La fiscalité des voitures de société? Un casse-tête…

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Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

La déduction des frais de voiture est devenue un véritable casse-tête. Pour les comptables et les experts-comptables, elle engendre un travail fou.

Que l’on soit salarié, indépendant, titulaire d’une profession libérale ou chef d’entreprise, la fiscalité intervient dans le choix de la nouvelle voiture de société. Depuis 2018, les indépendants non adossés à une société sont, au même titre que les entreprises, fiscalement encouragés à opter pour des voitures propres.

” Depuis l’exercice d’imposition 2019, la déductibilité des voitures à l’impôt des personnes physiques est identique à ce qu’elle est à l’impôt des sociétés, expose Roel Van Hemelen, partenaire et conseiller fiscal chez Tax Quest. Seule exception : les voitures acquises avant le 1er janvier 2018, qui resteront déductibles à 75% au minimum. ”

Cette exception s’inscrit, d’après notre interlocuteur, dans le cadre de la lutte contre la ” sociétisation ” – les partenaires du gouvernement ont craint que l’abaissement des tarifs à l’impôt des sociétés, décidé à l’été 2017, n’entraîne une fuite des indépendants vers les diverses formes de société. Or, l’impôt des personnes physiques doit continuer à rapporter suffisamment car il est, grâce aux taxes additionnelles, une source importante de revenus pour les administrations locales.

” D’une part, le gouvernement a pris toute une série de mesures, comme celle qui consiste à relever la rémunération minimum des dirigeants d’entreprise, pour éviter la conversion massive d’activités indépendantes en sociétés, poursuit Roel Van Hemelen. Certaines de ces mesures ont d’ailleurs d’ores et déjà été abandonnées, ajoute-t-il en passant, faisant allusion à la suppression de l’amende prévue en cas de non-respect de la rémunération minimum. D’autre part, le gouvernement s’est attelé à rendre l’impôt des personnes physiques moins pénalisant. L’assouplissement du régime relatif aux frais de voiture fait, d’après moi, partie de ces initiatives. ”

Voitures neuves

Toutes les dépenses relatives à la voiture doivent être étayées par des factures, seuls les frais de carburant pouvant être le résultat d’estimations. Mieux vaut toutefois que les automobilistes qui peuvent déduire la TVA réclament des factures pour le carburant également, sans quoi la récupération sera impossible. Le prix d’achat de la voiture doit être amorti sur plusieurs années ou sur la durée de vie normale d’une automobile. Les primes d’assurance, les abonnements aux services de dépannage comme Touring ou le VAB, les taxes et les frais de contrôle technique peuvent être déduits chaque année ; les entretiens, réparations, passages au car wash, frais de stationnement et péages d’autoroutes et de tunnels sont des dépenses déductibles eux aussi.

La déduction des frais de voiture est devenue un véritable casse-tête. Pour les comptables et les experts-comptables, elle engendre un travail fou. ” Roel Van Hemelen (Tax Quest)

Le pourcentage de déductibilité dépend actuellement des émissions de CO2 par kilomètre parcouru. Pour les automobiles acquises le 1er janvier 2018 ou après, ce principe s’applique à l’impôt aussi bien des personnes physiques que des sociétés. Pour les voitures plus anciennes, c’est le système le plus avantageux qui est retenu : les automobilistes pour qui le nouveau système est plus intéressant peuvent d’ores et déjà y avoir recours, les autres restent autorisés à appliquer la déduction de 75% au minimum.

Pour les voitures électriques, qui n’émettent pas de CO2, le pourcentage de déduction reste fixé à 120% pour les exercices d’imposition 2019 et 2020. Selon notre spécialiste, les modifications insérées dans la déclaration de 2019 ne devraient pas suffire à inciter les indépendants et les titulaires de profession libérale à opter massivement pour la voiture électrique. ” Parmi mes clients indépendants, un seul a acheté une Tesla l’an passé, relate-t-il. N’oubliez pas que les voitures électriques coûtent toujours beaucoup plus cher que les voitures à moteur à combustion ; l’avantage fiscal ne suffit pas à compenser ce surcoût. L’arrivée de modèles moins onéreux sur le marché pourrait naturellement changer la donne. ”

La fiscalité des voitures de société? Un casse-tête...

Roel Van Hemelen rappelle que si tout le monde faisait le choix de la voiture électrique, le gouvernement aurait un problème : ” L’Etat serait privé des revenus des accises sur les carburants. Certains hommes politiques ont cru que cette perte pourrait être compensée par l’instauration d’une taxe kilométrique “. Taxe qu’à la veille des élections, la N-VA, craignant de se tirer une balle dans le pied, a cessé de qualifier d’inévitable.

A partir de l’exercice d’imposition 2021, la déductibilité des frais de voiture changera à nouveau, tant à l’impôt des personnes physiques qu’à l’impôt des sociétés. Les 120% de déduction disparaîtront et les frais ne seront plus déductibles à plus de 100%. Les personnes qui envisagent d’acquérir une voiture électrique feront bien d’en tenir compte.

Casse-tête

A partir de l’année de revenus 2020/exercice d’imposition 2021, le pourcentage de déduction sera calculé au moyen d’une formule au sein de laquelle les différents carburants se verront attribuer des coefficients distincts et qui tiendra également compte des émissions de CO2. Le pourcentage de déduction sera limité dans les deux sens : 100% au maximum et 50% au minimum. Il ne chutera davantage (à 40%) que pour les voitures qui émettent 200 grammes de CO2 ou plus par kilomètre. Ici également, les voitures acquises avant le 1er janvier 2018 seront traitées différemment à l’impôt des personnes physiques.

A partir de l’année de revenus 2020, le gouvernement entend mener la vie dure à ce que l’on appelle les fausses voitures hybrides : si la capacité de la batterie électrique est inférieure à 0,5 kWh par 100 kilos de poids de la voiture ou que l’émission est supérieure à 50 grammes de CO2 par kilomètre, une correction sera pratiquée. L’administration fiscale tiendra compte des émissions d’un modèle semblable propulsé par un moteur classique ou, en l’absence de point de comparaison, elle multipliera l’émission de CO2 de la voiture hybride par un coefficient 2,5. Cette émission corrigée sera également prise en compte pour le calcul de l’avantage de toute nature. Les voitures hybrides commandées avant le 1er janvier 2018 feront, là encore, exception : c’est l’émission réelle de CO2 qui sera retenue en 2020, ainsi que durant les années de revenus suivantes.

Une norme n’est pas l’autre

Le scandale du dieselgate a incité les régulateurs à examiner à la loupe les normes d’émission. Depuis le 1er septembre, toutes les voitures neuves doivent être homologuées selon les nouvelles normes WLTP (” Procédure d’essai mondiale harmonisée pour les voitures particulières et les véhicules utilitaires légers “), qui se substituent aux normes NEDC (” Emissions des véhicules à moteur “).

” D’après les normes WLTP, toutes les voitures ont des émissions de CO2 supérieures à ce qu’avaient révélé les essais NEDC, affirme Roel Van Hemelen. Le gouvernement belge, ne cherchant pas à pénaliser cette différence, a décidé de continuer à calculer, jusqu’au 31 décembre 2020 au moins, les émissions fiscales selon les normes NEDC. ”

Calculer l’incidence de la fiscalité n’est pas simple. Heureusement, Internet propose toute une série de modules qui peuvent y aider. ” La déduction des frais de voiture est devenue un véritable casse-tête, avertit Roel Van Hemelen. Pour les comptables et les experts-comptables, elle engendre un travail fou. Quant aux indépendants qui envisagent d’acheter une nouvelle voiture, il n’est pas facile pour eux de savoir si le choix d’un véhicule écologique est avantageux. Il nous est arrivé à plusieurs reprises déjà de comparer des offres pour des clients : la voiture électrique s’est parfois révélée plus intéressante, mais cela n’a pas été systématiquement le cas. ”

Notre expert, qui enseigne la fiscalité de l’automobile, a contribué au développement de l’application Ototo, qui permet à l’automobiliste de visualiser instantanément les éléments fiscaux importants du véhicule. Ototo calcule en quelques clics la taxe de mise en circulation, la taxe annuelle de roulage, l’avantage de toute nature et la déductibilité. Elle est gratuite pour les utilisateurs, qui sont invités à saisir un certain nombre de données à propos d’eux-mêmes et de la voiture qu’ils envisagent d’acquérir ; elle est également vendue aux distributeurs, dont les clients peuvent alors se contenter de scanner un code QR.

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