Quand les demandes du manager vont trop loin

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Un directeur organise un ” team building ” avec son équipe, mais cette sortie comporte une épreuve pénible consistant à marcher sur du verre brisé. Un collaborateur s’en est plaint auprès de sa hiérarchie et le manager a été licencié.

Très récemment, en France, un manager licencié pour motif grave après avoir supervisé une activité de team building extrême, a contesté le motif invoqué devant la Cour de cassation. Celle-ci n’a pas suivi son raisonnement et a rejeté le pourvoi introduit par le manager, confirmant ainsi qu’il avait bien commis une faute qui consistait à ne pas intervenir durant l’activité pour préserver l’intégrité physique et psychique de ses collaborateurs, en méconnaissance de ses obligations légales.

Quelle serait la position des juridictions belges face à un tel comportement ?

On retient souvent qu’un salarié n’a, en vertu du droit belge, qu’une responsabilité limitée. C’est exact en ce sens que lorsqu’il cause des dommages à des tiers dans l’exécution de son contrat de travail, le salarié ne répond que de son dol, de sa faute lourde ou de sa faute légère habituelle. Il n’empêche que la notion de responsabilité ne se confond pas avec celle de motif grave et que l’une peut exister sans l’autre.

La notion de motif grave a trait à la confiance mutuelle entre l’employeur et le travailleur, sur laquelle est basée la relation de travail. Lorsque cette confiance est rompue par l’une des parties au contrat, de manière telle que la collaboration professionnelle est rendue ” immédiatement et définitivement impossible “, cela justifie la fin de la relation de travail pour motif grave, avec pour conséquence qu’aucun préavis ne doit être notifié, ni aucune indemnité payée. Tant l’employeur que le travailleur peuvent se rendre coupables d’une faute grave. Lorsque le travailleur est visé par un licenciement pour motif grave, les conséquences précitées sont évidemment très lourdes et, outre la perte (immédiate) de revenus professionnels, le travailleur n’aura pas non plus droit à ses allocations de chômage, l’Onem considérant dans ce cas que le travailleur est responsable de la perte de son emploi.

Sophie Berg, avocate associée chez CMS
Sophie Berg, avocate associée chez CMS© GETTY IMAGES

Au regard de ces conséquences, les juridictions du travail belges font preuve de sévérité dans leur appréciation du motif grave invoqué par l’employeur. La juridiction saisie par le travailleur fera ainsi un contrôle de proportionnalité entre la faute et la sanction, en se substituant à l’employeur. Elle pourra tenir compte de tous les éléments de nature à fonder son appréciation, à condition de ne pas modifier les critères que la loi donne à la notion de motif grave.

De l’importance de la position hiérarchique

Parmi ces éléments, on retrouve la position hiérarchique d’un salarié, qui peut être invoquée comme ” circonstance aggravante “. Ainsi, une même faute commise par un subalterne ou un manager pourra être appréciée de manière différente. Compte tenu des responsabilités confiées au manager et de son degré d’autonomie, il est attendu de lui d’avoir un comportement exemplaire dans la direction de son équipe et le respect de ses obligations, notamment légales.

Par ailleurs, il existe en Belgique de nombreux textes législatifs en matière de bien-être au travail, qui consacrent notamment le principe de base suivant : il incombe à tout travailleur – et donc aussi au manager – de veiller à sa santé et sa sécurité ainsi que de celles des autres. Cette obligation légale est d’ailleurs souvent rappelée dans les règlements de travail adoptés par les entreprises. Le fait de ne pas respecter des consignes de sécurité ou de compromettre le bien-être des autres travailleurs a d’ailleurs déjà été jugé à plusieurs reprises comme constitutif d’un motif grave par les juridictions du travail belge.

Compte tenu de ce qui précède, il est probable que nos juridictions du travail auraient adopté la même position que les juridictions françaises à l’égard du manager.

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