Pourquoi les assurances hospitalisation sont hors de prix pour les plus de 66 ans

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Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Une assurance hospitalisation via l’employeur constitue un avantage non négligeable. Mais en cas de licenciement ou de départ à la retraite de l’employé, les primes peuvent lourdement déraper. A moins que…

L’union professionnelle des entreprises d’assurances Assuralia vient de publier sur son site une nouvelle brochure sur les assurances hospitalisation. On peut y lire que les patients belges paient environ 20 % des frais de soins de santé de leur poche. ” Un couple de trentenaires dépense par exemple en moyenne plus de 1.000 euros par an en soins de santé. Et quand il a la cinquantaine, environ 1.500. Il s’agit notamment du ticket modérateur non remboursé par la mutuelle. ”

Et si nous sommes victimes d’un accident de la vie, la facture peut s’avérer encore plus salée. D’autant que comme dit l’adage, un malheur n’arrive jamais seul. C’est exactement ce qui est arrivé à Sofie Verschueren, ex-présentatrice sur le réseau néerlandophone de Radio Nostalgie et aujourd’hui lectrice à la Hoge School West-Vlaanderen. ” Cet été, j’ai été licenciée après plus de 10 ans de service. J’ai perdu mes revenus fixes mais aussi mon assurance hospitalisation souscrite par le biais de mon employeur. Or toute la famille en bénéficiait. Pour moi, cette couverture était normale. Deux jours après mon licenciement, j’ai donc introduit une demande de prolongation individuelle. ”

Prolongation individuelle

La loi Verwilghen de 2007 oblige en effet les compagnies d’assurance à offrir la possibilité aux employés licenciés ou pensionnés de prolonger l’assurance hospitalisation à titre individuel. Moyennant deux conditions : cette prolongation doit être demandée dans le mois qui suit la notification de l’employeur et l’employé doit être affilié depuis deux ans au moins sans interruption.

Avec l’âge, les primes d’une assurance hospitalisation peuvent sérieusement augmenter.

Pour la jeune femme, un choix évident. Surtout quand, comme elle, on fait l’expérience de la dure loi de Murphy. Tous les membres de sa famille, Sofie, son mari et leurs deux enfants, ont chacun été hospitalisés sur un court laps de temps. Après le licenciement, les pépins de santé… Tant que Sofie Verschueren était affiliée par le biais de son employeur, pas de souci : les factures d’hôpital étaient remboursées jusqu’au dernier euro. Mais aujourd’hui, l’ex-animatrice doit désormais tenir compte d’une franchise (la partie du dommage qui échoit au preneur d’assurance) de 330 euros. Et de quelques autres modalités : ” les assureurs sont certes obligés de proposer une assurance mais la loi ne dit rien sur le montant de la prime annuelle, la franchise ou les plafonds de remboursement “, tempère Sofie Verschueren. L’ex-animatrice relativise tout de même la somme qu’elle doit payer : ” nos frais médicaux de cet été sont déjà bien plus élevés “. Pour elle, l’assurance hospitalisation se justifie donc entièrement.

Surtout que les frais ne s’arrêteront pas là. Le mari de Sofie a fait une mauvaise chute pendant son jogging. Il a déjà été opéré par deux fois et hospitalisé plusieurs jours pour une infection au coude. Le médecin lui a prescrit 60 séances de kiné. ” Autrement dit, c’est loin d’être fini, lance Sofie Verschueren. La prolongation individuelle de l’assurance hospitalisation coûte très cher mais nous n’avons pas le choix. Nous ne pouvons pas nous adresser à d’autres assureurs parce qu’ils imposent un stage d’attente et les frais liés aux maladies existantes ne sont pas remboursés. ”

Il existe par ailleurs d’autres contraintes. ” Plus vous êtes âgés, plus l’assurance hospitalisation coûte cher “, rappelle Sofie. Le site d’AG Insurance précise par exemple que, passé 65 ans, la prime peut être jusqu’à trois fois plus élevée que le tarif actuel de l’assurance hospitalisation contractée via votre employeur. Selon la brochure des mutualités indépendantes, la prime Hospitalia est ainsi de 50 % plus élevée pour les plus de 55 ans qui souscrivent pour la première fois, et de 70 % plus élevée pour les personnes âgées de 60 à 70 ans.” En fait, tout le monde devrait contracter une assurance hospitalisation dès ses 18 ans “, conclut Sofie.

La plupart des employés bénéficiant d’une couverture hospitalisation l’ignorent mais il y a en effet moyen de prolonger l’assurance hospitalisation à titre individuel à un prix raisonnable : en souscrivant une police d’attente, une espèce de préfinancement de la prime d’assurance nettement plus élevée que vous auriez dû payer si vous aviez dû y souscrire à un âge plus avancé.

Moins de cinq euros par mois

AG Insurance, notamment, propose une police d’attente AG Care Vision pour moins de cinq euros par mois aux jeunes de moins de 20 ans. Si vous y souscriviez à 35 ans, elle vous coûterait trois fois plus cher. A 45 ans, cinq fois plus cher. Et ainsi de suite… Mieux vaut donc vous l’offrir le plus vite possible. D’autant que cette AG Care Vision comporte d’autres avantages. Par exemple, comme le précise le site, ” les frais médicaux qui dépassent le plafond de l’assurance souscrite via l’employeur sont remboursés si ce plafond est au moins deux fois plus élevé que l’intervention légale. Le traitement des maladies graves, non repris dans le plan lié à l’activité professionnelle, est lui entièrement remboursé. Enfin, vous bénéficiez également d’une assistance à l’étranger “.

En fait, tout le monde devrait contracter une assurance hospitalisation dès ses 18 ans.” Sofie, ancienne animatrice radio.

Ce n’est pas un hasard si nous citons AG Insurance. L’assureur figure, avec DKV et Ethias, dans le trio de tête en matière d’assurances maladie. Ils sont les seuls à proposer ce type de polices (DKV vient de les arrêter). De leur côté, les mutualités indépendantes proposent la police d’attente Hospitalia Continuité. A l’instar d’AG Insurance, cette couverture prévoit le remboursement supplémentaire de certains frais à charge du patient tant que l’assurance hospitalisation est souscrite via l’employeur ; puis la remplace dès que celle-ci devient caduque.

” Je suis pour les polices d’attente “, dit Erwin Martens du courtier d’assurances éponyme de Tongres et administrateur de la Fédération des courtiers en assurances et intermédiaires financiers (BZB-Fedafin). ” Il n’est pas rare que des clients qui touchaient autrefois un salaire de plusieurs milliers d’euros doivent par exemple se contenter d’une pension de 1.500 euros par mois. Or, non seulement leurs revenus diminuent de façon drastique, mais ils doivent en outre payer une prime d’assurance hospitalisation considérablement plus élevée. Celle-ci peut facilement grimper jusqu’à 2.000 euros par an pour un couple ayant souscrit une assurance complète. S’ils avaient opté pour une police d’attente, ils n’auraient pas eu de stage d’attente, auraient bénéficié d’une prime plus limitée et – plus important encore – n’auraient pas dû remplir de nouveau questionnaire médical pour être acceptés. ”

Et Erwin Martens confirme la remarque de Sofie : afin de limiter cette prime, mieux vaut donc souscrire la police d’attente le plus jeune possible. ” Certes, il faut un certain temps avant que le jeu en vaille la chandelle. Pas besoin d’assurance hospitalisation pour une grippe ou un bras cassé mais, en cas de grosse déconvenue, cela me paraît fortement conseillé. ”

Pourquoi les assurances hospitalisation sont hors de prix pour les plus de 66 ans
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Prime nivelée

A l’Union nationale des mutualités socialistes, pourtant, on ne propose pas de police d’attente. Katrien De Weirdt, sa porte-parole, s’en explique. ” Ces polices sont surtout intéressantes pour les assurances hospitalisation qui appliquent la ‘prime nivelée’, à savoir une prime fixe basée sur l’âge qu’avait l’assuré lors de son affiliation. ” Les Mutualités socialistes, par contre, appliquent un système de primes qui augmentent en fonction de l’âge de l’assuré. De plus en plus de compagnies d’assurance privées fonctionnent ainsi. ” AG Insurance est, que je sache, la seule qui applique encore les primes nivelées “, confie Erwin Martens.

Maximum à facturer

Et si les mutualités socialistes vendent des assurances hospitalisation, elles le font également sans grand enthousiasme. ” Nous n’y sommes pas favorables, poursuit Katrien De Weirdt. Ces produits sont chers et donnent une fausse impression de sécurité. Ils rendent par ailleurs la médecine encore plus chère, ou à deux vitesses, donc moins accessible à tous. Si nous offrons des assurances hospitalisation, c’est afin de proposer aux personnes exclues une alternative moins chère que celles du privé. Entre-temps, nous avons fait en sorte que l’accessibilité financière des soins soit plus ou moins garantie, grâce notamment à notre plaidoyer en faveur de l’interdiction de suppléments pour les chambres de deux personnes ou plus. ”

D’ailleurs, l’assurance hospitalisation est-elle vraiment indispensable depuis l’instauration du montant maximum à facturer (Maf) en Belgique ? Pour rappel, ce système limite les dépenses de soins de santé. Si les frais médicaux qui restent à votre charge, après l’intervention de l’assurance soins de santé, atteignent un montant maximum au cours de l’année, votre mutualité vous rembourse intégralement les frais qui viendraient encore s’ajouter.

Mais comme le rappelle Erwin Martens, ” ce Maf concerne uniquement les médicaments et les traitements remboursés par les mutualités. Il n’est en fait que le nouveau plafond légal du ticket modérateur, la partie à charge du patient. Il est évidemment une bonne chose en soi mais l’assurance hospitalisation couvre toute une série de frais non remboursés par les mutualités”. Notamment certains traitements à l’étranger. Exemple avec un collègue de Martens. Déclaré en Belgique, il voulait se faire soigner à Boston. ” Le traitement a été accepté et remboursé par l’assurance hospitalisation. Je connais aussi l’histoire d’un de mes clients qui devait se faire opérer d’une hernie difficilement accessible. L’opération pouvait se dérouler aux Pays-Bas grâce à une technique beaucoup moins invasive, d’où une revalidation écourtée. ”

Couvertures différentes

Depuis le début des années 2000, les nouveaux contrats d’assurance listent par ailleurs 30 maladies graves pour lesquelles l’assurance hospitalisation couvre également les soins ambulatoires ainsi que les frais médicaux hors hôpital. Une liste qui tient pourtant parfois de la loterie, admet Erwin Martens. ” Nous comptons parmi nos clients une dame atteinte d’une maladie dont les symptômes sont quasi similaires à ceux de Parkinson. Mais comme elle n’est pas reprise dans la liste officielle des 30 maladies graves reconnues, seuls les frais d’hospitalisation sont remboursés ainsi que les frais inhérents 30 jours avant et 90 jours après l’hospitalisation. ”

Selon Kelly Schamphelaere, directrice de BZB-Fedafin, il existe de toute façon de grandes différences entre les couvertures. ” Certaines assurances n’interviennent qu’à partir du moment où le patient passe une nuit à l’hôpital. Quand on sait que de plus en plus d’opérations se font en clinique de jour, la nuance est de taille. Parfois, les frais sont remboursés si les parents restent auprès de leur enfant hospitalisé, parfois pas. Les transports de et vers l’hôpital sont tantôt inclus dans la police, tantôt pas. L’intermédiaire doit donc absolument soupeser les différents aspects en fonction des besoins du client pour choisir l’assurance hospitalisation qui lui convient le mieux. ”

Avec une police d’attente, pas de stage d’attente, la prime est plus limitée et – plus important encore – pas de nouveau questionnaire médical pour être accepté. ” Erwin Martens (agence d’assurances Martens)

Ce n’est d’ailleurs pas le seul défi auquel ces professionnels sont confrontés. Comme le font remarquer plusieurs courtiers en assurance, le nouveau règlement général européen sur la protection des données (GDPR) peut poser problème quant au suivi des dossiers pour le compte de leurs clients. ” Prenez l’exemple d’un homme isolé qui tombe dans le coma, explique Erwin Martens. Qui s’occupe de la paperasserie ? Nous ne pouvons rien faire depuis l’instauration du GDPR. Certains assureurs refusent désormais de transmettre des informations pour des raisons de respect de la vie privée. Nous n’avons plus de droit de regard sur le compte, à moins que nous ne demandions aux clients de fournir toutes les factures. Ils rouspètent mais nous n’avons plus accès à leur dossier. La Fédération des intermédiaires financiers indépendants planche sur un système de procuration étendue pour résoudre le problème. “

3 fois plus cher

Le montant possible de la prime d’une assurance hospitalisation contractée à titre individuel, par rapport à celle prise via votre employeur.

5 euros

Le montant mensuel de la prime d’une police d’attente pour les moins de 20 ans, chez AG Insurance.

30 maladies

Le nombre de pathologies graves pour lesquelles les nouveaux contrats d’assurance hospitalisation couvrent les soins ambulatoires ainsi que les frais médicaux hors hôpital.

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