Uber en Bourse : une nouvelle pyramide de Ponzi ?

Amid Faljaoui Rédacteur en chef de Trends-Tendances

L’introduction en Bourse (IPO) d’Uber est un bon prétexte pour analyser les excès de l’économie numérique. Reprenons les choses calmement : Uber, la firme qui a décidé de rendre ringards tous les taxis du monde, a dévoilé ses chiffres lors de son IPO. Or, en lisant le prospectus destiné aux investisseurs, on y lit noir sur blanc que ses dépenses opérationnelles ” will increase significantly in the foreseeable future “ (” vont augmenter de manière significative dans un avenir proche “) et, comme si cela ne suffisait pas, le même plumitif d’Uber ajoute sans sourciller que ” the company may not achieve profitability ” (” la société peut ne pas atteindre la rentabilité “).

A chaque nouvelle levée de fonds d’Uber, les investisseurs mettent de l’argent car ils savent que le prochain ticket d’entrée sera encore plus élevé. Mais selon l’analyste Hamish Douglass, Uber a 99 % de chances d’être en faillite en 2027.

Même des médias aussi sérieux que Reuters n’y trouvent rien à redire et semblent trouver cela normal. Il est vrai que la plupart des médias économiques ont, eux aussi, perdu la raison. La preuve ? A chaque fois qu’une start-up ou une licorne (société valorisée à un milliard de dollars) lève des fonds, c’est le même mouvement d’extase : ô mon Dieu, comme c’est formidable, la société Machin a levé X millions et la société Bidule deux fois plus ! A aucun moment, ces médias ne prennent la peine de se pencher sur les bénéfices de ces entreprises. A croire que la nouvelle métrique financière, c’est la levée de fonds et non plus les profits !

Les profits, c’est désormais ringard. Juste bon pour les comptables. Heureusement, je ne suis pas seul : mes confrères du Monde partagent aussi le même étonnement. Généralement (enfin, c’est ce qu’on m’a appris durant mes études d’économie), la valeur d’une entreprise se calcule en multiple de ses bénéfices. Eh bien, si c’est aussi votre raisonnement, sachez que nous avons faux : aujourd’hui, mieux vaut parler de multiple de pertes. Le Wall Street Journal a fait le calcul pour nous : Uber vaut aujourd’hui 30 fois ses déficits, soit plus de 100 milliards de dollars de valorisation.

Les mordus de l’économie numérique diront que je suis un dinosaure. Forcément, je n’ai rien compris au modèle d’Uber. Bref, je n’ai pas compris qu’Uber sera l’Amazon de la mobilité. Donc je suis prié d’acheter ses actions sans sourciller car Uber, c’est notre avenir à tous. Peut-être. Mais je suis d’un naturel sceptique et je préfère me référer à un gestionnaire de fonds australien Hamish Douglass, l’un des rares analystes à avoir dit – en 2017 ! – qu’Uber, c’est un système de pyramide à la Ponzi. Le seul atout de ses dirigeants : ils arrivent à bien valoriser l’entreprise (vive le storytelling), de sorte qu’à chaque nouvelle levée de fonds, les investisseurs mettent de l’argent car ils savent que le prochain ticket d’entrée sera encore plus élevé.

Et c’est ce même analyste australien qui a calculé que tous ces investisseurs privés subsidiaient à hauteur de 61% toutes les courses réalisées par Uber dans le monde entier. Selon Hamish Douglass, le raisonnement qui a conduit à la cotation en Bourse d’Uber est simple : si même les investisseurs les plus brillants croient en Uber et y injectent des fortunes, pourquoi le simple investisseur n’y mettrait pas aussi un peu de son épargne ? D’ailleurs, selon Hamish Douglass, Uber a 99 % de chances d’être en faillite en 2027. Mais bon, après m’avoir fait traité de dinosaure, d’autres diront que je suis un incorrigible pessimiste. Mais comme dirait l’humoriste, un pessimiste, c’est un optimiste bien informé…

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