Un toucan pour des faucons

Marco Wohrmann, propriétaire de l'Hôtel Selys, et son épouse: "Vous devez être un descendant de Martinus van der Valk si vous voulez ouvrir un hôtel du groupe. Moi, je suis un représentant de la quatrième génération." © Photos : PG

Depuis le 1er octobre, le palace cinq étoiles de Liège, Les Comtes de Méan, appartient à la chaîne hôtelière Van der Valk. Un groupe familial d’origine néerlandaise aux mains, désormais, de la quatrième génération. Il exploite 115 hôtels suivant des critères bien définis. Le plus important : être un descendant de Martinus van der Valk pour prétendre à la franchise…

Les dynasties hôtelières ne sont pas rares. Hilton en est un exemple. Mais l’histoire des établissements Van der Valk est vraiment unique en son genre.

Elle commence en 1862 quand Nicolaas van der Valk achète une ferme à Voorschoten au nord de La Haye appelée De Gouden Leeuw. Comme il a eu 25 enfants de deux femmes différentes, il n’est pas étonnant qu’il ait essayé de se diversifier pour mettre du beurre dans les épinards. Un café avec terrasse voit ainsi le jour. A sa mort, Martinus, son benjamin, n’a que sept ans. C’est pourtant lui qui va faire de la famille ce qu’elle est aujourd’hui. Quand sa mère décède en 1929, il s’installe au Gouden Leeuw qu’il exploite déjà en plus d’une boucherie. Il va y ajouter des chambres d’hôtel, une concession automobile avec atelier de réparation, un service de bus, etc. Ses nombreux voyages pour son business auto font naître son concept horeca : au Gouden Leeuw, il faut dormir et manger comme chez soi. La légende est née.

A chaque nouvelle génération, si quelqu’un n’est pas intéressé par le business, il est évidemment dédommagé mais sans affecter l’affaire familiale.

Une affaire par enfant

Le groupe n’aurait pas connu une telle expansion si Martinus van der Valk n’avait pas décidé que chacun de ses 11 enfants, six filles et cinq garçons, devait avoir sa propre affaire. Et si ses filles n’avaient pas choisi d’épouser des hommes dont la philosophie collait à celle du paternel. Martinus a ainsi commencé à racheter des établissements existants. La plupart du temps, des affaires guère florissantes qu’il fallait remettre d’aplomb pour, ensuite, y décliner le concept familial. C’est ainsi que la famille est arrivée en Belgique à l’occasion de l’Expo 58. Martinus avait jeté son dévolu sur un café miteux avec beaucoup de terrain à Brasschaat sur la chaussée de Breda, soit la route rapide qui reliait Rotterdam à Anvers. An van der Valk et son mari Ben Wohrmann se sont donc installés au Dennenhof en 1958. Ils y ont rapidement ajouté une trentaine de chambres en bois. Le premier motel belge était né. Et, par la même occasion, le premier du groupe. Ce n’est que 10 ans plus tard, sous l’impulsion de Gerrit, le frère d’An, que la famille s’est spécialisée dans la construction de motels en commençant par Nuland en 1968, le premier hôtel entièrement conçu et construit par les van der Valk.

Un toucan pour des faucons
© Photos : PG

En Belgique

Depuis Brasschaat, la famille a continué à grandir en Belgique. Bert Wohrmann, le fils aîné d’An et Ben, s’est tourné vers la Wallonie. Ses quatre fils s’occupent chacun d’un hôtel : Ben à Charleroi, Bob à Nivelles, Mathieu à Mons et, enfin, Marco à Verviers. C’est aussi Marco Wohrmann qui vient de racheter Les Comtes de Méan, le palace cinq étoiles de Liège.

” J’aime cet endroit depuis longtemps. C’est le plus bel hôtel de Liège. Nous l’avons acheté alors que nous avons déjà ouvert le Congrès Hôtel dans la ville l’an dernier. Honnêtement, nous l’avons fait, entre autres, pour éviter que quelqu’un qui n’appartient pas au secteur hôtelier ne le reprenne. Ils font du tort au métier ces gens-là, notamment en proposant des prix de chambre pas du tout cohérent. Le marché à Liège est petit, il faut faire attention. Ceci dit, Les Comtes de Méan – que nous avons rebaptisé Hôtel Sélys -, est un produit hôtelier qui marche bien. Nous avons 80 % de taux d’occupation comme au Congrès Hôtel. Ce n’était pas ça le problème, mais le coût d’exploitation qui était énorme. L’établissement était tellement bien structuré qu’il était capable d’un niveau de service incroyable. Oui, mais ce service n’avait aucun rapport avec le prix de la chambre. Ici, à Liège, nous en sommes à 100 euros en moyenne. Il aurait fallu demander le double pour s’en sortir… ”

Marco Wohrmann compte investir 2 millions d’euros pour mettre la griffe van der Valk dans l’établissement : une nouvelle cuisine plus adaptée aux réalités du métier, un nouveau bar plus attractif, un accès direct à la belle terrasse du restaurant via le boulevard de la Sauvenière, un parking, un nouveau parc informatique, etc.

” Mon épouse et moi allons aussi mettre notre touche de déco dans l’hôtel. Si nous devons respecter des critères propres au groupe, nous avons carte blanche pour le design et la déco. Dans le respect d’un budget évidemment. C’est pour cela qu’aucun hôtel Van der Valk ne se ressemble. A part le logo du toucan évidemment. Beaucoup de gens me demandent pourquoi pas un faucon, ce qui serait plus logique vu notre nom (valk signifie faucon en néerlandais, Ndlr). En fait, après la Seconde Guerre mondiale, le faucon avait une très mauvaise image aux Pays-Bas vu son utilisation par les nazis. Une année, mon arrière-grand-père a fait venir un toucan dans le parc ornithologique qu’il avait repris ( Avifauna, Ndlr). Il en fait toute une publicité, vu le côté rare de l’oiseau, y compris sur les menus du restaurant du parc. Le logo a plu et est resté. ”

Un toucan pour des faucons
© Photos : PG

Des critères stricts

Aujourd’hui, le groupe Van der Valk exploite 115 établissements dans le monde entier dont une bonne septantaine aux Pays-Bas, une dizaine en Belgique, autant en Allemagne et deux en France, sans oublier l’Espagne et les Caraïbes. Tous répondent à des critères bien précis. Notamment familiaux.

” Vous devez être un descendant de Martinus van der Valk si vous voulez ouvrir un hôtel Van der Valk, sourit Marco Wohrmann. Moi, je suis le petit-fils d’An, donc un représentant de la quatrième génération si l’on compte à partir de Martinus. En outre, l’actionnariat doit être familial à 100 %. Il faut donc être en pleine propriété. Par exemple, ici à Sélys, c’est moi à 100 %, à Verviers, c’est le holding de mon père et au Congrès Hôtel, mes frères et moi en détenons 25 % chacun. Autre critère : nous n’exploitons plus que des quatre étoiles. C’est un choix stratégique comme pour Sélys à Liège. Il faut savoir que dans de nombreuses entreprises, il est interdit de réserver une chambre dans un cinq étoiles. Il vaut donc mieux descendre à quatre pour ne pas être exclu de leurs catalogues. ”

Jusqu’en 1995, les affaires de la famille étaient plus ou moins centralisées. Mais, suite à l’enlèvement de l’épouse de Gerrit et le paiement rapide de la rançon, le fisc néerlandais s’en est mêlé. L’affaire a fait grand bruit aux Pays-Bas et a amené de la clarté dans les affaires.

” Le groupe s’est scindé en 11 filiales, explique Marco Wohrmann. Une par enfant de Martinus. Dans ma branche, mon père s’est immédiatement séparé de ses frères et soeurs pour gérer ses propres affaires. Mais, dans la branche Luiten qui gère, entre autres, nos établissements à Diegem et Bruges, ils sont encore tous ensemble. Pour vous donner une idée, dans ma génération, nous sommes 300 cousins. Tous ne gèrent pas un hôtel évidemment, mais certains se sont spécialisés : l’un s’occupe de l’IT dans tous nos établissements, un autre du marketing, un troisième du design, etc. Si la troisième génération s’est un peu chamaillée à cause de l’affaire fiscale, elle a quand même permis à ma génération d’avoir de bonnes bases. Nous avons mis de la transparence dans toutes nos activités. Si certaines sont encore centralisées, comme les achats, le principe est que l’argent gagné sur les marges obtenues soit redistribué. Aucun cousin ne fait de l’argent sur le dos d’un autre. Enfin, à chaque nouvelle génération, si quelqu’un n’est pas intéressé par le business, il est évidemment dédommagé mais sans affecter l’affaire familiale. En d’autres termes, le groupe ne vend jamais un de ses hôtels. ”

Namur, Tournai, Ostende

La branche Wohrmann installée en Wallonie ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Après avoir entièrement modernisé l’hôtel de Nivelles avec la création d’une quinzaine de salles de séminaires du dernier cri technologique, elle a des visées sur Tournai, Ostende mais aussi Namur où elle va ouvrir à Bouge un hôtel dont le concept sera proche de celui d’Arlon : un projet plus classique à proximité d’une autoroute.

Enfin, si un jour, vous passez par Voorschoten, sachez que De Gouden Leeuw existe toujours. Ce n’est évidemment plus un café attenant à une ferme mais un hôtel quatre étoiles avec spa. On ne vend pas dans le groupe Van der Valk…

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