Sur un air de samba

Eddy Caekelberghs Journaliste à la Première (RTBF)

D’un côté, Xi est réélu à la tête du Parti communiste chinois. Pouvoir absolu, mise au pas des réformateurs (notamment en “offrant” un billet de sortie à son prédécesseur lors de la cérémonie de clôture), ascension à la présidence du pays pour la troisième fois, voire à vie: Xi se vit en maître du monde!

Au Brésil, autre scénario. Entre Lula et Bolsonaro. Deux opposants que tout sépare. Tout? Oui, sauf sans doute leur relation à la Chine, précisément. Et ceci rend Pékin très attentif au sort électoral de ce pays-continent. Pékin et Brasilia entretiennent des relations depuis 1974 et l’admission de la Chine à l’Onu. A l’époque, le Brésil vit en dictature. L’extrême droite brésilienne et le communisme chinois s’épousent. Depuis 2009, la Chine a dépassé les Etats-Unis en tant que premier partenaire commercial du Brésil, ce dernier étant le premier partenaire commercial de la Chine sur le sous-continent latino-américain.

La prochaine présidence brésilienne, quelle qu’elle soit, devra composer avec l’influence désormais majeure que la Chine exerce sur le pays.

En 2001, Pékin adhère à l’OMC, la mainmise chinoise s’amplifie sur un continent longtemps considéré comme le pré carré des Etats-Unis. Trois objectifs pour la Chine: diversifier ses sources d’approvisionnement en ressources naturelles et agricoles ; incarner un leadership non occidental en matière de développement et étouffer Taiwan.

En 2008, la Chine publie un Livre blanc des relations avec l’Amérique latine et les Caraïbes. Le Brésil, le plus grand pays d’Amérique latine, est d’emblée au coeur de la stratégie. Partant de zéro en 2008, les échanges de biens entre les deux zones explosent: 266 milliards de dollars en 2017, soit l’équivalent des échanges de biens entre l’Amérique latine et les Etats-Unis. Pékin importe des hydrocarbures, des minéraux, des matières premières et des produits alimentaires (80% des cerises chiliennes sont exportées vers la Chine).

Entreprises et banques chinoises y sont très présentes avec des prêts, des fusions-acquisitions et pas moins de 25 milliards d’investissements directs en 2017, principalement vers le Brésil, le Pérou et l’Argentine. La Chine a également inclus 14 des 20 pays d’Amérique latine dans son immense projet des Nouvelles routes de la soie. Le tout avec un surendettement massif à l’égard de la Chine: voyez l’Equateur, qui a reçu 19 milliards de dollars de prêt durant les 10 dernières années et doit exporter 80% de sa production de pétrole vers la Chine – à un prix inférieur à ceux du marché – pour tenter d’éponger sa dette.

Au Brésil, la progression est impressionnante et se concrétise tant sous les mandatures de gauche (Lula puis Rousseff) que de droite (Bolsonaro). En 2000, la Chine représentait 2% des exportations du Brésil. En 2020, ce ratio est passé à 33%, pour un volume total de 68 milliards de dollars. Lors du mandat de Bolsonaro, les relations se sont poursuivies, malgré la pandémie.

Qui est le candidat de la Chine? Mystère. D’un côté, Lula a annoncé vouloir exercer une diplomatie proactive au sein des BRICS (la Chine l’accepterait-elle? ) et travailler plus étroitement avec les pays émergents. De l’autre, Bolsonaro sait qu’il peut compter sur l’électorat de l’agrobusiness brésilien, favorable à la Chine. Mais les candidats sont restés muets sur ces sujets pendant la campagne.

La prochaine présidence brésilienne, quelle qu’elle soit, devra composer avec l’influence désormais majeure que la Chine exerce sur le pays. Même si la corruption et les atteintes à l’environnement forment un aspect si important des échanges avec la Chine, ce qui amène quand même certains acteurs régionaux à tergiverser. A suivre…

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