A Aubange, “on prépare le terrain pour des logements de qualité”

© CHRISTOPHE KETELS

A Aubange, province de Luxembourg, les autorités communales essayent de contenir la pression immobilière en instaurant des règles et en élargissant l’offre. La Ville mène aussi plusieurs projets de rénovation urbaine qui visent autant à redorer son image qu’à créer un terreau pour du logement de qualité.

François Kinard a pris la succession de Jean-Paul Dondelinger à la tête d’Aubange début 2021. Le jeune bourgmestre est soucieux d’accélérer la concrétisation de plusieurs projets de longue date afin d’apporter une nouvelle dynamique à sa ville, et notamment favoriser la qualité de vie et des logements.

TRENDS-TENDANCES. Aubange est l’une des rares communes belges situées à la fois près des frontières luxembourgeoise et française. Quel impact cela a-t-il sur l’attractivité de la ville et son marché immobilier?

FRANÇOIS KINARD. L’attractivité du Grand-Duché crée une forte pression immobilière dans le sud de la province du Luxembourg et notre commune n’y échappe pas. Un peu comme Bruxelles, le Luxembourg est devenu une capitale européenne avec des prix exorbitants et puisque la place commence à manquer, les promoteurs luxembourgeois s’étendent hors des frontières pour créer de l’offre immobilière. Cela engendre des pressions foncières du type de celle du Brabant wallon. Aujourd’hui, deux tiers de nos travailleurs se déplacent chaque jour au Luxembourg alors qu’avant, la puissance économique était sur notre territoire car Aubange possède un important passé sidérurgique. Certains regrettent cette situation mais je pense qu’on doit plutôt essayer d’en tirer des avantages et adapter les activités de la ville pour que les travailleurs y trouvent ce dont ils ont besoin.

Ce passé industriel a-t-il laissé des friches dans les centres urbains?

Notre territoire est très dense – le plus dense de la province – donc aujourd’hui nous n’avons plus beaucoup de friches dans les milieux habités. Notre sujet actuel le plus important est celui de la rénovation urbaine, car il y a beaucoup de bâtiments abandonnés et de cellules commerciales vides dans le centre d’Athus, ce qui donne une mauvaise image et peut créer un sentiment d’insécurité. Le problème est que certains de ces bâtiments appartiennent à des propriétaires étrangers qui sont repartis dans leur pays et qu’on n’arrive pas à joindre. Les taxes sur les immeubles inoccupés ne fonctionnent pas, donc on réfléchit pour instaurer un système qui existe déjà dans d’autres communes et qui permettrait que les biens tombent dans le patrimoine communal au bout de x temps sans réponse du propriétaire.

La Ville a-t-elle aussi des projets concrets en matière de rénovation urbaine?

Nous disposons depuis plusieurs années de fiches de rénovation urbaine, essentiellement sur Athus et ses axes importants comme la rue de Rodange et la Grand-Rue. Je veux avancer vite et bien mais nous sommes parfois bloqués par le manque de subsides ou par leur aspect très contraignant. Ces 10 dernières années, la commune a acquis une série de bâtiments abandonnés et il est désormais temps de les démolir. On va notamment détruire plusieurs bâtiments pour recréer une ouverture dans la Grand-Rue avec un espace vert, ou encore agrandir le centre culturel en créant également un espace vert à l’avant. Nous avons aussi un projet de démolition autour de la rue de Rodange, où l’on devrait installer une liaison cyclo-pédestre et une ouverture dans cet axe qui est très dense. Une fois qu’on aura détruit les bâtiments et réalisé les aménagements publics, on va sans doute revendre le site pour qu’un bandeau de constructions modernes puisse s’y implanter.

Il n’y a qu’une commune qui peut se permettre de prendre 10 ans pour acheter différents bâtiments et créer un bel espace à exploiter.” FRANÇOIS KINARD, BOURGMESTRE D’AUBANGE

Ces acquisitions et démolitions immobilières servent donc en quelque sorte à préparer le terrain pour les promoteurs?

Il est clair qu’en tant que commune, nous n’avons pas vocation de construire et revendre des lots de bâtiments. On rase les immeubles qu’on a acquis, on crée un espace public propre et ensuite on vend la parcelle pour voir naître un projet intéressant. Il n’y a qu’une commune qui peut se permettre de prendre 10 ans pour acheter différents bâtiments et créer un bel espace à exploiter. On fonctionne de cette manière car on sait que les terrains et l’immobilier vont continuer à prendre de la valeur, que la croissance démographique va se poursuivre sur notre territoire, et donc que les promoteurs seront intéressés. On vient notamment de boucler un appel à projet pour la construction de logements sur le site Floréal, où un projet avait avorté il y a quelques années. Malgré un délai serré, nous avons reçu deux candidatures de promoteurs de qualité et l’attribution du site devrait avoir lieu en octobre. Après ça, les promoteurs auront l’obligation de construire dans les cinq ans car on veut éviter les spéculations et/ou un nouvel échec de projet sur ce site.

Nous allons aussi mettre en vente un café et une discothèque qui représentent un gros point noir dans la Grand-Rue, et les acheteurs devront abattre les bâtiments dans les deux ans et reconstruire dans un délai de cinq ans. On a perdu de nombreuses années à cet endroit à cause entre autres des subsides, donc j’ai décidé de ne plus attendre. La commune qui est propriétaire de la discothèque va se lancer dans une vente commune avec le privé auquel appartient le café, ce qui est assez rare!

La commune met-elle en place des dispositifs pour contenir les prix de l’immobilier?

Si l’on veut faire baisser la pression immobilière, il faut créer de l’offre. Dans les gros bourgs comme Halanzy, les développements ne sont pas toujours bien accueillis par les riverains qui tiennent à leur tranquillité, mais les attitudes changent ces dernières années car on se rend compte qu’il faut offrir aux jeunes la possibilité d’acheter ou construire sur leur territoire. On a ainsi des lotissements à Aubange et Halanzy où se sont principalement installés des gens du coin.

D’autres projets sont-ils en cours pour augmenter l’offre de logements?

On espère que de grands sites vont se développer rapidement mais ils appartiennent au privé, donc nous n’avons pas la main dessus. Il y a par exemple le projet Gayenberg pour lequel un permis d’urbanisation a été délivré début 2022. C’est un écoquartier et nous avons imposé une série de charges de développement intelligent au niveau de l’éclairage, du ramassage des poubelles, etc., pour créer un quartier résidentiel nouvelle génération qui apportera une belle image de marque à la commune.

Imposez-vous des contraintes aux promoteurs ou propriétaires pour favoriser des logements qualitatifs?

On a pris des mesures en mars 2021 pour imposer des surfaces minimales à respecter car il y a eu beaucoup trop de divisions de bâtiments par le passé, notamment sur Athus. Cela a créé du logement qui n’est pas du tout qualitatif, et des problèmes de mobilité dans certaines rues. Désormais, on peut toujours diviser mais il faut respecter les surfaces minimales habitables définies par la commune: 50 m2 pour un logement une chambre, 60 m2 minimum pour un deux chambres et 70 m2 au moins pour trois chambres ou plus. L’autre contrainte qu’on a imposée, c’est l’interdiction de créer des studios dans les villages. Ces mesures seront coulées dans notre nouveau guide communal d’urbanisme qui est en cours d’élaboration. On ajoutera sans doute aussi des critères de mixité des logements car avec l’attractivité du Luxembourg, certains promoteurs veulent se concentrer sur la construction de studios ou logements une chambre pour les travailleurs qui passent seulement quelques années dans notre commune. Notre optique est de lutter contre ça en développant des logements pour que les gens restent sur notre territoire, s’y sentent bien et se l’approprient.

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