Immo en Flandre-Occidentale: marchés locatif et acquisitif sont des vases communicants

© DEBBY TERMONIA

Le marché de la location à Bruges tient le haut du pavé, selon les normes de Flandre-Occidentale, mais souffre d’un manque de dynamique urbaine. A-t-il encore une marge de croissance? Les loyers brugeois sont-il déjà trop élevés?

En 2020, Bruges comptait 19.628 locataires, le nombre le plus élevé de toutes les villes et communes de Flandre-Occidentale. Ostende suit en deuxième position avec 16.647 locataires. Pourtant, Bruges n’est pas forcément considérée comme un important marché locatif en Flandre. Ceux d’Anvers (118.273 locataires) et de Gand (59.965 locataires) sont loin devant en chiffres absolus mais c’est surtout le pourcentage du locatif qui est nettement plus élevé. A Anvers et à Gand, la moitié des ménages sont locataires et à Louvain, la proportion passe même à 53,6%. Bruges n’est qu’à 35,9%.

Accessibilité et “génération locataire”

Le groupe immobilier Dewaele, un des agents les plus importants de Flandre-Occidentale avec une vingtaine de bureaux répartis dans la province, constate que le rapport entre acheteurs et locataires évolue. “C’est surtout dans la vente d’appartements dans les nouveaux développements que la tendance est la plus évidente, déclare Cedric Lombaert, spécialiste du locatif chez Dewaele. Jusqu’il y a peu, un tiers environ était acheté par des investisseurs. Maintenant, on voit déjà des projets où près de la moitié des unités vont à des investisseurs qui les proposent ensuite sur le marché de la location.”

Lode Waes, administrateur du promoteur CAAAP, signale un phénomène nouveau sur le marché immobilier brugeois: des investisseurs qui, au lieu d’acheter un appartement individuel, achètent un bloc complet de six à huit appartements. “Dans notre projet Gulden Roos à Bruges, nous avons reçu plusieurs demandes de ce type. L’achat de blocs existe depuis un certain temps sur le marché bruxellois, par exemple, mais on n’avait encore jamais vu ça à Bruges.”

Cette situation montre que du côté de l’offre, on mise clairement sur un marché locatif en croissance. Même si indubitablement la faiblesse persistante des taux d’intérêt aura été une motivation majeure pour une bonne part des nouveaux investisseurs. “Et ne sous-estimez pas l’effet des pénalités imposées par les banques quand on a plus de 500.000 euros sur son compte épargne, précise Lode Waes. C’est un point très sensible.”

Du côté de la demande, cependant, on ne perçoit pas de ruée dans l’immédiat. Le nombre de locataires en Flandre-Occidentale est certes en hausse mais l’augmentation reste modeste. Pour les quatre grandes villes de la province (Bruges, Courtrai, Ostende et Roulers), les données du cadastre et du registre national montrent un accroissement du nombre de locataires d’à peine 0,5% sur deux ans.

Toutefois, la hausse continue des prix sur le marché acquisitif devrait faire grossir le marché locatif. “L’accessibilité financière est un facteur clé dans l’expansion du marché de la location, explique Sam Bordon, responsable investissements chez ION. Il y en a d’autres aussi, comme le changement de mentalité chez les jeunes: la generation rent, ou génération de locataires, qui est moins sédentaire et préfère dépenser dans des expériences comme les voyages plutôt que pour le logement. Mais il faut dire aussi que la flambée des prix de l’habitat rend impossible l’accès à la propriété pour un groupe croissant de personnes.”

La hausse continue des prix sur le marché acquisitif devrait faire grossir le marché locatif.

Chez Dewaele, on remarque également cette tension dans l’intérêt accru des candidats acheteurs pour la formule Rent to Buy. “C’est une formule pour les personnes qui sont aujourd’hui exclues du marché acquisitif parce qu’elles ne peuvent réunir l’apport requis, explique Sofie Spriet, CEO de Dewaele. Elles prennent le bien en location et peuvent en faire l’acquisition au terme d’une période convenue en utilisant les loyers déjà versés comme acompte. Mais la demande de Rent to Buy est de plusieurs fois supérieure à l’offre.”

Loyers élevés

Par ailleurs, les loyers à Bruges augmentent eux aussi: entre 2019 et 2020, CIB Vlaanderen (la confédération flamande des métiers de l’immobilier) relève une hausse de 1,9%. Chez Dewaele, on note que le loyer moyen, qui était de 728 euros par mois au premier semestre 2020, est passé à 790 euros au premier semestre de cette année, soit une hausse conséquente de 8,5%. “Les marchés locatif et acquisitif fonctionnent souvent comme des vases communicants, observe Sofie Spriet. L’acquisitif est très actif actuellement, avec une demande qui dépasse largement l’offre. D’où des prix soutenus à la hausse, mais avec aussi pour conséquence qu’une part des candidats acheteurs jettent l’éponge et restent sur le marché de la location.”

Les chiffres de CIB Vlaanderen et de Dewaele montrent d’ailleurs que Bruges est plus chère que les autres villes ouest-flamandes. Courtrai – loyer moyen de 739 euros selon les données de Dewaele – se rapproche le plus du niveau de loyer de Bruges. Avec Roulers (716 euros) et Ostende (645 euros), l’écart s’agrandit. “Ces différences sont en partie dues à l’attrait de Bruges en tant que ville touristique de renommée internationale, précise Cedric Lombaert. L’administration communale a depuis un certain temps mis un frein au nombre d’habitations pouvant être proposées comme logements de vacances mais l’infrastructure touristique a toujours une influence manifeste sur l’offre du marché résidentiel ordinaire.”

Lode Waes aussi pointe l’offre limitée comme caractéristique du marché immobilier brugeois: “On accorde relativement peu de permis à Bruges. En particulier dans le centre-ville, on est très vigilant quant à l’obligation d’accorder la densité du projet avec le bâti existant dans le voisinage. Il n’y a pas de construction en hauteur à Bruges, et certainement pas dans le centre historique. Et comme de nombreuses maisons du centre-ville sont protégées, il n’est pas facile de les diviser en unités plus petites, généralement moins chères”.

Le niveau relativement élevé des loyers à Bruges pourrait freiner la croissance du marché locatif local. D’autant plus que le choix de la location est largement lié à la problématique de l’accessibilité financière sur le marché de l’acquisition. “Les besoins de location sont plus importants dans les segments de prix inférieurs, explique Sam Bordon. En Flandre-Occidentale également, nous nous concentrons sur l’accessibilité pour la recherche d’opportunités.”

Il faut en outre remarquer que le marché locatif de Roulers, moins cher, connaît une croissance beaucoup plus rapide que celui de Bruges. A Roulers, le nombre de locataires a augmenté de 4% en deux ans, contre à peine 0,3% à Bruges. Pour Lode Waes, cela va de pair avec un rajeunissement de la population roularienne. Un rajeunissement qui se situe dans la tranche cruciale pour le marché de l’habitation des 26 à 34 ans: entre 2011 et 2020, le nombre de Roulariens de cette tranche d’âge a augmenté de 12,2%. “Ces dernières années, Roulers a eu une vraie politique de l’offre sur le marché du logement, conclut Lode Waes. De nombreux projets résidentiels ont émergé, ce qui fait que la hausse des prix est restée modeste.”

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