“Road trip” avec une âme

Hubert Antoine, Les formes d'un soupir, Verticales, 264 pages, 19,50 euros. © PG

Le Belge Hubert Antoine signe avec “Les Formes d’un soupir” un récit où la poésie et l’humour se liguent pour conjurer la mort.

Grâce à des expériences hallucinogènes, un homme entend la voix de sa fille assassinée deux ans auparavant lui raconter une histoire qu’il va coucher sur papier. Melitza y explique comment Evo, chamane huichol dont elle est amoureuse, a transporté son corps mortellement blessé au fond d’un lac. Comment il a ensuite recueilli son dernier souffle avec un baiser avant de l’enfermer dans un préservatif. Comment, avec cette âme coincée dans un phylactère, il est alors parti à la recherche de celui qui l’a tuée au cours de la première révolution du 21e siècle, l’insurrection de la ville mexicaine d’Oaxaca menée par des enseignants. Comment, enfin, Evo trouvera une dernière demeure pour sa jeune dépouille, puis libérera son âme de l’étrange petit ballon.

Il y a dans ce nouveau roman du prix Rossel 2016 la confrontation permanente entre la vie et la mort. Entre l’espoir et le deuil. Entre l’humour et le chagrin. Il y a aussi une concordance d’inspirations qui concourent à dresser à travers ce récit un certain portrait du Mexique, pays dans lequel l’auteur vit depuis plusieurs années. Un portrait entre références historiques, légendes et souvenirs personnels qui n’évacuent jamais le regard critique sur le pouvoir, la répression policière, la situation précaire d’une grande partie de la population et ce fantasme permanent que représentent les Etats-Unis dont le drapeau “nourrit ses racines avec du sang” et où même Dieu est “réduit à une formule de billet de banque”. Un portrait, enfin, où la mort est présente à presque chaque page mais qui résonne étonnamment comme un hymne, parfois drôle et souvent bouleversant, à la vie, à la danse, à l’entraide entre les êtres. Par-delà sa mort, la jeune Melitza se demande ce qu’il restera d’elle, de sa courte vie, et invite le lecteur à quitter son confort et à vivre la sienne avec intensité.

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