Rencontre du quatrième type

Avant de commencer la lecture de cette biographie incroyable et hallucinante signée Jean-Charles Chapuzet, un petit détour sur Google s’impose. Tapez dans votre moteur de recherche ” La soucoupe et le perroquet “, un reportage de l’émission de la RTBF Strip-Tease et vous (re) découvrirez Jean-Claude Ladrat et sa maman Susanne Saget pour une des toutes grandes séquences de ” L’émission qui déshabille “.

Le premier, personnage principal de ce tourbillonnant Mauvais plan sur la comète, a construit une soucoupe volante de ses mains dans son jardin de Germignac, un petit village ” sans histoire ” de Charente-Maritime. Jean-Claude rêve de décoller en espérant inverser ” des fluides à l’intérieur de la sphère “. Personnage original et attachant, ce dernier se fait quasi voler la vedette par sa maman, bien perchée, qui souhaite se faire enterrer avec son perroquet empaillé.

Jean-Charles Chapuzet, 41 ans, ancien critique littéraire au Figaro et aujourd’hui dégustateur de vins dans le monde entier, habite en Haute-Saintonge. Il connaît bien la région. Cette France rurale, abandonnée par Paris, qui vit durement et plutôt chichement. Où les hommes s’arsouillent au bistrot du coin en avalant des cognacs, fierté locale, prisée par les rappeurs américains. Chapuzet a forcément vu le Strip-Tease de 1993. Et connaît Jean-Claude Ladrat. Tout le monde le connaît, d’ailleurs. Lorsque le journaliste revient d’un reportage au Liban en 2006, il découvre dans la presse locale un article consacré au drôle de zigoto. Sauf que l’info n’est pas marrante du tout. Jean-Claude Ladrat devra comparaître devant la cour d’assises de Charente-Maritime pour une affaire de moeurs. Jean-Charles Chapuzet tient son sujet et sa version ” Poitou-Charentes ” de Plus dure sera la chute.

C’est encadré par deux gendarmes qu’il monte vers le palais de justice. Les marches sont courtes, mais la vie est encore longue.

” Ce que j’aime, c’est la trajectoire, confesse l’auteur. Qu’on aime ou pas Ladrat, ce n’est pas que je m’en fous mais ce n’est pas de mon ressort. ” Reste qu’une bonne histoire ne fait pas forcément un bon bouquin. Jean-Charles Chapuzet en a bien conscience. ” Même si je resitue au début l’émission, ça n’avait aucun intérêt d’écrire là-dessus. C’est le fait divers qui m’a intrigué où le meilleur côtoie le pire. Comme je l’écris à un moment, c’est tragi-cosmique. J’étais persuadé qu’il était le coupable idéal. ”

Chapuzet rencontre Ladrat et lui propose d’écrire un livre sur sa vie. L’habitué des médias et accro à la gloriole accepte de raconter. Se raconter. Tout raconter. Jusqu’à ces faits de moeurs – même si les rapports d’experts cités dans le livre ne voient pas en lui un prédateur – qui lui coûteront de longues années de prison.

En journaliste gonzo inspiré par Truman Capote et Hunter S. Thompson, Jean-Charles Chapuzet met de l’adrénaline dans son écriture et retrace nerveusement ce destin pour le moins hors du commun. Où l’on découvre un Ladrat vivant avec une mère castratrice dans un environnement à la Zola. Un Ladrat qui fait deux fois le tour du monde comme marin et reçoit ” un appel ” lorsqu’il est dans le triangle des Bermudes. Le même Ladrat qui séjourne 91 jours en mer dans sa première soucoupe. Epopée inouïe racontée dans un livre logiquement intitulé Don Quichotte des Bermudes, paru en 1984 et disponible sur le Net. Soit, au final, une enquête rigoureuse, documentée et troussée comme un polar. Aux dernières nouvelles, relayées par Jean-Charles Chapuzet lui-même, Jean-Claude Ladrat (73 ans en mai prochain) construirait sa troisième soucoupe…

Jean-Charles Chapuzet, ” Mauvais plan sur la comète “, éditions Marchialy, 182 p., 17 euros.

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