Q8 va se lancer dans des stations-services durables

Q8 Belgium, filiale de l'entreprise d'Etat koweïtienne, emploie plus de 3.000 personnes via ses stations franchisées. © PG

Avec ses 40 stations-services équipées de bornes de recharge électrique, la filiale internationale de Kuwait Petroleum Corporation poursuit son processus de transformation en un fournisseur de services de mobilité multiformes. Au détriment, de plus en plus, de la vente de produits pétroliers.

D’ici à 2030, un tiers du marché se déplacera autrement qu’en voiture et un tiers à bord de véhicules électriques, étant entendu que ces deux solutions pourront en partie se chevaucher. “Les gens ne posséderont plus nécessairement de voiture”, prédit Sven Dochez, directeur des carburants durables chez Q8 Benelux. Pour exploiter au mieux cette mutation, l’entreprise a mis au point une nouvelle stratégie : ses stations-services doivent offrir des solutions de mobilité multiformes.

La marque voit loin. Il y a d’abord ses boutiques Shop & Go qui, avec leur gamme de produits (boulangerie fraîche, plats chauds, salad bar, coin café) et de cadeaux (pralines, vins, champagne, fleurs), deviennent de véritables magasins de proximité. Mais aussi l’offre de gaz naturel sous pression et le biodiesel, désormais disponibles dans nombre de ses stations – où les paiements peuvent s’effectuer par smartphone.

Depuis peu, Q8 assure par ailleurs une assistance dépannage et certaines stations d’autoroute proposent des bureaux à louer. Une assurance voyage est en outre commercialisée avec la collaboration de la start-up Qover. Et une application, qui signalera en temps réel à l’automobiliste les emplacements de stationnement disponibles en rue, est actuellement testée.

La moitié de notre chiffre d’affaires provient non plus de la vente de carburants traditionnels, mais de nos 130 magasins, de la commercialisation des nouveaux carburants et des autres services.” – Sven Dochez, Director sustainable fuels chez Q8 Benelux

Mais l’enseigne s’est également lancée, en compagnie du consultant en environnement CO2logic, dans la gestion de la compensation des émissions de CO2. “Toutes les entreprises doivent devenir plus vertes, poursuit Sven Dochez. Ce qui, pour une grande partie d’entre elles, signifie se pencher sur leur flotte de véhicules, leurs émissions, leur mobilité. Que l’on soit une multinationale ou une PME de 40 personnes, il va falloir combiner diverses solutions.”

Voilà pourquoi la marque a créé Q8 electric, qui existe depuis la fin août. Ce réseau installe ses bornes de recharge rapide dans les stations- services, sur les parkings de supermarchés comme Delhaize ou d’autres partenaires, de même qu’au domicile des particuliers.

Quarante bornes sont d’ores et déjà opérationnelles. Plus de la moitié d’entre elles se trouvent en Wallonie, grâce à un projet initié par le gouvernement wallon, auquel les Koweïtiens ont participé. Mais dans cinq ans, un système de recharge rapide devrait être disponible dans au moins 100 des 470 stations du groupe.

45.000 bornes sur une appli

“Les conducteurs de voiture électrique rechargent la batterie essentiellement à leur domicile et sur leur lieu de travail puisque c’est là qu’ils passent le plus clair de leur temps, rappelle Sven Dochez. C’est la raison pour laquelle nous équipons aussi bien les sociétés que le domicile de leur personnel. Nous sommes en train de placer les 70 premières bornes, chez des salariés de BASF notamment, et c’est loin d’être fini. Les recharges intermédiaires peuvent être effectuées dans les stations, pendant que le conducteur en profite pour faire ses courses, mais aussi dans les aéroports, les gares, les parkings de délestage et les parcs d’attraction. L’application Q8 electric donne d’ores et déjà accès à 45.000 bornes en Europe. Soit 30.000 aux Pays-Bas, 5.000 en Belgique, 800 au Luxembourg et le reste, réparti entre la France et l’Allemagne principalement.”

Sven Dochez (Q8 Benelux)
Sven Dochez (Q8 Benelux) “Nous étions bons dans ce que nous faisions, il nous faut à présent devenir bons dans nos nouveaux segments. Cela exige un vrai changement de culture.”© Debby Termonia

Ce n’est pas tout. Aux Pays-Bas, Q8 a pris une participation dans SnappCar, une plateforme de location de véhicules entre particuliers. Une équipe de 20 personnes étudie et accompagne toutes les idées, qu’elles aient trait aux transports en commun, aux voitures, vélos partagés ou à de nouvelles applications. “Tout projet actuellement dans les cartons pourrait se concrétiser dans quelques années à peine, s’enthousiasme Sven Dochez. Nous avons tendu un miroir non seulement à nos activités, mais aussi à nous-mêmes. Nous étions bons dans ce que nous faisions, il nous faut à présent devenir bons dans nos nouveaux segments. Cela exige un vrai changement de culture. Nous collaborons, innovons, expérimentons désormais tout à fait autrement. Certes, rien n’est allé de soi, mais nous voulions absolument devenir un fournisseur de services de mobilité élargis, et comprendre ce que nos clients voulaient.”

470 sites : l’offre de stations Q8 en Belgique. Le pétrolier marche désormais sur les talons du n°1 français Total.

Il est à noter que cette nouvelle orientation n’a pas été ordonnée par le siège central koweïtien, souligne le responsable. “Notre actionnaire a beau être étranger, nous menons une stratégie très locale. Le concept de mobilité évolue partout, mais ces changements, et la numérisation qui les accompagne, peuvent être très divers et ne se déroulent pas nécessairement au même rythme dans l’ensemble des pays. Nous ne faisons pas la même chose que nos collègues italiens, par exemple, tout simplement parce que les besoins, là-bas, sont différents.”

Une chose est sûre : avant même le confinement, toute l’Europe portait un autre regard sur sa mobilité, rappelle Sven Dochez. L’essence et le diesel sont détrônés par l’électricité, les biocarburants, le gaz, le vélo ou les transports en commun. A tous ces gens qui viendront recharger leur voiture partagée pendant qu’ils feront leurs courses, ou qui emprunteront d’autres modes de transport encore, nous cherchons à proposer des solutions. L’appli Q8 Smiles, notre système de fidélité, sera au coeur de notre communication avec eux.”

Approche locale

La station-service dont la construction est prévue dans la ville de Deventer, aux Pays-Bas, sera une sorte de site témoin de la nouvelle stratégie : en plus de proposer du gaz naturel comprimé, des bornes rapides et un parking pour les voitures partagées, elle sera équipée de panneaux solaires et d’un système de récupération d’eau. Cet accent mis sur la soutenabilité peut paraître paradoxal, car la filiale belge de l’entreprise d’Etat koweïtienne n’a cessé d’étendre son réseau de stations-services ces dernières décennies, alors même que nombre de ses concurrentes se défaisaient d’une partie des leurs. L’année dernière encore, elle s’est offert 75 stations du groupe Uhoda, comblant de la sorte sa relative absence des provinces de Liège et du Limbourg.

Avec ses 470 sites, Q8 Belgium marche sur les talons du n°1 français Total. Ensemble, les deux géants s’arrogent un peu moins d’un tiers du marché. Ni l’un ni l’autre ne se considèrent plus comme des vendeurs d’essence ou de diesel. “Je pense que nous nous distinguons par notre approche locale et par notre politique de collaboration avec des partenaires comme Delhaize, Panos, Godiva ou Nespresso, expose Sven Dochez. Ceci dit, exploiter un vaste parc de stations-services et mener une politique durable n’a pour moi rien d’antinomique. C’est même le contraire : si l’on veut faciliter la vie des gens, il faut leur proposer un maillage suffisamment dense et étendu. C’est la raison pour laquelle nous sommes toujours à l’affût d’opportunités et investissons dans de nouveaux sites et dans la modernisation de notre offre en boutiques.”

“La moitié de notre chiffre d’affaires provient non plus de la vente de carburants traditionnels, mais de nos 130 magasins, de la commercialisation des nouveaux carburants et des autres services. A Maasmechelen, les camions peuvent depuis peu faire le plein de biodiesel. Il est tout à fait possible que d’ici cinq ans, les nouveaux carburants constituent la moitié de notre chiffre d’affaires, contre 25 % à 30 % seulement pour les produits pétroliers”, conclut le spécialiste.

Q8 en Belgique

Le Koweït, dont l’invasion par l’Irak fut à l’origine de la première guerre du Golfe en 1990-1991, est actif sur le marché européen depuis la fin des années 1980. Kuwait Petroleum International a acquis en 1983 les raffineries et les stations-services de Gulf, au Benelux et en Scandinavie, rebaptisées Q8 en 1986.

En Belgique, le grand bond en avant remonte aux années 1998 et 1999, avec la reprise de BP puis d’Aral. Depuis, le réseau n’a cessé de s’étendre. Le pôle Vente au détail emploie 300 personnes au siège central d’Anvers, pour 3.000 environ dans les stations franchisées. Quarante stations International Diesel Services se consacrent spécifiquement au secteur du transport.

Kuwait Petroleum (Belgium) a achevé l’exercice 2018-2019 sur un bénéfice avant impôt de 6,37 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires de 2,2 milliards d’euros, contre 7,97 millions et 1,95 milliard respectivement l’année précédente. Elle est une filiale du groupe néerlandais Kuwait Petroleum Europe qui, en plus de détenir une série de participations sur le Vieux Continent, est actionnaire d’une raffinerie au Vietnam et d’une autre en cours de construction en Oman. A cela s’ajoutent des filiales spécialisées dans la vente de carburants utilisés dans l’aviation en Thaïlande, en Australie, en Chine et à Hong Kong. La Belgique accueille par ailleurs les sociétés Calpam, Martens Energy, Van Reeth Tankstations et Kuwait Petroleum Aviation (Belgium).

Q8 a acquis en 1993, par le truchement de sa filiale Q8Oils, une usine de lubrifiants à Hoboken. Les rumeurs de changement de destination du site ont longuement pesé sur la prise de décisions. Mais en 2016, un investissement de 100 millions d’euros a permis de porter la capacité de production à 125 millions de litres, avec des possibilités d’extension à 250 millions de litres. Le site, qui fait également office de siège central européen pour les usines du groupe en Italie et en Suède, emploie quelque 130 personnes.

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