Les rencontres de L’Écailler du Palais Royal: Pascale Delcomminette face à Philippe Gloaguen

© Frédéric Sierakowski (Isopix)

Lorsque la patronne de l’Agence wallonne à l’exportation (Awex) croise le fondateur du ” Guide du Routard “, la conversation prend immanquablement le chemin du voyage. Mais dans ce périple inédit, l’économie n’est jamais très loin. Compte-rendu d’une rencontre forcément exotique.

Habituellement, Philippe Gloaguen voyage léger, mais pour sa venue à Bruxelles, il a rempli son sac avec des kilos de littérature. Outre l’édition 2020 de son célèbre guide dédié à la Belgique, le père du Routard a emmené avec lui les deux premiers ouvrages d’une toute nouvelle collection baptisée Voyages et qui fait littéralement le poids. Consacrés à la France et aux Etats-Unis, ces deux beaux livres pèsent en effet plus de 2,5 kg chacun et explorent, durant 400 pages, ces destinations de rêve sous l’angle thématique avec de nombreuses anecdotes dont Le Routard a le secret.

Mais c’est d’abord la dernière livraison des bonnes adresses belges que Philippe Gloaguen tend à Pascale Delcomminette, la patronne de l’Awex, pour ce dîner improvisé à la table de L’Ecailler du Palais Royal à Bruxelles.

PHILIPPE GLOAGUEN. Je vous ai apporté la toute dernière édition du Routard consacré à la Belgique.

PASCALE DELCOMMINETTE. Merci !

P.G. La première édition était une demande de vos autorités. Je me souviens avoir rencontré, il y a presque 20 ans, le ministre du Tourisme de la Région de Bruxelles-Capitale. C’est lui qui voulait ce guide, mais au départ il me parlait uniquement d’un guide Wallonie-Bruxelles. Je ne comprenais pas parce que, vu de France, il y a quand même une autre Région en Belgique qui s’appelle la Flandre et qui fait partie du pays ( rires). Vous savez, quand on est Français, la Belgique est quelque chose de très mystérieux. Au niveau des problèmes linguistiques, des élections, de la famille royale…

P.D. La décentralisation…

P.G. Oui, c’est compliqué !

P.D. Je pense que c’est Coluche qui a dit un jour : ” Si vous pensez avoir compris la Belgique, c’est qu’on vous l’a mal expliquée “.

P.G. ( Rires) C’est vachement beau comme formule !

P.D. Oui, je commence souvent mes discours avec cette phrase ( rires).

P.G. Donc, à l’époque, j’ai répondu à ce ministre bruxellois qu’il était impossible, du point de vue du Routard, de ne consacrer un guide qu’à une partie de votre pays. Alors, il m’a répondu cette chose géniale que seuls les Belges peuvent dire : ” J’étais sûr de votre réponse, mais vous ne pouvez pas m’empêcher d’avoir essayé ” ! ( rires)

P.D. Moi, quand je vais à l’étranger, je ne dis pas que la Belgique est compliquée. Je dis qu’elle est sophistiquée…

P.G. Mais pourquoi ? Expliquez-moi !

P.D. C’est un clin d’oeil. C’est vrai que la Belgique est complexe, mais elle fonctionne et il y a moyen de la comprendre. Vous savez, quand nous avons eu 541 jours sans gouvernement…

P.G. ( Il l’interrompt) Ah oui, pour nous, c’était un événement ! C’était incroyable, ça…

P.D. Oui, mais justement, cette période correspond à un moment qui nous permet de dire que le pays fonctionne aussi grâce aux Régions, aux Communautés et aux administrations qui sont en place.

P.G. C’est vrai parce que, si je me souviens bien, on était en 2011 et il y a eu, à ce moment-là, l’invasion de la Libye…

P.D. Oui, nous sommes quand même entrés en guerre durant cette période-là. On a eu aussi la présidence de l’Union européenne…

Quand je vais à l’étranger, je ne dis pas que la Belgique est compliquée. Je dis qu’elle est sophistiquée. ” Pascale Delcomminette

P.G. Donc, ça fonctionne et je peux vous dire que vous avez eu les louanges de la France !

P.D. ( Rires) C’est toujours un défi, dans mon métier d’internationalisation de la Wallonie et de la Fédération Wallonie- Bruxelles, d’expliquer cette situation avec le sourire…

P.G. Si je comprends bien, vous êtes un peu une ambassadrice ?

P.D. Oui. En fait, j’ai la charge de deux administrations soeurs. La première est l’Agence wallonne à l’exportation. Elle s’occupe de l’internationalisation de nos entreprises et de l’attraction des investissements étrangers chez nous…

P.G. Ah, c’est dans les deux sens ?

P.D. Oui. C’est l’équivalent de Business France chez vous. La seconde structure est Wallonie-Bruxelles International et c’est une espèce de ministère des Affaires étrangères pour la Belgique francophone. On négocie les accords de coopération et nous avons, par exemple, la capacité de signer des traités au niveau des Régions et des Communautés. Ce qui peut sembler étonnant pour un pays comme la France…

P.G. Donc, c’est régional. Il y a une frontière…

P.D. Oui, c’est complexe. Par exemple, dans le cadre des relations internationales de la Fédération Wallonie-Bruxelles, je m’occupe des artistes bruxellois francophones, mais je ne m’occupe pas des artistes bruxellois néerlandophones. C’est une autre agence qui s’en occupe…

P.G. ( Stupéfait) Ah ouais…

P.D. Mais ça marche !

P.G. Mais êtes-vous parfois en concurrence avec vos homologues flamands ?

P.D. C’est une très bonne question !

P.G. Pour établir Google en Belgique, par exemple ?

P.D. Nous sommes effectivement en concurrence par rapport à l’attraction des investissements étrangers. On l’est beaucoup moins en termes d’exportations. A ce niveau-là, on collabore même de plus en plus car il y a une espèce de maturité institutionnelle qui s’est installée…

P.G. Vous êtes plus forts ensemble !

P.D. Oui, sur les salons internationaux, quand ça fait sens, nous sommes d’ailleurs sous la bannière belge avec, malgré tout, nos trois stands. On fait aussi des missions économiques ensemble.

TRENDS-TENDANCES. Le voyage est au centre de vos activités professionnelles respectives. Combien de pays avez-vous visités l’un et l’autre ?

P.D. Moi, je ne les compte pas. Il y a combien de pays dans le monde, déjà ?

P.G. Je dirais 280.

P.D. J’en ai peut-être visité le tiers, alors. Et vous ?

P.G. Je ne sais pas. Je n’ai jamais compté. Mais sans doute la moité…

P.D. C’est pour ça que je dois continuer mon métier très longtemps ( rires) !

P.G. Vous voyagez souvent ?

P.D. A titre professionnel, je dirais que je voyage en moyenne une semaine par mois.

P.G. Moi, ça fait 30 ans que je voyage à l’étranger, généralement neuf jours par mois. A côté de cela, je fais aussi beaucoup de déplacements en France pour le lancement de l’un ou l’autre guide.

Madame Delcomminette, quand vous partez en mission à l’étranger avec l’Awex, vous voyagez avec le ” Routard ” ?

P.D. Je n’utilise pas le Routard pour les missions professionnelles. Ces missions sont évidemment préparées du point de vue de l’approche culturelle par nos conseillers économiques et commerciaux. Ils sont nos décodeurs culturels, nos ” routards “, qui donnent les clés d’approche d’un marché et qui préparent nos entreprises à mettre toutes les chances de leur côté dans leurs relations avec leurs partenaires. En revanche, j’utilise énormément le Routard pour mes voyages personnels. Je suis une consommatrice fidèle depuis de longues années et c’est devenu notre guide exclusif lorsque nous voyageons en famille. En moyenne, on fait un grand voyage tous les deux ans et, franchement, on n’a jamais été déçu d’un conseil du Routard. On le suit aveuglément et c’est un outil que l’on triture même avant de partir : on surligne au fluo, on met des post-it…

P.G. Parfois, les membres d’une même famille disposent même chacun d’un post-it de couleur différente !

Monsieur Gloaguen, comment expliquez-vous le succès persistant du guide de voyage papier à l’heure des réseaux sociaux et des sites comme TripAdvisor qui délivrent des conseils gratuits ?

P.G. TripAdvisor s’est lancé en français il y a 15 ans. Les deux premières années, on a souffert. Il y avait une attraction, c’est indéniable. Ensuite, les gens se sont rendu compte que chaque guide du Routard a un responsable d’édition et que c’est lui qui décide. On n’intègre jamais une adresse si elle n’a pas été testée par l’équipe, contrairement à TripAdvisor où vous trouvez tout et son contraire. Deuxièmement, quand vous êtes à l’étranger, le wi-fi ne fonctionne pas toujours. Or, avec le papier, pas besoin de batterie, pas besoin de fil et pas besoin de wi-fi. Un guide du Routard peut tomber par terre, il ne cassera pas. Il peut même tomber dans l’eau ou dans le sable, vous pourrez toujours l’utiliser ! Et je peux vous dire aussi que, quand il y a un moustique dans votre chambre, il est autrement plus efficace que votre tablette !

P.D. ( Rires) C’est vrai !

P.G. Bizarrement, je suis à cheval sur les deux rives, papier et numérique, car le site routard.com fait quand même 6 millions de visiteurs uniques par mois. Il est gratuit mais il est ultra-rentable. Il occupe 20 salariés et 20 pigistes, donc ce n’est pas rien. Le très gros avantage que j’ai eu, c’est que j’étais là avant tout le monde. J’ai créé routard.com en 1996 et je n’ai aucun mérite car j’ai été fortement soutenu par le groupe Hachette à l’époque. C’est normal : le Routard, c’est l’équivalent de six Goncourt par an cumulés. J’avais donc cinq ans d’avance sur tout le monde quand je l’ai lancé et, aujourd’hui, le guide et le site sont parfaitement complémentaires.

P.D. Vous avez raison, c’est tout à fait complémentaire. On commence toujours le voyage par routard.com, le forum est fabuleux et ça nous permet de trouver le spécialiste par pays qui nous donne des conseils avant de poursuivre l’aventure grâce au papier.

P.G. Ce que les gens ne voient pas, c’est que du Routard découlent de nombreuses activités. Ce sont des régies publicitaires, des produits d’assurance, des partenariats, des guides pour les entreprises, etc. Nous recevons plein d’offres de sponsoring, mais nous avons toutefois nos limites. Le plus gros contrat que j’ai refusé venait de la Seita, une entreprise française du secteur du tabac, qui portait sur une commande de 10 millions d’exemplaires pour une marque de clopes qui s’appelait News, il y a 20 ans. J’ai dit : pas question ! Moi, j’ai passé quatre ans de ma vie à l’hôpital, au pavillon des cancéreux, et j’ai vu des gamins crever. Donc, voilà, on ne fait pas les clopes, on ne fait pas les alcools forts, mais on fait un peu de pinard quand même ( rires) !

Madame Delcomminette, en tant que consommatrice du ” Routard “, cela vous choque-t-il que certaines éditions soient sponsorisées par de grandes entreprises comme le Club Med, Renault ou Total ?

P.D. Non, pas du tout. A partir du moment où les valeurs du Routard sont respectées, cela ne me pose pas de problème. Si l’esprit d’un tourisme citoyen, éco ou durable – bien avant que ce ne soit à la mode – est là, pour moi, c’est l’essentiel. Le contenu reste sérieux et documenté, donc je n’ai pas de souci à ce que le Club Med ait son Guide du Routard, d’autant plus que j’essaie moi-même d’attirer des investissements d’entreprises du monde entier et qui créent des emplois. Mais je suis rassurée de savoir que vous n’acceptez pas tout. Et puis, je sais que vous menez parfois des opérations précieuses comme ce guide à l’attention des réfugiés que vous avez sorti en 2015, je crois…

Les rencontres de L'Écailler du Palais Royal: Pascale Delcomminette face à Philippe Gloaguen
© Frédéric Sierakowski (Isopix)

P.G. Ah, vous vous souvenez de ça ? Ça me fait plaisir ! Vous savez, j’ai eu les plus grosses critiques de ma vie pour ce guide qui s’appelait Hello ! et qui visait à aider les migrants. Il était gratuit, je l’ai entièrement financé et il a été distribué à 700 associations en France. Cela représente environ 15.000 exemplaires donnés aux employés de ces associations qui accueillent les réfugiés. J’ai eu une couverture médiatique mondiale à ce sujet, mais aussi les plus grosses critiques parce que, pour certains, je facilitais l’accès aux réfugiés. On a reçu près de 2.000 lettres d’injures de membres du Front National ( rires). Moi, je suis très fier de l’avoir fait.

P.D. Je me souviens que vous avez fait aussi un guide de la visite d’entreprise en France il y a deux ou trois ans, je pense. Quel a été le retour ?

P.G. Dingue. Mais plus que dingue ! On s’apprête d’ailleurs à sortir la deuxième édition de ce guide et, aujourd’hui, nous faisons même des guides régionaux de la visite d’entreprise. Par exemple, nous en avons fait un pour la région Paca – Provence, Alpes, Côte d’Azur – et là, on a une commande de la Chambre de Commerce de Bretagne. Ce que vous ne savez peut-être pas, c’est que ma famille de coeur, c’est l’économie ! J’ai fait une école de commerce et mes copains sont banquiers, PDG, entrepreneurs, etc. La raison profonde pour laquelle j’ai fait ce guide, c’est que je voulais réconcilier les Français avec le monde de l’entreprise. A vrai dire, j’ai été à l’école avec l’ancien PDG de Total, Christophe de Margerie, qui est malheureusement décédé à Moscou il y a cinq ans. C’était en quelque sorte mon jumeau puisque nous sommes nés exactement le même jour : le 6 août 1951. Nous étions de la même promotion, je l’adorais et, comme il était brillant, il est devenu PDG de Total. Mais la dernière fois que je l’ai vu, il m’a dit : ” Toi, Philippe, tu as de la chance, les gens t’aiment. Moi, je fais travailler 140.000 personnes et il y a toujours un syndicaliste qui me crache dessus “. Il avait même une garde rapprochée pour que les gens ne lui donnent pas des claques ! J’ai trouvé cela terriblement injuste. J’avais honte pour la France et c’est donc parti de là. Je voulais réconcilier ces deux mondes.

Je vais vous donner un scoop : nous allons réaliser le tout premier guide du handicap en entreprise. ” Philippe Gloaguen

P.D. En Wallonie, on a sans doute moins cet esprit d’entreprendre qu’en Flandre et donc peut-être aussi un a priori, je ne dirais pas négatif, mais un a priori quand même sur le monde de l’entreprise. Je le vois bien quand je l’explique autour de moi, dans ma famille par exemple, et donc il est vrai que ce genre de guide est important et qu’il peut être un premier chemin vers la notoriété internationale. Je suis convaincue que la fierté de nos talents et de nos atouts est un des éléments essentiels du rayonnement.

Donc bientôt un ” Routard ” de la visite d’entreprise en Wallonie sponsorisé par l’Awex, Madame Delcomminette ?

P.D. ( Rires) Voilà ! En tout cas, il est vrai que l’on a des entreprises qui sont leaders mondiaux dans des secteurs de niche, que ce soit le secteur pharma, medtech et même aéronautique. Nous sommes là pour les rendre visibles et ça fonctionne plutôt bien – du moins, on l’espère ! – mais on a toujours cette difficulté, malgré tout, à faire connaître la marque Belgique et singulièrement la marque wallonne dans ces secteurs de niche. Savez-vous, par exemple, que nous sommes, en Wallonie, les plus gros exportateurs de vaccins au monde ?

P.G. Non, je ne le savais pas.

P.D. C’est GSK Vaccines et c’est chez nous !

P.G. Là, il y a un vrai problème de notoriété.

P.D. Exactement ! C’est ce point-là que je voulais soulever : la question de notoriété. Alors, nous menons 150 actions par an – que ce soit dans les foires, les salons, etc. – dont 50 missions à l’étranger parmi lesquelles des missions princières et des visites d’Etat.

P.G. Ah bon, la famille royale vous accompagne parfois ?

P.D. Oui, nous avons deux visites d’Etat avec le Roi et la Reine par an et aussi deux missions princières avec la princesse Astrid. Ce sont quatre moments de visibilité et de notoriété maximales. Mais à côté de ça, il est vrai qu’un guide de la visite d’entreprise en Wallonie ferait sens par rapport à ce sentiment de fierté dont je parlais justement. Je retiens l’idée !

P.G. Je vais vous surprendre. Savez-vous quel est notre plus gros succès d’édition au ” Routard ” ?

P.D. Non.

P.G. Il s’agit d’une co-édition avec le journal Les Echos et c’est Le Guide de la création d’entreprise : 440.000 exemplaires ! Il est tellement sponsorisé qu’il est gratuit. L’idée est d’accompagner des jeunes entrepreneurs qui n’y connaissent rien. Quelles sont les possibilités d’obtenir des subventions en France ? Comment présenter un business plan ? Etc. Je l’ai fait avec Les Echos parce que j’ai une relation formidable avec ce journal. Je suis aussi ultra-copain avec le directeur du personnel de LVMH qui possède Les Echos. Je l’adore parce que le Routard le fait marrer et qu’il n’arrête pas de me taquiner : ” Alors, Philippe, toujours à gauche ? ” ( rires)

P.D. A ton âge ! ( rires)

P.G. ( Rires) Il me met en boîte ! J’adore ce type et je vais vous donner un scoop. Vous ne l’avez peut-être pas remarqué, mais je marche mal. Je suis handicapé car j’ai eu une maladie très rare et j’ai même failli crever. Bref, je suis très sensible au handicap et nous allons réaliser, avec Les Echos, le tout premier guide du handicap en entreprise. Cela n’existe pas encore et c’est un scoop pour Trends-Tendances !

P.D. C’est génial, ça !

P.G. Et il sera sans doute gratuit. Car l’idée n’est pas de faire de l’argent. C’est une mission sociale. C’est ça, l’avantage du Routard : quand vous vendez chaque année plus de 2,5 millions d’exemplaires, vous pouvez sortir en parallèle des guides plus ciblés où vous ne gagnez rien du tout. Et parfois même, vous perdez de l’argent, comme pour le guide des migrants. Pour moi, c’est un vrai bonheur de pouvoir le faire.

Ce qui est fou, dans l’histoire du ” Routard “, c’est que votre tout premier guide de voyage a été refusé par 19 maisons d’édition avant d’être signé par un tout petit éditeur en 1973. Depuis, c’est une vraie ” success- story ” avec plus de 50 millions d’exemplaires vendus…

P.G. C’est incroyable que vous sachiez ça ! Vous savez, j’ai fait une grande école de commerce. Mes parents étaient instituteurs, je les adorais et j’ai très vite compris qu’il fallait avoir de bonnes notes pour leur faire plaisir. J’ai eu mon bac à 16 ans avec mention en 1968, puis j’ai fait une école préparatoire avant cette école de commerce, mais j’avais l’envie d’être journaliste. J’ai collaboré à des magazines comme Pilote, Actuel, puis je suis parti sur la route des Indes et j’en suis revenu avec un guide de 320 pages qui parlait de 22 pays. Et vous avez raison : 19 maisons d’édition ont refusé ce guide et celle qui a accepté de me publier a fait faillite ( rires) ! Mais nous étions en 1973 et c’était le lancement des vols charters en Belgique. Votre pays a joué un grand rôle puisque, en 1974, le groupe Hachette a repris le Routard pour cette raison. Il éditait déjà les Guides Bleus et, avec mon guide, il voulait justement cibler la clientèle plus jeune des charters qu’il n’avait pas encore…

P.D. Elargir la gamme, c’est le bon vieux principe économique ! ( En train de déguster son dessert) Moi, je pourrais tout à fait faire partie de votre réseau. Donc, si jamais vous cherchez quelqu’un de bénévole pour alimenter vos guides, de manière informelle, ne fût-ce que pour les desserts… ( sourire)

P.G. ( Rires) Pascale, responsable des desserts au Routard !

P.D. Et du reste ( rires) ! C’est vrai que l’on se pose souvent la question, mon mari et moi, d’envoyer des messages et des commentaires sur des adresses testées, mais on ne l’a jamais fait…

P.G. Savez-vous que nous envoyons 18.000 guides par an, gratuitement, à des lecteurs qui se sont justement manifestés ?

P.D. Ah oui ?

P.G. Leurs remarques sont généralement très positives. Souvent, ils souhaitent partager des adresses qu’ils ont découvertes…

P.D. Il y a ce sens de la communauté…

P.G. Voilà ! En guise de remerciement, ils reçoivent un Routard de leur choix et, de notre côté, on teste ensuite ces adresses pour voir si ça vaut la peine de les intégrer ou pas dans la nouvelle édition.

P.D. Si j’avais su… J’aurais dû recevoir plein de Routard, en fait ( rires) !

P.G. Mais ce n’est pas tout. Vous n’imaginez pas le nombre d’invitations que nous avons reçues pour des mariages !

P.D. Ah bon ?

P.G. Oui, c’est incroyable ! Parce qu’il y a évidemment beaucoup de gens qui se sont connus grâce au Routard. Certains se sont mariés…

P.D. C’est vrai, ça facilite les rencontres entre francophones à l’étranger.

Pour conclure, la question impossible : s’il ne fallait retenir qu’une seule destination, laquelle choisiriez-vous ?

P.D. D’un point de vue personnel, je dirais la Namibie. Au niveau professionnel, c’est beaucoup plus difficile. ( Après quelques secondes de réflexion) Je dirais l’Iran. Cela a été une découverte en termes de potentialités pour nos entreprises. Alors, c’est plus compliqué maintenant…

P.G. A cause de l’embargo !

P.D. Oui. Ce pays est fascinant. Mais j’ai aussi beaucoup aimé le Japon, la Corée du Sud et les Etats-Unis. Ma ville préférée, c’est New York. Je pourrais y vivre. Mais cela reste une question très difficile. Et vous ?

P.G. La France !

Elle est d’ailleurs à l’honneur de ces nouveaux livres qui font l’actualité du ” Routard “. Deux ouvrages de grand format qui pèsent 2,6 kg chacun et qui font 400 pages ! Pourquoi de tels objets alors que les guides du ” Routard ” se veulent plutôt discrets ?

P.G. C’est d’abord un pari. En français, on appelle ça des beaux livres, c’est-à-dire des livres de photos. En un an, le marché des beaux livres s’est effondré de 10% et de très grosses maisons d’édition se sont arrêtées. Moi, j’aime prendre le contre-pied. C’est dans ma culture. Donc, là, personne ne s’y attend et tout le monde est subjugué parce que, oui, ce sont des beaux livres, mais il y a l’esprit Routard avec de la déconne et des anecdotes inédites. Personne ne peut s’aligner là-dessus ! On a fait un premier tirage de 33.000 exemplaires pour chaque titre et je peux vous dire qu’on va les réimprimer. Je vous invite d’ailleurs à les découvrir…

P.D. Merci beaucoup !

Profil : Pascale Delcomminette

Les rencontres de L'Écailler du Palais Royal: Pascale Delcomminette face à Philippe Gloaguen
© Frédéric Sierakowski (Isopix)

– Née le 15 octobre 1968 à Ougrée.

– Diplômée de l’ Ecole d’interprètes internationaux de Mons en 1990, elle décroche un master en Sciences économiques et sociales deux ans plus tard.

– Elle débute sa carrière comme chargée de mission à la Commission européenne, avant de rejoindre l’ULg comme chercheuse, puis le cabinet du ministre-président du gouvernement wallon où elle devient conseillère en 1997.

– Durant une quinzaine d’années, elle occupe différents postes à responsabilité dans plusieurs cabinets ministériels de la Région wallonne et de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

– En 2014, elle devient administratrice générale de l’ Agence wallonne à l’exportation (Awex) et de Wallonie-Bruxelles International (WBI), la structure qui gère les relations internationales de la Communauté française.

Profil : Philippe Gloaguen

Les rencontres de L'Écailler du Palais Royal: Pascale Delcomminette face à Philippe Gloaguen
© Frédéric Sierakowski (Isopix)

– Né le 6 août 1951 à Suresnes (France).

– Diplômé de l’Ecole supérieure de commerce de Paris, il débute sa carrière comme journaliste pour les magazines Pilote et Actuel.

– Après un long voyage en Inde en 1972, il rédige le premier Guide du Routard qui sera refusé par 19 maisons d’édition avant d’être publié par un tout petit éditeur en 1973.

– Repris par le groupe Hachette, le Routard devient rapidement un succès de librairie avec Philippe Gloaguen à sa tête, toujours propriétaire de la marque.

– En 45 ans, le Routard a vendu plus de 45 millions d’exemplaires et reste une valeur sûre de l’édition.

– Il occupe aujourd’hui 120 personnes à temps plein.

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