” Louvain n’est pas une île “

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L’administration louvaniste fait l’impossible pour que les prix des habitations restent abordables, avec l’aide du secteur immobilier notamment. La construction en hauteur est souhaitable, selon le bourgmestre Mohamed Ridouani. La construction en largeur, par contre, n’est pas une option.

Des logements à des prix abordables, tel était un des grands thèmes de la campagne électorale des candidats au fauteuil majoral de Louvain. Le nouveau bourgmestre Mohamed Ridouani (sp.a) impute les problèmes liés aux prix peu abordables à la santé florissante de la cité. ” Le logement coûte cher à Louvain, déplore-t-il. Cela tient en grande partie au succès et à l’attractivité de la ville qui accueille chaque année 800 à 1.000 habitants supplémentaires. Par ailleurs, le nombre d’étudiants croît d’année en année. L’écosystème de l’université, de l’Imec et de l’UZ attire toujours plus chercheurs internationaux et d’expatriés. ”

Il n’y a pas de solutions simples, assure Mohamed Ridouani. ” Pendant la campagne électorale, au moment des grandes promesses en tous genres, j’ai essayé de recentrer le débat sur la problématique des prix. Les autorités communales doivent faire l’impossible, dans l’intérêt des petits revenus et du groupe intermédiaire surtout. Mais tant que l’essor de la ville se poursuit à un rythme aussi effréné, je ne peux pas garantir que les prix diminueront demain. ”

Les autorités prennent cette promesse très au sérieux à en juger d’après la note de gouvernance pour la période 2019-2025. Le logement à prix raisonnable est une des 10 priorités de l’équipe au pouvoir composée de socialistes, d’écologistes et de chrétiens démocrates. La note prévoit pas moins de 90 points d’action.

TRENDS-TENDANCES. Quelles mesures auront un réel impact sur les prix immobiliers à Louvain ?

MOHAMED RIDOUANI. Je serais incapable de dire quels points d’action en particulier feront la différence. L’ensemble des mesures doit avoir pour effet de réduire la pression sur le marché du logement. Nous voulons construire un maximum d’habitations sociales pour les petits revenus. Nous avons énormément investi, ces dernières années, dans la rénovation de notre patrimoine d’habitations sociales pour les rendre conformes aux normes actuelles d’habitat durable et de qualité. Les tours de Sint-Maartensdal – soit quelque 800 unités – ont été entièrement restaurées. Le bâti neuf est une autre de nos priorités sous cette législature : nous avons l’intention de construire 618 nouvelles habitations sociales. Artois Sociaal au Vaartkom est un de nos grands projets. Louvain ne pourra jamais, à elle seule, offrir assez de logements sociaux. Pour répondre complètement à la demande, il faudrait bâtir sept Sint-Maartensdal, or nous n’avons pas la place. La collaboration avec les communes voisines est indispensable.

Tant que l’essor de la ville se poursuit à un rythme aussi effréné, je ne peux pas garantir que les prix diminueront demain. ” Mohamed Ridouani

La construction bat son plein sur le marché privé depuis quelques années et les projets ne manquent pas. Ce qui a pour effet de freiner quelque peu l’évolution des prix des appartements. Jusqu’à il y a quelques années, Louvain venait en tête des communes les plus chères pour les appartements. Nous avons maintenant rejoint le gros du peloton. Mais pour ce qui est des maisons de plain-pied, nous sommes toujours en tête. La réalité est là : vu le manque d’espaces ouverts, il est impossible de construire encore des milliers d’habitations à Louvain. La construction en largeur – lotissements et grands projets de maisons de plain-pied – n’est pas une option.

Comment faire pour proposer des logements à prix abordables au groupe intermédiaire à Louvain ?

Grâce à une batterie de mesures, une fois de plus. Nous anticipons, avec ou sans la collaboration de promoteurs immobiliers, une offre d’habitations à budget réduit, destinées aux personnes dont les revenus sont insuffisants pour accéder au marché privé mais légèrement trop importants pour avoir droit à une habitation sociale. Nous avons instauré une Community Land Trust à Louvain, un modèle emphytéotique qui permet aux acheteurs d’acquérir les briques uniquement, pas le terrain. Nous développons aussi le projet pionnier ‘t Wisselspoor derrière la gare. Le but était de construire un complexe d’appartements attractifs pour les familles, des appartements qui sont une réelle alternative à la traditionnelle maisonnette avec jardin dont rêvent les Flamands. Le résultat est impressionnant. Ils se vendent comme des petits pains.

Sint-Maartensdal
Sint-Maartensdal© BELGA IMAGE

En quoi consiste cette alternative ?

Ce bâtiment est conçu comme un empilement d’habitations. Les résidents pourront pédaler quasi jusqu’à leur porte. Ce projet parfaitement adapté aux enfants prévoit de nombreux espaces ouverts, des jardins et des appartements très spacieux dont certains dotés de quatre chambres, sans oublier des structures d’utilité commune et des lieux de rencontre. Sa situation est optimale, à un jet de pierre de la gare et à proximité de tous les services possibles et imaginables (crèche, conservatoire, académie, infrastructure sportive, etc.). Un des objectifs de ‘t Wisselspoor est de montrer aux jeunes familles qu’il est possible de vivre bien et confortablement en ville sans nécessairement habiter une maison classique avec jardin. Notre rôle consiste, entre autres, à lancer des projets que les grands acteurs du marché hésitent à promouvoir, en espérant qu’ils suivront notre exemple.

La note de gouvernance mentionne également une évaluation de la politique d’octroi de permis. Le règlement en matière de construction qui impose une superficie de 90 m2 minimum par demande de permis a-t-il encore un sens ? Les personnes isolées et les familles monoparentales représentent aujourd’hui 45% des ménages belges…

Nous sommes en train de réévaluer la situation dans sa globalité. Cette norme a démontré son utilité ces dernières années mais ce n’est pas un must absolu. Le plus important est d’assurer une certaine qualité de logement à nos résidents, en termes de superficie notamment. Fini, les studios minuscules. Il y a différentes manières d’y arriver. Nous surveillons la qualité des logements de très près. Louvain émet plus de certificats de conformité que Gand et Anvers réunis. La qualité de logement est contrôlée et améliorée en permanence dans cette ville. Nous savons aussi que les personnes isolées sont toujours plus nombreuses. C’est pourquoi nous réfléchissons actuellement à la meilleure façon de répondre qualitativement aux besoins spécifiques de ce groupe-cible.

Quels sont vos rapports avec le secteur immobilier ?

Nous entretenons des rapports professionnels. Les promoteurs immobiliers jouent leur rôle, nous jouons le nôtre. Notre rôle premier consiste à réguler : nous fixons le cadre dans lequel il est permis de construire. Nous sommes parfois aussi acteur sur le marché. Mais nous avons besoin du marché privé et des promoteurs immobiliers pour mettre notre politique de logement en oeuvre. Comme nous l’avons dit, si l’évolution des prix des appartements à Louvain a pu être tempérée, c’est grâce à notre politique de construction à tout-va de ces dernières années. Le supplément d’offre a relâché la pression sur le marché.

Les négociations avec les promoteurs immobiliers sont parfois musclées, surtout quand il s’agit de projets d’envergure et de réhabilitation de friches. Le feedback du secteur immobilier est sans équivoque : Louvain impose des normes de qualité élevées mais à bon escient, strictes mais justes. Les choses progressent à Louvain. Il nous arrive de passer des accords avec les promoteurs immobiliers. L’Hertogensite est un bel exemple. Nous avons conclu un plan d’aménagement du territoire autorisant le promoteur à concrétiser son beau projet qui présente aussi de nombreux avantages pour la ville : transformation d’un site dégradé en zone verte, remise à ciel ouvert de la Dyle, habitations sociales et à budget réduit, installations sociales, culturelles, de soins,… Un partenariat équilibré est bénéfique pour tous, et pour la communauté et pour le promoteur qui peut réaliser des bénéfices raisonnables.

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Quelle est la position de la ville en matière de construction en hauteur et de tours résidentielles ?

Louvain n’exclut pas la construction en hauteur. Pas question pour autant de créer une situation à la new-yorkaise. Pour répondre aux besoins croissants de logement, il n’y a pas d’autre solution que relever le niveau de construction. Cela permettra aussi d’endiguer la progression des prix. La seule alternative consisterait à rogner sur les espaces verts ou à mettre Louvain sous cloche. Impossible. Construire en hauteur, d’accord, mais au bon endroit et à condition de garantir une certaine qualité. On a souvent commis l’erreur dans le passé – en banlieue parisienne notamment – de construire des tours résidentielles dans des quartiers sans aucune infrastructure ni connexion au centre-ville. A partir du moment où on prévoit suffisamment d’espaces verts, de plaines de jeux, de lieux de rencontre, d’installations culturelles, etc., une tour constitue un plus pour le développement urbain.

A quels emplacements songez-vous ?

Une construction en hauteur voit le jour au Vaartkom et sur le Hertogensite prochainement. Lolanden et Casablanca, deux quartiers dominés par des blocs gris, ont été revalorisés. Idem pour Sint-Maartensdal, un quartier de tours résidentielles dans le centre de Louvain, conçues par Renaat Braem. Nous avons ouvert un centre communautaire, une école, aménagé des espaces verts… autant de petits plus qui évitent toute impression d’enfermement.

Mais Louvain n’est pas une île. Avec les collègues des communes de la région, nous réfléchissons à une approche commune pour relever le défi de la croissance démographique qui ne s’arrêtera évidemment pas aux frontières de la ville. Soit nous essayons d’y faire face de manière ordonnée, soit à la flamande comme d’habitude, c’est-à-dire de façon désordonnée, par un habitat linéaire et des lotissements sauvages éloignés de toutes les infrastructures. Je plaide pour une approche coordonnée. Nous avons lancé un projet concret : Regionet Leuven. Un plan de mobilité ambitieux pour la région qui prévoit des sites propres pour les trams et les bus, l’aménagement de véritables autoroutes cyclistes, de nouvelles gares ferroviaires et routières. De nouveaux projets résidentiels le long de ces grands axes de mobilité sont également envisageables. A l’échelle des communes, évidemment. Il n’est pas question de construire un Vaartkom à Glabbeek.

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