La nouvelle société à responsabilité limitée en 8 questions

avec la srl, la Belgique supprime tout simplement le capital. © istock

La réforme du droit des sociétés fait passer à la trappe la société privée à responsabilité limitée, à laquelle se substituera la société à responsabilité limitée.

1. Pourquoi une réforme du droit des sociétés ?

Le législateur veut rendre le droit des sociétés plus simple, plus flexible et plus en phase avec son temps. ” Il s’agit surtout de convaincre les entreprises d’établir leur siège statutaire en Belgique, résume Philippe Ernst, avocat et enseignant à l’université d’Anvers. La libre circulation des sociétés au sein de l’Union européenne est soutenue par la jurisprudence, ce qui permet aux entreprises de saisir les opportunités et de profiter des avantages disponibles dans les autres Etats membres. ” La SPRL Starter créée il y a quelques années en Belgique fut une tentative – peu réussie – en ce sens. La nouvelle société à responsabilité limitée (SRL) doit apporter une réponse plus efficace à la concurrence des pays voisins. Le législateur veut faire d’une pierre deux coups : convaincre les entrepreneurs belges d’opter pour une personnalité juridique locale et attirer les entrepreneurs étrangers au moyen d’une forme sociétaire extrêmement flexible.

2. En quoi la SRL diffère-t-elle de la SPRL ?

” Tout d’abord, la notion même de capital disparaît, alors qu’il fallait, pour pouvoir créer une société privée à responsabilité limitée (SPRL), apporter 18.550 euros, annonce Philippe Ernst. Dans certains pays de l’Union européenne, le capital exigé est d’un euro. Avec la SRL, la Belgique va un pas plus loin : elle supprime tout simplement le capital. En somme, cela revient à dire que l’actif net ne peut pas devenir négatif. ” Le législateur introduit toutefois un nouveau critère : celui du test de liquidité, destiné à vérifier que la société sera effectivement capable de payer ses dettes l’année suivante. ” Si un projet de distribution du bénéfice met la liquidité en péril, il doit être abrogé ou limité, poursuit l’expert. Si des pertes affectent la liquidité, les administrateurs devront enclencher la procédure de sonnette d’alarme, pour permettre aux actionnaires de réfléchir à la question de la continuité de la société et aux mesures qu’il conviendra d’adopter. ”

Le test de liquidité est destiné à vérifier que la SRL sera effectivement capable de payer ses dettes la première année.

La procédure de sonnette d’alarme est un mécanisme de protection des créanciers, qui exige par exemple la tenue d’une assemblée générale et l’établissement d’un rapport en cas de problèmes de liquidité. Elle est du reste d’ores et déjà en vigueur au sein des sociétés anonymes (SA) et des SPRL.

3. Que devient la notion de capitaux ?

Les fondateurs de la SRL doivent veiller à ce que les capitaux propres suffisent, au départ, à financer les activités prévues. Les diverses sources de financement disponibles, comme les crédits bancaires, les apports des actionnaires ou des friends, fools and family (” amis, fous et famille “), le crowdfunding et les subventions, peuvent être prises en compte. Un plan financier doit démontrer la suffisance du patrimoine initial pendant au moins deux ans.

” Le contenu du plan financier est imposé par la loi, poursuit Philippe Ernst. Il n’est toutefois pas nécessaire de faire établir ce document par un expert. Le fonds n’en sera pas davantage contrôlé d’une manière détaillée. Mais si la société fait faillite dans les trois ans, la responsabilité de ses fondateurs pourra être mise en cause s’il s’avère – au vu du plan financier, par exemple – que le patrimoine initial était insuffisant. ”

4. Quand la SRL deviendra-t-elle réalité ?

Aux dernières nouvelles, la SRL entrera en vigueur le 1er mai 2019, date à partir de laquelle plus aucune SPRL ne pourra être créée. A partir du 1er janvier 2020, toutes les SPRL seront automatiquement converties en SRL, mais les statuts pourront être adaptés dès le mois de mai prochain. Tous les statuts devront être à jour pour le 1er janvier 2024.

Le législateur veut faire savoir aux entrepreneurs et aux investisseurs étrangers que le droit belge des sociétés est désormais simplifié.
Le législateur veut faire savoir aux entrepreneurs et aux investisseurs étrangers que le droit belge des sociétés est désormais simplifié.© istock

5. Qu’est-ce qui distingue la SRL de la SA ?

” La société anonyme (SA) est soumise à des directives européennes qui s’appliqueront aux SRL également, répond Hans De Wulf, professeur à l’université de Gand et co-auteur de la nouvelle loi. Mais le législateur belge peut régir la SRL plus ou moins comme il l’entend. Il s’agit d’une forme de société beaucoup plus flexible que la SA, puisque aucun capital n’est requis et que la liberté statutaire est importante. La SA est d’ailleurs assouplie elle aussi : elle peut adopter le droit de vote multiple et protéger ses administrateurs contre la révocation. ” Reste qu’un certain nombre d’éléments demeurent propres à la SA. La possibilité d’instaurer un système d’administration dual (scission de l’organe d’administration en un conseil de surveillance et un conseil de direction) ne concerne pas la SRL. L’organe d’administration de la SRL sera tenu de faire suivre toute distribution de bénéfice d’un rapport circonstancié sur l’incidence de ce paiement sur la liquidité de la société, ce dont la SA est dispensée. ”

6. La SRL sera-t-elle plus ouverte que la SA ?

” Ouverture ” est un terme couramment utilisé en droit des sociétés pour désigner la possibilité dont disposent les administrateurs de contourner les restrictions en matière de transferts. Selon Hans De Wulf, la SRL ne sera pas plus ouverte que la SA : ” En principe, toute cession ou donation d’actions requiert l’assentiment d’un pourcentage donné des associés, expose-t-il. Ce qui est nouveau, c’est la possibilité de déroger entièrement à cette règle : les statuts peuvent en d’autres termes prévoir la libre cessibilité des actions. La SRL peut par conséquent être une société très ouverte, mais elle ne le sera jamais plus que la SA “. Les SRL vont également pouvoir faire leur entrée en Bourse, une possibilité aujourd’hui réservée aux seules SA. Cette décision a surtout été prise à la requête d’Euronext, qui souhaitait permettre aux start-up d’être cotées sans avoir à passer par une procédure de conversion en SA. Ceci dit, pour les SRL, entrer en Bourse exigera de considérables modifications statutaires et coûtera cher ; relativement simple, la conversion préalable en SA me semble une meilleure solution. ”

7. La SRL peut-elle être une société unipersonnelle ?

” La SPRL peut être créée par une seule personne depuis 1987 déjà, rappelle Hans De Wulf. Cette mesure a surtout pour but de permettre aux titulaires d’une profession libérale comme les comptables, les avocats et les médecins de disposer d’un véhicule fiscalement intéressant qui, simultanément, limite leur responsabilité. L’unipersonnalité est également une valeur ajoutée pour les sociétés de management. Le principe est conservé pour les SRL et étendu aux SA. ”

8. Y aura-t-il donc moins de formes sociétaires qu’auparavant ?

” En procédant à cette réforme, le législateur veut faire savoir aux entrepreneurs et aux investisseurs étrangers que le droit belge des sociétés est désormais simplifié, résume Philippe Ernst. Ne subsisteront plus que quatre formes : la société simple, la SRL, la SA et la société coopérative (SC). Mais là-derrière se cachent plusieurs variantes, comme la société en nom collectif et la société en commandite. Comptez également trois formes d’agrément : la SC agréée, l’entreprise sociale et l’entreprise agricole. Reste à savoir si tout cela est réellement plus simple qu’auparavant ! ”

18.550 euros

Le montant des capitaux nécessaires pour créer une SPRL. Cette notion disparaît totalement dans le cas des SRL.

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