Un bouclier numérique pour protéger vos marques

Evrard van Zuylen, CEO de Darts-IP © Isopix

La société bruxelloise Darts-IP vient d’être rachetée par le groupe Clarivate Analytics. Les outils techno-juridiques de cette pépite belge méconnue permettent aux entreprises de défendre leurs marques, brevets, logos, dessins, noms de domaine, etc. dans le monde entier. Des clients prestigieux comme Solvay, LVMH, Bayer ou Apple font appel à ses services.

L’entreprise bruxelloise Darts-IP a tapé dans l’oeil du groupe Clarivate Analytics. En décembre dernier, cette multinationale présente dans 40 pays et cotée à la Bourse de New York a racheté à 100% la jeune pousse belge. Le montant de la transaction n’a pas été dévoilé. Cette intégration d’une société en pleine croissance au sein d’un groupe leader dans son domaine était inscrite dans les astres, estime Evrard van Zuylen, CEO de Darts-IP. ” Il était évident que nos deux sociétés allaient un jour se retrouver. Nos produits sont très complémentaires “, souligne le patron.

Créée il y a une douzaine d’années par l’avocat Jean-Jo Evrard, Darts-IP fournit des services de pointe en matière de propriété intellectuelle. Ingénieur civil diplômé de l’UCL, ancien d’IBM et du Boston Consulting Group, Evrard van Zuylen repère rapidement le potentiel de cette entreprise et s’attelle à la faire grandir. Quand il prend les rênes de Darts-IP, il n’en est pas à son coup d’essai. L’entrepreneur a déjà créé une start-up au début des années 2000 : Transwide, une plateforme de track & trace, active dans le suivi à distance des camions. Après quelques années, il revend Transwide au groupe Wolters Kluwer (centré désormais sur l’édition juridique), avant de se lancer avec ses associés dans l’aventure Darts-IP, une start-up appartenant à ce que l’on appelle aujourd’hui la legaltech, à savoir les nouvelles technologies appliquées au monde du droit.

En quelques secondes, une entreprise peut tester la protection juridique dont bénéficierait une nouvelle marque qu’elle souhaite mettre sur le marché.

Les premiers succès d’Evrard van Zuylen lui valent d’être nominé en 2007 par Trends-Tendances comme manager de l’année… de demain ! Douze ans plus tard, sa société emploie 220 personnes, affiche une belle santé et de fortes ambitions. Grâce à son modèle SaaS ( software as a service), la société a grandi tout en assurant financièrement ses arrières. L’abonnement annuel à Darts-IP, payable à l’avance par ses clients, a permis à la société d’être ” cash-flow positif ” dès la première année, assure Evrard van Zuylen. L’entreprise bruxelloise n’a jamais ressenti le besoin de procéder à des levées de fonds. Son capital est resté aux mains de ses associés, dont Evrard van Zuylen, jusqu’à la revente à Clarivate Analytics.

Un travail de fourmi

Darts-IP s’emploie à confectionner une base de données mondiale reprenant le plus grand nombre possible de décisions de justice concernant des litiges relatifs aux marques, aux brevets, aux noms de domaines, etc. Bref, à toutes les créations qui peuvent être protégées ou contestées en vertu des règles de propriété intellectuelle. Darts-IP est parvenue à créer en quelques années une base de données unique au monde, reprenant près de 5 millions de décisions issues de 3.650 juridictions disséminées dans le monde entier. La plateforme en ligne recense des décisions émanant d’autorités administratives et des jugements issus des tribunaux de l’ordre judiciaire de 140 pays dans le monde.

Dans certains pays, comme les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, ces décisions sont publiées sur Internet, ce qui facilite leur collecte. Mais ce n’est pas toujours le cas. En Belgique par exemple, où la mise en ligne de la jurisprudence est plus que parcellaire, Darts-IP utilise son propre réseau d’avocats, qui lui fournit les jugements les plus intéressants. Dans d’autres pays, c’est encore plus compliqué. ” C’est là aussi que réside notre valeur ajoutée : nous sommes capables de mettre à jour rapidement notre base de données avec des décisions difficilement accessibles “, pointe Evrard van Zuylen. En Allemagne par exemple, la collecte des jugements est ardue. Or, ce pays produit de nombreuses décisions importantes en matière de propriété intellectuelle (IP). ” Nous avons des collaborateurs qui vont tous les jours au tribunal de Düsseldorf et à celui de Mannheim, et qui scannent toutes les décisions liées à l’IP. C’est un travail de fourmi “, explique le CEO de Darts-IP.

Un bouclier numérique pour protéger vos marques

Prédire le risque juridique

Grâce à cette base de données ultra-complète, l’entreprise bruxelloise est capable de livrer des informations capitales à ses clients, leur permettant de mieux protéger leurs marques, brevets, logos, dessins, noms de domaine, etc. En quelques secondes, une entreprise peut tester la protection juridique dont bénéficierait une nouvelle marque qu’elle souhaite mettre sur le marché. Prenons l’exemple d’une entreprise pharmaceutique qui songe à baptiser son nouveau produit ” BioProtect+ “. La plateforme de Darts-IP va rechercher toutes les décisions administratives et judiciaires relatives aux marques comprenant les termes en question. ” D’après nos outils, nous constatons qu’une marque de produit pharmaceutique commençant par ‘bio’ est considérée comme ‘non distinctive’ dans 89% des cas. Le terme ‘bio’ étant trop générique, la protection juridique ne sera pas optimale “, illustre Evrard van Zuylen.

Le client peut tester cette protection pays par pays et estimer les risques juridiques qu’il court en optant pour telle ou telle marque. Grâce aux précédents encodés dans la base de données, il peut aussi estimer son pourcentage de chances de gagner un procès contre une entreprise qui utiliserait une marque proche de la sienne (exemple : Exko au lieu de Exki). Cette forme de ” justice prédictive ” informe l’entreprise sur l’opportunité d’introduire ou non des poursuites judiciaires, en fonction de l’issue probable de la procédure. Si le logiciel indique que le plaignant a 95% de chances de voir son action rejetée, le client y réfléchira à deux fois avant d’engager des frais dans une procédure qui paraît mal embarquée.

Ces outils sont utilisés par des avocats spécialisés en propriété intellectuelle. En Belgique, des cabinets comme NautaDutilh ou Altius ont un abonnement chez Darts-IP. Des conseillers en marques et brevets, des universités, des administrations, des magistrats, etc. font aussi appel aux services de l’entreprise. De grosses multinationales (Solvay, Google, Apple, etc.), qui doivent faire respecter leur propriété intellectuelle dans le monde entier, sont également branchées sur la plateforme de Darts-IP.

Cap sur l’intelligence artificielle

En 2019, la société bruxelloise a mis un coup d’accélérateur dans le domaine de l’intelligence artificielle, et plus particulièrement de la reconnaissance d’images. Le développement de ces nouveaux outils technologiques innovants ont convaincu le jury des Trends Legal Awards de décerner à Darts-IP le prix de la meilleure legaltech de l’année, quelques semaines à peine avant son intégration dans Clarivate Analytics.

Darts-IP a développé en interne son propre algorithme de reconnaissance de logos. Les décisions de justice en matière de propriété intellectuelle peuvent en effet intégrer des logos, des dessins, des schémas. Ces images sont scannées automatiquement par les outils de l’entreprise, et analysés par l’intelligence artificielle maison, qui est capable de trouver des correspondances avec des logos existant dans le monde entier. Vous voulez utiliser l’image du Manneken-Pis dans le logo de votre futur restaurant ? Vous pourrez voir tous les établissements qui utilisent la silhouette du célèbre petit garçon bruxellois. Un simple croquis tracé à la main suffit pour obtenir en quelques instants toutes les images similaires utilisées par d’éventuels concurrents.

L’outil de Darts-IP est relié à Google Patents, la base de données de brevets répertoriés par Google. Les utilisateurs de ce service en accès libre peuvent être informés sur l’existence de litiges concernant l’utilisation de telle ou telle image. Si l’utilisateur souhaite avoir accès à la décision de justice concernant ce litige, il est invité à rejoindre la plateforme (payante) de Darts-IP. Une belle porte d’entrée vers les services de la société belge.

Un groupe coté avec des origines belges

En croissance de 25% chaque année, Darts-IP, qui ne communique pas sur son chiffre d’affaires, est une belle success-story, qui comptait à ses débuts un associé célèbre : le ministre Open Vld Alexander De Croo. Ce dernier, qui a quitté l’entreprise et revendu ses parts dans la société quand il est entré en politique, a été l’un des premiers à féliciter le management de Darts-IP pour l’intégration de l’entreprise dans le groupe international Clarivate Analytics.

Cette société cotée n’est pas la première venue : elle réalisait en 2018 près de 970 millions de dollars de chiffre d’affaires. Spécialisée dans les bases de données scientifiques et de propriété intellectuelle, Clarivate a des origines… belges. Le groupe, qui a une implantation du côté d’Anvers, est en effet partiellement issu d’une division de la société Gevers, spécialisée dans le conseil en propriété intellectuelle.

Pour la multinationale Clarivate, ce rachat s’explique par une forte complémentarité de l’offre de Darts-IP avec ses propres services. La nouvelle maison mère de la société bruxelloise possède des bases de données en matière de propriété intellectuelle pour ce que l’on appelle les ” recherches d’antériorité “. Ses bases de données, qui sont alimentées par des organismes comme l’Office Benelux de la Propriété intellectuelle, permettent de savoir si la marque projetée est déjà utilisée. Mais il manquait une ” brique ” d’informations à l’entreprise : les données issues de litiges judiciaires ou administratifs. C’est précisément ce qu’apporte Darts-IP avec sa plateforme et ses 5 millions de décisions.

Des logos à gogo

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Les nouveaux outils d’intelligence artificielle développés par Darts-IP sont capables de retrouver des logos similaires au vôtre, peu importe l’endroit où ils sont utilisés. La recherche peut se faire à partir d’un logo existant, mais aussi à partir d’un simple croquis.

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