Nos cités enfouies, chemins de liberté

Vincent Engel, Maramisa, éditions Les Escales, 520 pages, 21,90 euros.

Vincent Engel se rêverait-il en Indiana Jones à la recherche de civilisations perdues ? ” J’avais envie d’être Indiana Jones bien avant qu’il n’existe, nous explique l’auteur belge. Ce goût d’aventure imaginée – pas vécue, je suis quelqu’un de très casanier -, je le possède depuis mes cinq ans. ” De la tranquillité de sa table d’écrivain, et de ce bouillonnant imaginaire, est donc sorti Maramisa, dernier roman paru aux portes de l’été. Dans cet ouvrage, Maramisa est le nom d’une cité ayant abrité voici des siècles une civilisation extraordinaire, qui aurait même touché l’immortalité du bout du doigt. A ses côtés, les Mésopotamiens auraient fait à peu près figure de de primitifs. La cité de Marasima est aussi une obsession de l’homme d’affaires Hermann Kopf, fantasque Allemand au passé obscurci par les horreurs nazies, qui va charger un académique, Charles Vinel, narrateur en errance de cette passionnante saga, de retrouver ce berceau de l’humanité et de le reconstruire sur ses propres fondations.

Je l’ai entendue, Maramisa, elle me rappelait à elle.

Mais quels sont les véritables desseins de Kopf ? Vinel, tour à tour fasciné et méfiant à l’égard de son mécène, enquête. ” Ce sont deux personnages que tout oppose, mais aussi que tout complète explique Vincent Engel. Charles a besoin de ce type de personne. Il a besoin de tomber sous le charme. C’est quelqu’un qui est toujours en attente de l’amour et du succès. Quand vous attendez, souvent vous n’obtenez rien. Sauf si vous rencontrez une personne qui détecte que vous êtes en attente pour prendre le contrôle sur vous. ”

Ce mystère autour des intérêts de l’extravagant magnat, l’auteur l’entretient habilement. ” Kopf n’est pas normal au sens de la norme établie. C’est un fou, obnubilé par une quête totalement irrationnelle : il veut tuer le temps. Comme Charles, je n’ai cependant jamais su trancher sur la folie du personnage. Quand on évoque les monstres de l’Histoire nous mettons toujours de côté l’humanité que nous partageons avec eux. J’aime tous mes personnages, même s’ils sont épouvantables. ” Au fil de son épais roman, Vincent Engel parvient à jongler avec les ressorts efficaces du récit d’aventure – des régions inexplorées, des disparitions inquiétantes, une correspondance anonyme, des faux-semblants fantastiques – et les conflits intérieurs de son protagoniste paumé. Charles Vinel, ” chevillé à la disparition de sa mère “, cherche en Maramisa les raisons de sa propre existence. Comme si la nostalgie de ses ruines – immatérielles ou non, voilà l’intrigue -, était le signe d’un nouveau départ. Cette relation aux lieux qui nous construisent, Vincent Engel en est le fréquent visiteur dans ses romans ; pensons à la maison de Retour à Montechiarro. ” La question que j’ai voulu traiter ici est la suivante : comment maintenir ou revendiquer une identité quand il n’en reste aucun ancrage ou seulement un ancrage en soi ? ” Le romancier a mis 35 ans, nous confie-t-il, à apporter la réponse. ” J’ai construit ce livre comme l’archéologue qui voudrait reconstruire une cité à partir de quelques pierres. Finalement la démarche de Kopf correspond assez bien à la manière dont je l’ai écrit. Mais ça m’a coûté moins cher ! ”

” Maramisa, chemin de liberté “, nous dédicace Vincent Engel en première page. Comment ? l’interroge-t-on. ” La liberté s’obtient, comme le dit la chanson de Janis Joplin, quand on n’a plus rien à perdre, quand on s’est détaché de tout. ” Charles vit cette expérience. Sa liberté, l’auteur l’a d’ailleurs lui-même mise à l’épreuve lors de ses collaborations aux spectacles grandiloquents de Franco Dragone, des épisodes sources de frustration et d’apprentissage dont il fait une nette allusion, presque humoristique, dans cet ouvrage. Reste que cette histoire fascinante, longtemps intériorisée et aujourd’hui publiée, aurait réveillé chez le romancier de nouveaux désirs d’écriture. Un ” plongeon ” littéraire que l’on attend avec impatience, nous-mêmes assis au milieu de nos propres cités imaginaires, de nos propres Maramisa.

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