Par – 60 °C avec Caryl Férey

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Dernier polar d’un des spécialistes français du genre, “Lëd” se déroule au fin fond de la Sibérie. Là où l’espérance de vie est bien plus brève qu’ailleurs, et pas seulement à cause des criminels.

On rentre dans ce roman sous la tempête. Celle qui s’abat sur Norilsk a fait chuter les températures à – 64 °C. Il ne serait pas humain de mettre le nez dehors, non seulement parce qu’il fait froid, mais aussi à cause de ces enseignes de magasins et autres objets lourds qui volent dans les airs et transperceraient les irréductibles. Alors, pourquoi sort-il, Gleb? Que va-t-il chercher? Quand l’immeuble d’en face s’effondre sous les coups des vents, “taureaux furieux dévalant le cirque de la péninsule de Taïmyr”, il voudrait tirer des décombres de potentiels survivants. Mais tout ce qu’il voit, c’est le torse décapité d’un homme, un Nenet, du nom de ce peuple partiellement nomade de la toundra auquel il appartient. Personne ne parvient à l’identifier, il n’intéresse aucun flic. Alors, c’est Boris, “un quinqua aux joues molles”, “enceint de six mois sous sa parka” qui est chargé de l’affaire qui se révèle bientôt un meurtre. Ainsi commence l’enquête la plus froide que vous ayez jamais lue. Car Norilsk est la plus grande ville au-delà du cercle polaire. Population: 177.000 habitants. On y accède uniquement l’été, par avion ou par bateau. “Un monde figé dans la glace et la neige”, une “prison à ciel ouvert”. D’ailleurs, entre 1935 et 1955, un camp de travail y exténua un demi-million de prisonniers. Pour compléter le tableau, c’est la septième ville la plus polluée au monde: les usines envoient dans l’atmosphère de Norilsk 2 millions de tonnes de gaz (autant qu’un pays comme la France). Les ouvriers et leurs familles y meurent jeunes, 60 ans, en moyenne, 10 de moins que dans le reste de la Russie. Lëd est ainsi un polar très documenté sur “l’homme rouge” – celui de l’écrivaine prix Nobel de littérature Svetlana Alexievitch, sur le réchauffement climatique et qui parle d’homosexualité. Un polar résolument d’aujourd’hui.

Caryl Férey, “Lëd”, éditions Les Arènes, 523 pages, 22,90 euros.

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