Typhanie Afschrift

Trump, le meilleur champion des démocrates

Typhanie Afschrift Professeure ordinaire à l'Université libre de Bruxelles

Les démocrates ont besoin de Trump comme candidat républicain et ils savent qu’il ne pourra pas l’être s’il se retrouve trop tôt en prison.

Donald Trump n’en démord pas. Malgré les défaites qui s’accumulent et qu’il ne reconnaît jamais, il s’obstine et a présenté officiellement sa candidature à la présidence des Etats-Unis. C’est, il faut le dire, une véritable aubaine pour les démocrates… et sans doute leur seule chance de gagner la présidentielle. En 2020 déjà, leur pâle candidat, Joe Biden, n’a pu gagner que parce qu’une partie très importante des voix qui se sont portées sur lui ont surtout été des voix contre Trump. Et on peut comprendre ces électeurs.

La question n’est pas de savoir si tout ce que Trump a fait est mauvais: la réponse serait sans doute négative. Sa réforme fiscale, par exemple, a été un succès et il est fort dommage que Biden ait ensuite saccagé cette oeuvre en augmentant les impôts. Sa volonté de réduire l’administration, et surtout le poids de l’Etat fédéral, était une bonne idée, malheureusement guère suivie dans les faits. Il s’est montré aussi beaucoup moins belliqueux que ses prédécesseurs et son successeur, et a permis de rétablir les contacts entre Israël et plusieurs Etats arabes. Ce n’est pas rien.

En revanche, Trump a durablement polarisé les Etats-Unis en prenant des positions très droitières, et d’ailleurs injustifiables, dans nombre de domaines, ce qui a amené à la radicalisation, de l’autre côté, de la gauche démocrate où se sont réveillés des démons anti-libéraux autrefois très marginaux aux Etats-Unis. Il était aussi absurde et injuste de créer un mur à la frontière mexicaine, d’être ainsi hostile à l’immigration dans un pays fondé par des immigrés, développé par eux et qui, bénéficiant d’un quasi plein-emploi, a besoin de main-d’oeuvre. Trump a aussi combattu le libre-échange, doctrine essentielle non seulement pour les libertés mais aussi pour la prospérité de tous les Etats, Etats-Unis compris.

Si c’est Trump qui représente le parti républicain, celui-ci ne peut que récolter une défaite supplémentaire.

A côté de ces politiques économiques lamentables, il faut également relever l’attitude systématiquement conservatrice de Trump dans les domaines éthiques: son hostilité à l’avortement, qui a sans doute coûté de nombreux sièges aux républicains lors des midterms récents, et son incompréhension, très électoraliste, envers toute forme de famille autre que les familles traditionnelles, et en général envers les mouvements LGBT. Qu’il s’agisse de ses convictions ou d’un électoralisme destiné à plaire aux évangéliques, c’est tout simplement rétrograde et indigne d’un pays de libertés comme les Etats-Unis.

Mais ce n’est encore rien à côté de son incapacité à admettre ses défaites et, après celle de 2020, du risque qu’il a pris de remettre en cause la démocratie américaine et son système juridique. Lorsqu’on perd une élection (et surtout lorsque la Cour suprême rejette les arguments que l’on a invoqués pour la contester), il faut l’admettre. Sinon, on devient un factieux.

Tout cela, et ses ennuis judiciaires, galvanise les troupes les plus extrêmes du côté républicain. Mais on ne gagne pas une élection avec le seul appui des extrémistes. Face à un candidat comme Trump, ceux – nombreux – à qui il fait peur et qui détestent sa vulgarité s’abstiennent ou votent démocrate. C’est pour cela que Trump est le meilleur allié des démocrates. Si c’est lui qui représente le parti républicain, celui-ci ne peut que récolter une défaite supplémentaire.

Les démocrates l’ont bien compris en faisant traîner les enquêtes contre Trump: ils ont besoin de lui comme candidat républicain et ils savent qu’il ne pourra pas l’être s’il se retrouve trop tôt en prison. Il faut donc qu’ils préservent Trump, leur meilleur atout électoral.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content