Une affaire de sauces

Il est des restaurants dont on ressort avec une impression floue. A-t-on mal mangé ? Non, pas du tout. Au contraire même. Mais a-t-on été bluffé ou transporté eu égard à l’étoile conservée dans l’édition 2020 du Guide Michelin ? Non. Les Gourmands à Blaregnies, sis dans une petite villa à 15 minutes de Mons, contient tous les ingrédients pour être une adresse que l’on revisite avec plaisir. Cependant – et c’est un comble pour un cuisinier dont les sauces sont remarquables – la sauce n’a pas pris le soir de notre visite. Mais soyons de bon compte : le peu de tables occupées ce soir-là n’a pas non plus contribué à réchauffer l’atmosphère des lieux. Et, pourtant, en salle, le restaurant peut compter sur Carlo Zecchin, premier sommelier de Belgique en 1979. Carlo veille sur la plus belle carte des vins de Belgique. Tout y est (Dagueneau, Beaucastel, Rayas, Chave, Jamet, Coche-Dury, Selosse, Deiss, etc.) et, souvent, avec une profondeur de millésimes. Une carte accessible à tous qui, à elle seule, vaut le détour. Mais pourquoi diable attendre la fin du repas et une discussion sur les chouettes petites compressions à la César (créations d’un coiffeur retraité du coin) qui parsèment la salle pour se dérider un peu ? D’autant que Carlo nous avait épatés en choisissant une malvoisie du Frioul pour agrémenter le plat de homard…

On sent Didier Bernard tout autant dans la retenue dans la cuisine qu’il partage avec son épouse Lydia. Les produits proposés sont remarquables comme ce saumon d’Ecosse mariné au fameux sel de Maldon, agrémenté d’un excellent caviar osciètre et proposé en première entrée du menu Incontournables (quatre ou cinq services à 75 ou 95 euros – forfait vins de 35 ou 45 euros). Mais certains plats manquent d’équilibre : le crémeux de cèpes et noisettes se mange jusqu’à la dernière goutte tellement il est délicieux mais il déborde les Saint-Jacques snackées qu’il est censé accompagner. Même chose pour la sauce au grana padano du homard bleu à la carbonara. Remarquable et si riche qu’elle nous fait un peu oublier le homard.

La cuisine de Didier Bernard déborde de savoir-faire, d’un classicisme de bon aloi de nos jours et de générosité. On aimerait juste, comme son restaurant d’ailleurs, qu’elle se pare, çà et là, de touches de folie.