Road-trip gourmand dans la campagne anglaise

Bibury, un village qui pourait être celui des Hobbits.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, on mange bien en Angleterre. Et même très bien si l’on connaît les meilleurs gastropubs…

La campagne anglaise n’est pas, a priori, une destination touristique qui fait rêver. Encore moins pour les gourmets passéistes qui gardent en mémoire des comédies françaises à l’ancienne, façon Les Grandes vacances (1967) de Jean Girault avec Louis de Funès ou A nous les petites Anglaises (1976) de Michel Lang, qui charrient les clichés éculés (mais pas toujours faux) sur la cuisine anglaise. A coups de mint jelly tremblotante, de haricots en boîte à la sauce tomate ou de rosbif cuit façon semelle.

The Kentish Hare, à Bidborough, propose une poitrine de porc croustillante comme seuls les Anglais savent la préparer.
The Kentish Hare, à Bidborough, propose une poitrine de porc croustillante comme seuls les Anglais savent la préparer.

Pourtant, les adeptes du city-trip à Londres savent que depuis plus de 20 ans, la capitale anglaise s’est imposée comme une destination gastronomique majeure avec une offre internationale ébouriffante. En 2005 déjà, Heston Blumenthal inscrivait son Fat Duck, triplement étoilé au guide Michelin, en tête des meilleurs restaurants du World’s Fifty Best… Avec Jamie Oliver ou Gordon Ramsay, il a énormément oeuvré, à travers émissions de cuisine et autres livres à succès, à redorer le blason de la gastronomie britannique. Imaginé sur le principe du Fifty Best, le Top 50 Gastropubs recense ainsi les meilleurs tables traditionnelles de Grande-Bretagne, avec une vraie émulation à la clé. Quand le guide Michelin n’hésite plus, depuis longtemps déjà, à étoiler les meilleures adresses anglaises. Et pas que dans les grandes villes…

The Bell Inn, à Langford, est installé dans une vieille ferme du 15e siècle.
The Bell Inn, à Langford, est installé dans une vieille ferme du 15e siècle.

Sur les routes du Kent

Dès que l’on quitte Londres, l’Angleterre révèle de charmants petits villages et des routes campagnardes à une bande, bordées de hautes haies se rejoignant pour former d’envoûtants plafonds de verdure. Une fois débarqué du ferry à Douvres, après avoir admiré les falaises de calcaire blanc et une fois habitué à la conduite à gauche, on n’hésitera pas à passer quelques jours dans le Kent. Situé à l’embouchure de la Tamise, à quelques kilomètres au nord de la cathédrale de Canterbury, épicentre de l’anglicanisme, The Sportsman est l’un des pubs les plus en vue du moment. Etoilé au Michelin, l’autodidacte Stephen Harris y pratique une magnifique cuisine anglaise entre classicisme et modernité. Et ce à travers un menu à 70 livres qui permet de profiter des délices du cru: huîtres, loup de mer ou encore un formidable filet de sole au beurre aux algues. Sans oublier l’inévitable agneau, incontournable en Angleterre.

Angela's, à Margate, pour des fruits de mer et des assiettes de poisson bien fichues.
Angela’s, à Margate, pour des fruits de mer et des assiettes de poisson bien fichues.

Autre pub étoilé incontournable, le Fordwich Arms est délicatement posé au bord de la rivière Great Stour, face à l’ancien hôtel de ville du 16e siècle du petit village de Fordwich. Daniel Smith y dévoile une cuisine d’un grand raffinement, qui fait, ici encore, la part belle aux produits locaux: ris de veau, lardo et livèche (16 livres) ou sublime turbot de la côte méridionale anglaise, servi avec des moules et des haricots blancs à la verveine citronnelle (34 livres). Waouw!

A Bidborough, à l’ouest du Kent, le Kentish Hare se fait plus terre à terre, pour ravir ses clients avec un impeccable petit menu deux-trois services (28-35 livres) logiquement auréolé d’un Bib gourmand. Entre terrine de jambon fumé, salade de tomates de l’île de Wight ou sublime morceau de poitrine de porc Middle White croustillante comme seuls les Anglais savent la préparer, petits pois, blé concassé et un beau jus de viande.

Si l’on préfère la mer à l’intérieur des terres, direction Angela’s, dans la très vivante station balnéaire de Margate, pour des assiettes de poisson simples et bien fichues. Avec à la clé une étoile verte, récompensant le travail sur les produits locaux et durables. On a adoré le turbot cuit sur l’arête au beurre de homard (25 livres) et plus encore le posset (une crème infusée au citron), ici aromatisé aux feuilles de figues et servi avec une compote de fruits rouges (8 livres). Car oui, il y a des figues un peu partout en Angleterre en été. Sans parler des délicieuses cerises du Kent!

Des cerises que l’on retrouvait, en juillet, à la carte du Rose, avec un maquereau cuit au chalumeau (12 livres). Installé dans la jolie petite ville côtière de Deal, dans le sud du Kent, l’endroit offre le gîte et le couvert, grâce à une cuisine moderne imaginée par l’excellent chef portugais Nuno Mendes, qui a fait vibrer les Londoniens au Viajante, puis à la Chiltern Firehouse.

Bienvenue chez les Hobbits

En mettant le cap vers le nord-est, on file vers les Cotswolds. A une heure de route de Londres, cette Area of Outstanding Natural Beauty, une région effectivement “à la beauté naturelle exceptionnelle”, faite de collines peuplées de villages aux petites maisons de pierres tous plus beaux les uns que les autres (et où le prix de l’immobilier est quasiment aussi cher que dans la capitale). Pour la carte postale, on se rendra à Bibury, où l’alignement de modestes cottages donne l’impression de plonger dans le comté des Hobbits de Tolkien.

Hôtel confortable, The Bell Inn offre le pied-à-terre idéal pour découvrir les villages des Cotswolds. D’autant que le restaurant, installé dans une vieille ferme du 15e siècle, propose une cuisine sans chichis, récompensée d’un Bib, et une riche carte de vins nature. Mention pour le fish and chips (16 livres), où le poisson, pané à la bière, est croustillant à souhait, servi avec de bonnes frites maison et des mashed peas, ici à base de vrais petits pois frais. Sans parler du traditionnel sticky toffee pudding (7 livres), tellement décadent qu’on en mangerait tous les jours… Inutile de préciser que, le matin, le full English breakfast est juste parfait.

Sportsman, à Whitstable, pratique une cuisine anglaise entre clacissisme et modernité.
Sportsman, à Whitstable, pratique une cuisine anglaise entre clacissisme et modernité.

Au nord des Cotswolds, sur la place du village d’Illmington, The Howard Arms offre une belle halte sur le chemin du retour de Stratford-upon-Avon et de la maison natale de Shakespeare. Ce pub populaire propose une carte bien pensée avec, par exemple, un magnifique agneau Manx Loaghtan (une race de l’île de Man), proposé avec de la salicorne, une sauce caponata et des anchois (28 livres). Ou un trifle aux fraises (8,50 livres) préparé dans les règles de l’art.

En redescendant vers le sud, on s’arrêtera à Bruton, joli village du Somerset, où Merlin Labron-Johnson (ancien chef de l’excellent Portland à Londres) s’est installé en 2019 au Number One Bruton, un hôtel trendy, où il se dédouble entre le Old Pharmacy, excellent bar à vin aux grignotages soignés, et Osip, une belle table étoilée. Contemporaine et raffinée, la cuisine met en valeur, à travers deux menus six ou neuf services (89 ou 109 livres), les meilleurs produits des environs. Dont le formidable cheddar au lait cru de la Westcombe Dairy, installée à quelques kilomètres et que l’on visitera pour ses fromages, mais aussi pour ses excellentes bières et charcuteries. Parfait pour préparer un pique-nique à Stonehenge, site néolithique immanquable tout proche.

Les Falaises de douvres sont souvent le premier contact avec l'Angleterre.
Les Falaises de douvres sont souvent le premier contact avec l’Angleterre.

Le pub parfait

En poursuivant la route vers l’Ouest et le Devon, on ne manquera pas de faire de grandes balades dans le parc national d’Exmoor – avec notamment la sublime Valley of Rocks, le long de la mer, à Lynmouth – ou dans l’évocateur parc national de Dartmoor, dont les paysages désertiques emplis de moutons en liberté inspira Le Chien des Baskerville à Sir Conan Doyle.

A l’entrée est du parc, à Tavistock, The Cornish Arms est rien moins que le pub parfait. On lui troquerait en effet volontiers son Bib contre un macaron, tant les assiettes sont épatantes. Tenu par John Hooker et son épouse Emma depuis une dizaine d’années, l’établissement est fier du patrimoine gastronomique britannique. Le chef prépare ainsi les meilleurs Scotch eggs imaginables (9,25 livres), au jaune d’oeuf coulant façon Heston Blumenthal. Tandis qu’il ose la mint jelly (sublime) en accompagnement de l’agneau, avec des fèves et de l’oignon brûlé (28,50 livres). Sans parler du filet de dorade (29,50 livres), vinaigrette de crevettes grises et béarnaise d’aneth. Ou du trifle aux fraises (9,50 livres), déclinées en confiture, gelée et sorbet… Fabuleux!

Stonehenge
Stonehenge

Un peu plus au nord, à Brampton, The Swan est un pub de village tout ce qu’il y a de plus honorable, avec de petites chambres simples et une bonne table: fish and chips de haddock (15,95 livres) ou sardines fraîches sauce piperade et huile à l’ail (livres). Deux excellents poissons en provenance de Brixham, port de pêche de la côte sud.

Si l’on est de passage par Bolton Bridge un dimanche midi, on s’attablera au Devonshire Arms pour le traditionnel Sunday Roast. Le rosbif (20 livres) est saignant et le rôti de porc croustillant (18 livres). Le tout servi avec des légumes, de beaux Yorkshire puddings et une gravy (sauce).

Sauvages Cornouailles

Au sud-est de l’Angleterre, les Cornouailles impressionnent par leur côte très accidentée, où l’on croise une réplique du Mont-Saint-Michel (à Penzance), des plages sauvages (comme l’évocatrice Kynance Cove) ou encore des caps balayés par les vents, tels le Cape Lizard ou le bien nommé Land’s End (la fin des terres). Sans oublier les ruines du château de Tintagel, où rodent toujours les fantômes de la légende arthurienne.

Dans le très touristique port de Padstow, on goûtera à l’iconique Cornish pasty, un chausson farci de steak et de légumes, excellent à la Chough Bakery par exemple. Non loin de là, on découvrira à Bodmin, en rase campagne, le St. Kew Inn, pub de compétition, qui sert encore de véritables cask ales et autres cidres artisanaux à même les tonneaux de bois et qui ici sont plus que buvables – ça change de l’habituelle bière plate et tempérée! En été, on mange au beer garden des huîtres de Porthilly (24 livres les six), petit port en face de Padstow, suivies d’un demi-homard (30 livres) au beurre Café de Paris (en français dans le texte) ou d’un beau saint-pierre aux crevettes grises, beurre aux câpres, tous deux grillés au feu de bois.

St. Kew Inn, à Bodmin: un demi-homard pour 30 livres.
St. Kew Inn, à Bodmin: un demi-homard pour 30 livres.

A l’est des Cornouailles, à Launceston, la Coombeshead Farm est une autre adresse à ne pas rater. Lassée de Londres, la jeune cheffe Rose Maxwell met ici magnifiquement en valeur les produits de la ferme: poulet, agneau, boeuf, légumes et fruits, à travers une cuisine rustico-moderne de haut vol. Au menu unique (45-72 livres): pâté de foies de volaille, pie au poulet, glace de matricaire odorante (sorte de camomille au goût d’ananas) aux groseilles à maquereau… Le séjour est ici obligatoire. Non seulement pour les chambres spacieuses et confortables, mais aussi pour le formidable petit-déjeuner. Rien d’étonnant que les inspecteurs du Michelin aient décerné une étoile verte à cette ferme exemplaire.

Penzance, le
Penzance, le “Mont-Saint-Michel” des Cornouailles.

Reste malheureusement à reprendre la route de Douvres. Et à profiter de la traversée en ferry pour rassembler tous ces beaux souvenirs estivaux. Et à se demander s’il l’on ne reviendrait pas dans le sud de l’Angleterre en automne ou en hiver, pour profiter à plein de la saison du gibier…

Au Cornish Arms, à Tavistock, le chef prépare les meilleurs
Au Cornish Arms, à Tavistock, le chef prépare les meilleurs “Scottish eggs”, au jaune d’oeuf coulant.

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