Quand une bonne nouvelle fait disparaître 5.000 milliards de dollars en fumée

Après une semaine de folie en Bourse et 5.000 milliards de dollars évaporés en fumée en cinq jours à peine, quelles sont les leçons que l’on peut tirer de ce mini-krach boursier ?

Première leçon : une information positive pour le commun des mortels peut être interprétée comme négative par la Bourse. En l’occurrence, ce qui a déclenché la tempête boursière de la semaine dernière, c’est une bonne nouvelle : à savoir que la hausse du salaire horaire moyen aux Etats-Unis est plus élevée que prévu : + 2,9 %. En principe, c’est plutôt une bonne nouvelle pour le pouvoir d’achat des ouvriers et employés américains, malmenés par 10 ans d’absence de hausse salariale. Hélas, la Bourse a très mal pris la nouvelle. Non pas par égoïsme de traders, mais parce que la Bourse est un marché d’anticipations. Le raisonnement des investisseurs est donc le suivant : la hausse des salaires devrait mettre une pression à la hausse sur l’inflation, qui devrait mécaniquement augmenter plus vite que prévu, et la banque centrale américaine (FED) devrait logiquement augmenter ses taux d’intérêt plus vite et plus fortement que prévu. Or, à tort ou à raison, une hausse des taux est considérée comme mauvaise pour les actions. Par ailleurs, pour justifier la débâcle de la semaine dernière, la hausse des taux signifie également la fin de l’argent gratuit. Souvenez-vous, pour nous sauver de la crise et nous éviter une déflation, les taux d’intérêt ont été fixés artificiellement au plancher. C’est durant cette période d’argent ” gratuit ” que les Bourses ont décollé. Normal, tous les autres placements alternatifs offraient un rendement nul ou négatif.

Pour les clients, mieux vaut parler de “pause” ou de “correction” que d’affirmer qu’on a reçu une gifle !

Ne cherchez pas plus loin la raison principale de la hausse continue de la Bourse au cours de ces dernières années. Et donc, par un raccourci de l’Histoire, cette hausse des salaires de + 2,9 % signifie – aux yeux des investisseurs – que l’inflation n’a pas disparu définitivement. Et donc, pour freiner la future fièvre inflationniste, les autorités monétaires n’auraient d’autre choix que de rehausser leurs taux. Les 5.000 milliards de dollars partis en fumée signalent bien la fin de l’argent facile. Les jeunes traders vont devoir apprendre à vivre dans un monde nouveau pour eux : un monde avec des taux et une volatilité plus élevés.

D’où la deuxième leçon : Warren Buffett, le plus grand investisseur de tous les temps et l’un des hommes les plus riches au monde a pour coutume de dire ” c’est lorsque la mer se retire que l’on voit ceux qui nageaient sans maillot de bain “. En clair, lorsque les taux d’intérêt augmentent, les entreprises trop endettées – dites aussi ” entreprises zombies ” – deviennent très vulnérables. Les investisseurs craignent que certaines d’entre-elles voient leur charge financière s’alourdir et fassent la culbute. Pire encore, ces ” entreprises zombies ” n’ont plus d’échappatoire, car le marché du crédit est à sec !

Et puis dernière leçon (provisoire) : la plupart des investisseurs ont très bien accueilli cette purge de 5.000 milliards de dollars. Maniant l’art de la litote, la plupart des commentateurs ont affirmé que c’était une correction ” bienvenue ” et ” salutaire “. Manière polie et chic de dire, qu’à force de voir la Bourse monter sans discontinuité, il fallait bien avoir une ” pause ” à un moment donné. Pour les clients, mieux vaut parler de ” pause ” ou de ” correction ” que d’affirmer qu’on a reçu une gifle ! Reste maintenant à savoir si cette ” correction ” est une sorte de purge nécessaire, un palier de réflexion avant de voir la Bourse reprendre son souffle. Ou est-ce – version moins sympa – le canari dans la mine ? Autrement dit, la correction peut-elle se transformer en passage à tabac plus tard ? Ne cherchez pas une réponse en granit, il n’y en pas. Ou plutôt si : il y a presque autant de réponses que d’experts. La seule certitude à garder à l’esprit, c’est que l’économie mondiale va bien. Les déboires de la Bourse ne sont pas annonciateurs d’une récession ou d’une nouvelle crise financière. Les experts nous l’ont déjà dit, que diable : ce n’est qu’une ” correction “, une ” pause salutaire ” !

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