” Reprendre l’entreprise familiale ? Je n’ai pas hésité une seconde”

Sept ans après avoir succédé à son père à la tête de Lixon, Virginie Dufrasne ne regrette rien. Et elle déborde de projets pour l’entreprise de construction.

Erasmus en Suisse alémanique et en Alabama, stage en Chine, missions de consultance en Jordanie et en Afrique du Sud pour McKinsey… Virginie Dufrasne, titulaire d’un master en gestion (ULB), semblait promise à une belle carrière internationale. Elle s’est finalement retrouvée en 2011, à 26 ans, à la tête d’une entreprise de Marchienne-au-Pont. ” Je ne regrette rien, assure-t-elle. Quand on m’a proposé de reprendre l’entreprise familiale, je n’ai pas hésité une seconde. Les trains ne passent qu’une fois. Mais, je vous l’avoue, je ne me rendais pas compte de ce à quoi je m’engageais. ”

Le pilotage d’une grande entreprise de construction, elle l’a donc appris sur le tas. Avec, insiste-t-elle, un formidable accueil de toutes les équipes. ” Ils étaient soulagés que l’entreprise reste indépendante, avec un centre de décision en Wallonie, confie Virginie Dufrasne. Alors, ils ont tout fait pour que cela se passe bien. Sans cet accueil, rien n’aurait été possible. ” Le caractère familial ne se limite pas à l’actionnariat : chez Lixon, il n’est pas rare de retrouver un papa ou une maman et leurs enfants dans les équipes. ” Ils sont aussi attachés à Lixon que moi, si pas plus “, sourit la CEO, fière d’afficher un turnover proche de zéro et des enquêtes de satisfaction du personnel qui frôlent les 100 %… De son côté, elle s’est battue pour éviter une étiquette trop collante de ” fille de “. ” Et j’ai toujours besoin de le prouver sept ans plus tard “, ajoute-t-elle.

Lixon s’est taillé une solide réputation dans les gros chantiers (hôpitaux, usines, halls sportifs, immeubles de bureaux ou de logements sociaux, etc.) mais aussi dans la rénovation ou la restauration d’édifices classés comme le Bois du Cazier ou le beffroi de Mons. Les marchés publics représentent la moitié de son portefeuille, ce qui n’est pas sans conséquence. ” Le prix est souvent le critère décisif et, pour rester compétitifs, nous devons travailler avec des sous-traitants qui utilisent une main-d’oeuvre meilleure marché, explique Virginie Dufrasne. Les avantages sociaux de notre pays ont un coût et il faut pouvoir l’assumer. C’est pourquoi, je plaide pour une harmonisation au niveau européen. ”

Un groupe qui investit sur fonds propres

Le groupe se diversifie aussi dans la construction de villas de prestige et dans la promotion immobilière. ” Nous doublons cette année la promotion et nous avons acheté de quoi tripler, précise Virginie Dufrasne. Nous réalisons ces investissements sans aucun crédit, uniquement sur fonds propres. C’est la volonté des actionnaires (le père et la tante de la CEO) et cela montre que la boîte est super saine. ”

Lixon sollicitera peut-être les banques à l’avenir pour racheter d’autres sociétés et diversifier ainsi les actifs du groupe, comme cela fut fait avec le rachat de Litech, un fournisseur de machines à destination de la pharma et de l’industrie. ” Nous souhaitons nous décorréler de la construction qui est un secteur très conjoncturel, explique la CEO. Mais, d’un autre côté, nous ne voulons pas nous embarquer dans une aventure pour laquelle nous n’aurions pas les compétences requises. ” La quadrature du cercle, en quelque sorte.

Si elle n’a jamais regretté son choix de vie, Virginie Dufrasne concède un bémol : son boulot la bloque en Belgique, alors qu’elle a toujours rêvé de découvrir la planète. ” J’adore les expériences internationales, dit-elle. Les voyages, ça m’inspire, ça ouvre l’esprit. Mais heureusement, même s’il a ses contrain-tes, je m’éclate dans mon job. ”

Virginie Dufrasne

Pourquoi le jury l’a choisie ?

Virginie Dufrasne symbolise à la fois la réussite d’un passage de génération, étape toujours délicate dans une entreprise familiale (Lixon réalise un chiffre d’affaires de 72 millions et emploie 220 personnes), et l’implication sociétale de jeunes entrepreneurs, notamment à travers sa participation à l’équipe Catch pour la reconversion du site de Caterpillar à Gosselies. ” Comment ne pas être touchée par une histoire pareille ? “, dit-elle à propos du départ de la multinationale.

Le fait marquant de 2018

” Nous avons ouvert un bureau à Liège, après en avoir ouvert un à Mons. Cela illustre notre volonté de couvrir toute la Wallonie. Cette année, nous avons aussi acquis beaucoup de terrains en vue de développer nos activités de promotion immobilière. ”

La réalisation dont elle est la plus fière

” Avoir réussi à reprendre l’entreprise familiale, alors que je n’avais que 26 ans. Cela a été possible grâce au travail de toute une équipe à la fois très compétente et très attachante. ”

Le défi de 2019

” On sent la reprise, nous avons beaucoup de commandes. Notre défi sera d’attirer la main-d’oeuvre suffisante pour mener les chantiers. L’emploi dans notre secteur est déjà sous tension, avec des profils techniques difficiles. ”

Un bon Manager de l’Année, selon elle ?

” C’est un chef d’orchestre, quelqu’un qui parvient à s’entourer des bonnes personnes. Un manager doit être présent, doit pouvoir faire confiance à ses équipes et les soutenir dans les moments les plus difficiles. Il faut aussi savoir prendre des risques. Chaque chantier est un prototype unique. On peut faire autant d’études que l’on veut, il y aura toujours des surprises durant le chantier. Et un bon manager doit savoir y répondre. ”

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