Un homme sans titre

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Né 40 ans après le voyage d’Albert Camus en Kabylie, Xavier Le Clerc propose ici un triple récit: celui de l’Algérie au 20e siècle, celui de la construction en France de sa propre identité, et surtout celui de Mohand-Saïd, celui qui est “devenu [son] père”. Brouillé depuis 20 ans avec cet immigré paternel au moment où il apprend sa mort, il en dresse ici le portrait, hommage sans fard, et s’interroge à la fois sur le destin d’individus déchirés entre deux terres, sur ce que les arbitrages lexicaux disent des constructions mentales, sur la réinterprétation des souvenirs intimes. Si certaines envolées frôlent à l’occasion la lourdeur, la langue fait l’objet d’un travail précis, lumineux: “la mémoire surpeuplée” de ce père était encombrée de “souvenirs entassés comme les femmes rachitiques dans la torpeur des gourbis”, de “réminiscences” comme autant de “shrapnels de la misère”. Ici, la littérature bâtit des ponts, mémoriels autant que géographiques.

Xavier Le Clerc, “Un homme sans titre”, Gallimard, 126 pages, 13,50 euros.

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