certains programmes gouvernementaux. Ainsi, alors qu’au début de l’année nous distribuions une aide financière à 20.000 foyers, en l’espace de sept mois, nous avons dû assurer un revenu de base et une aide alimentaire à 712.000 foyers.

C’est dans les urnes que nous devrons venir à bout d’une autre pandémie: celle du populisme, qui exploite les frustrations sociales.

Nous avons réussi à fournir une connexion internet à 124.000 élèves et à les équiper de tablettes électroniques. Nous avons convaincu des universités et des établissements d’enseignement supérieur de réduire leurs frais de scolarité, d’élaguer et d’assouplir leurs programmes pour permettre à davantage de gens de poursuivre leurs études ou d’amorcer un cursus universitaire. En un mot comme en cent, la pandémie nous a confrontés à de nouveaux défis, mais elle a aussi été une occasion d’innover et de concrétiser des changements décisifs. Elle nous a ainsi obligés à appliquer immédiatement le contrat social et environnemental que nous avions établi. Elle a fait apparaître de nouvelles façons de vivre, de travailler, de consommer et de se déplacer – ce qui nous a permis de faire quelques pas vers une ville plus durable.

Bon nombre de ces progrès sont appelés à se pérenniser. Mais tout comme la pandémie a accéléré un certain nombre de choses, elle en a provisoirement suspendu d’autres, comme la manifestation du malaise social. Désormais libérée, cette pression déferle avec la force de murs d’eau relâchés par un barrage. Les jeunes, les femmes et les mécontents sont redescendus dans la rue avec des problèmes aggravés par la pandémie.

A terme, les citoyens prendront non seulement les rues d’assaut, mais aussi les urnes. Et c’est dans les urnes que nous devrons venir à bout d’une autre pandémie: celle du populisme, qui exploite les frustrations sociales. Un populisme autoritaire de gauche, capable de réduire en cendres ce que nous avons construit de démocratie ; et un populisme autoritaire de droite, capable de liquider les plus hautes cours de justice et d’interdire les manifestations populaires. Nous devons consolider le changement démocratique sans nous laisser berner par de faux prophètes qui sapent les institutions mêmes sur lesquelles peuvent s’appuyer les changements pour lesquels nous nous sommes battus.

Je suis plus fière et plus optimiste que jamais. J’ai vu la ville et ses habitants dans tout ce qu’ils ont de meilleur. En 2021 et au-delà, nous ressortirons renforcés de cette épreuve comme êtres humains et comme citoyens, et nous réaliserons une chose qui a toujours échappé à notre pays et à laquelle nous avons toujours aspiré: une démocratie à même d’assurer une société plus égalitaire et apaisée.

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