Quand l’hôpital nous gouverne

Amid Faljaoui

C’est la pagaille à la Maison-Blanche depuis que l’on sait que Donald Trump a été testé positif. Même si Trump est sorti plus vite que prévu de l’hôpital, ce petit virus, en plus d’être imprévisible, montre qu’il est d’une nature très susceptible. La raison ? Le Covid-19 n’aime pas trop ceux qui ne croient pas en lui. Et il ne se prive pas de le leur montrer. Les trois principaux leaders populistes en ont fait l’amère expérience : d’abord, avec le président brésilien, Jair Bolsonaro, un ancien militaire qui avait ramené ce virus au rang de ” grippette “, sauf qu’il l’a aussi chopé. Même frappe chirurgicale pour Boris Johnson, le Premier ministre britannique qui niait lui aussi le danger jusqu’à ce qu’il se retrouve à l’hôpital mais de manière plus sévère que son collègue brésilien. Résultat ? Comme les nouveaux convertis, Boris Johnson se montre désormais très strict en matière de sécurité sanitaire pour son pays.

Nos patrons et la Bourse découvrent qu’il ne suffit pas de se dire que demain tout le business ou presque sera numérique pour que tout soit réglé.

Et puis, le dernier membre du trio des dirigeants populistes, c’est notre ami Donald Trump qui, souvenez-vous, lorsqu’il a eu son débat avec Joe Biden, se moquait ouvertement de lui à cause de son port du masque systématique durant cette campagne électorale. L’aspect positif de cette histoire, sans jeux de mots, c’est que même la vénérable et conservatrice agence d’information financière Bloomberg n’a pas hésité à écrire que Trump ” n’a pas su protéger son pays et n’a même pas su se protéger lui-même “. Bref, c’est un aveu d’échec !

En résumé, oui, ce fichu virus est très susceptible surtout à l’égard de ceux qui minimisent son rôle dévastateur. Bien entendu, ça ne fait pas l’affaire des investisseurs boursiers qui doivent vivre avec l’élection présidentielle la plus incertaine de l’histoire des Etats-Unis. Or, l’incertitude, c’est ce que déteste le plus la Bourse. Elle n’est d’ailleurs pas la seule à partager cette aversion de l’inconnu. Nos dirigeants d’entreprise sont complètement paumés également. Citez-moi un seul grand patron qui vous dira exactement à quoi ressemblera son business d’ici cinq ans et je vous offre un magnum de champagne.

Nos patrons et la Bourse découvrent qu’il ne suffit pas de se dire que demain tout le business ou presque sera numérique pour que tout soit réglé. Le virus les plonge dans l’incertitude : impossible de savoir exactement ce que seront leurs marchés, leurs clients ou leur organisation du travail à un horizon raisonnable. Et demain, qui sait, des libertés considérées comme normales aujourd’hui seront peut-être bafouées pour lutter contre le risque sanitaire. Bref, dans ce monde nouveau, plus de boussole, plus possible de prévoir. Pire encore, il ne faudra pas seulement apprendre à vivre avec le risque – ça, c’est encore possible ou gérable – mais il faudra aussi apprendre à vivre avec l’incertitude. Le ” hic “, c’est que l’incertitude détruit l’avenir.

Comment en effet bâtir sur du sable ? Peut-on imaginer que la vie d’un pays dépende du taux d’occupation des services de réanimation de ses hôpitaux ? Peut-on imaginer qu’un gouvernement de médecins porte le coup de grâce à des centaines de milliers d’entreprises et assigne à résidence sa jeunesse ? C’est vrai qu’en raison d’un sous-investissement chronique, nos hôpitaux fonctionnent en mode dégradé, mais est-ce une raison pour laisser le nouveau ministre de la Santé dire n’importe quoi, même si c’est à titre personnel (limiter nos contacts à trois personnes maximum hors ménage) et le laisser lui, et les experts médicaux, nous gouverner ? Autant de questions que je laisse à votre jugement personnel.

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