Un Reaktor pour passer en mode scale-up

© PG

La deuxième édition du programme d’accélération Reaktor se termine en boulet de canon. Les start-up participantes ont enclenché la vitesse supérieure et lèvent des fonds à tour de bras.

La start-up wallonne Utopix vient de lever 730.000 euros. Cette jeune pousse prometteuse, qui met en contact les marques avec des professionnels pour organiser des shootings photos ou vidéos, travaille déjà avec de grands noms comme Deliveroo, ING, L’Oréal, Carrefour, etc. En avril dernier, la start-up spécialisée dans la gestion de places de parking Commuty bouclait un tour de table de 500.000 euros. Quasi simultanément, le projet liégeois Osimis levait 2,3 millions d’euros. Point commun de ces trois start-up ambitieuses ? Elles sont toutes passées par le Reaktor, un programme d’accélération inédit en Région wallonne.

” Ma start-up s’apprêtait à passer en mode scale-up ( phase de croissance, Ndlr). Cela suppose des besoins nouveaux, et il n’y a pas vraiment d’école pour ça “, explique Frédéric Lambrechts, qui a rejoint le programme en 2019. La jeune entreprise développe des solutions logicielles pour le secteur de l’imagerie médicale. Elle occupe une quinzaine de personnes et a doublé ses ventes en 2018 (500.000 euros de chiffre d’affaires). La société est déjà active dans 14 pays, et ambitionne d’accélérer son développement international.

Les start-up de l’édition actuelle sont plus mûres que celles de l’année dernière. ” Nathalie Guilmot, coordinatrice de Reaktor

Ce profil correspond parfaitement à celui des participants que le Reaktor espère attirer. Pour cette deuxième édition du programme, qui s’achève dans le courant de mois, l’accélérateur a sélectionné sept jeunes entreprises, parmi plus de 80 candidatures. ” Nous cherchons des start-up avec une équipe d’environ 10 personnes, dont le business model est déjà validé, qui ont un premier financement et qui visent une levée de fonds en série A “, détaille la responsable du Reaktor, Nathalie Guilmot. Le montant de cette première levée de fonds ” sérieuse ” tourne autour d’un million d’euros en moyenne. Les sept start-up présentes dans l’édition 2019 du programme ont annoncé leurs ambitions en début d’année : au total, elles espèrent récolter 6,5 millions d’euros.

Le seul Osimis a déjà rempli un tiers de ce contrat. La start-up Smovin, qui se spécialise dans la gestion automatique de biens immobiliers, est actuellement en pourparlers avec des investisseurs pour réunir 800.000 euros. Quant à Sunrise, elle discute avec plusieurs acteurs et espère lever un million d’euros d’ici l’été prochain. La start-up – qui n’a rien à voir avec l’application du Bruxellois Jeremy Le Van, revendue à Microsoft en 2015 pour 100 millions de dollars – développe un senseur capable d’évaluer la qualité de notre sommeil.

Nathalie Guilmot, coordinatrice de Reaktor
Nathalie Guilmot, coordinatrice de Reaktor© PG

Cap sur l’international

L’accompagnement dans les phases de financement et de levées de fonds fait intégralement partie du programme d’accélération proposé par le Reaktor. Des investisseurs réputés comme Frank Maene (Volta Ventures) viennent régulièrement livrer leurs conseils aux start-up participantes. ” Notre idée, c’est d’être complémentaires aux accélérateurs qui se focalisent sur le early stage ( les premiers pas d’une start-up, Ndlr), avance Nathalie Guilmot. En Wallonie, il est relativement facile de faire une première levée de fonds, mais cela devient beaucoup plus compliqué quand on dépasse 500.000 à un million d’euros. A ce moment-là, il faut convaincre les investisseurs initiaux de participer à un nouveau tour de table, mais aussi en trouver de nouveaux. ”

Financé en grande partie par des fonds européens Feder, le programme se destine prioritairement à des start-up wallonnes. Pour ce qui concerne les sources potentielles de financement, le Reaktor veut s’ouvrir vers l’international. ” L’ambition est de créer des scale-up qui pourront se déployer à l’échelle européenne, pointe David Valentiny, CEO d’Engine, la plateforme de soutien aux start-up et aux PME basée à Mont-Saint-Guibert, qui chapeaute le Reaktor. Pour cela, notre objectif est aussi d’aller chercher des capitaux à l’étranger. ” Des fonds comme Serena Capital (France), Expon Capital (Luxembourg) ou Newion Investment (Pays-Bas), qui participent au programme, montrent l’intérêt que peuvent susciter les start-up wallonnes en dehors de la Belgique.

L’ambition est de créer des ‘scale-up’ qui pourront se déployer à l’échelle européenne.” David Valentiny, CEO d’Engine, plateforme qui chapeaute Reaktor

Le Reaktor veut faire émerger des projets exportables à l’international, à partir d’un écosystème wallon des start-up numériques qui n’est pas encore habitué au modèle scale-up. ” La volonté entrepreneuriale progresse en Wallonie. Mais nous manquons encore de conquérants “, remarque David Valentiny. Les start-up restent encore trop souvent coincées à leur stade initial ou s’installent dans le paysage des PME de petite taille. Peu de projets ont la volonté ou l’audace de passer au stade de la scale-up, qui implique un processus d’adaptation totalement nouveau. C’est précisément au moment d’entrer dans cette phase de croissance délicate à gérer qu’elles ont besoin d’un accompagnement, estime-t-on du côté du Reaktor.

Au-delà de la levée de fonds

Cet accompagnement ne se limite pas à la question du financement. Les experts et les coachs qui conseillent les patrons de start-up au cours des trois mois du programme (à raison d’un jour intensif par semaine) abordent toutes les thématiques : marketing, gouvernance, politique de prix, etc. ” Par rapport à la première édition, nous avons renforcé notre accompagnement sur les aspects ressources humaines et sur les problématiques liées à la vente “, souligne Nathalie Guilmot.

Laurent Martinot, cofondateur de Sunrise, cherche un accompagnement et des conseils dans un contexte particulier : sa start-up, qui développe un appareil mesurant la qualité du sommeil, va se lancer sur le marché des particuliers, alors qu’elle vend actuellement ses produits aux professionnels de la santé. ” Un expert m’a éveillé à la nécessité de développer une stratégie de vente vers certaines grandes entreprises, dans certains secteurs clés comme l’assurance ou l’hôtellerie “, illustre Laurent Martinot. Sa start-up est active sur un marché déjà concurrentiel, où il importe de rapidement s’étendre. Ce qui implique de déployer une stratégie ciblée vers les gros acheteurs potentiels.

David Valentiny, CEO d'Engine, plateforme qui chapeaute Reaktor
David Valentiny, CEO d’Engine, plateforme qui chapeaute Reaktor© PG

Bientôt une licorne wallonne ?

Frédéric Lambrechts (Osimis) fait face à d’autres problématiques. Tout d’abord, son projet implique plusieurs marques : Osimis développe parallèlement Orthanc, une plateforme open source destinée à un déploiement international rapide, et Lify, sa plateforme commerciale. ” Chaque marque suppose un branding différent pour toucher le bon public. Ce n’est pas facile à gérer “, pointe Frédéric Lambrechts. Le cofondateur d’Osimis est également occupé à faire évoluer la structure et l’organisation interne de sa start-up, pour faire face au défi de la croissance. ” Je dois passer du statut d’homme- orchestre à celui de chef d’orchestre “, schématise-t-il.

Les responsables du programme espèrent progressivement accompagner les start-up participantes vers des phases de croissance de plus en plus élaborées. ” Les start-up de l’édition actuelle sont plus mûres que celles de l’année dernière “, se réjouit Nathalie Guilmot. La première ” licorne ” wallonne – une licorne est une start-up dont la valorisation passe le cap du milliard d’euros – se cache peut-être parmi les participants à l’une des éditions (passée, présente ou future) du Reaktor.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content