Les vaccins, le film ” Hold-Up ” et le virus de la méfiance

Amid Faljaoui

La fin de l’année est toujours propice aux bilans. C’est sûrement le cas avec l’arrivée prochaine des vaccins. D’ailleurs, le philosophe André Comte-Sponville nous a rappelé que les fondamentalistes verts et une bonne partie des partis de gauche nous annonçaient l’écroulement imminent du capitalisme. Bien entendu, comme ils constatent que ce n’est pas le cas, les mêmes nous disent que l’effondrement est simplement reporté au prochain virus…

Non seulement leur pronostic se révèle faux mais c’est des Etats-Unis, le pays du ” capitalisme sauvage “, que provient le plus grand espoir avec le vaccin mis au point par la société Moderna. A l’inverse du vaccin élaboré par le duo Pfizer/BioNTech, celui de Moderna ne doit pas être conservé à des températures de – 70°C. Un frigo classique fait l’affaire! Sur le plan commercial, Stéphane Bancel, le CEO de Moderna, rappelle à mes confrères du magazine Challenges, que c’est un gros atout commercial. ” Il n’y a pas de chaîne de conservation à créer. (…) Notre vaccin, vous l’injectez directement, alors que celui de Pfizer a besoin d’une dilution. Une étape qui fait perdre du temps et introduit un risque d’erreur. ”

La confiance des citoyens ne se décrète pas. Elle se mérite. Et ça, c’est le vrai chantier des politiques pour 2021.

Avec ce genre d’interview, le lecteur a compris qu’entre laboratoires pharmaceutiques, on ne se fera pas de cadeaux. Mais ça, c’est la vie économique dans sa banalité… Moi, ce qui m’a surtout frappé dans l’interview de Stéphane Bancel, c’est qu’il y affirme que si son vaccin est disponible aussi rapidement, c’est grâce aux pouvoirs publics… américains! En effet, ces derniers ont mis sur la table 2,5 milliards de dollars pour acheter et produire ce vaccin. En clair, le CEO de Moderna nous dit que c’est le gouvernement américain qui a offert les essais cliniques du vaccin Moderna à la planète. Je le cite à nouveau: ” C’est le secteur public qui a permis au privé de prendre d’énormes risques business et financiers sans faire de compromis sur la sécurité des vaccins “.

Le message subliminal est clair, à mes yeux: oui, le privé et le public peuvent travailler ensemble, comme on l’a aussi vu pour d’autres vaccins. Plutôt que fustiger un système contre un autre, le monde entier redécouvre que les deux peuvent faire bon ménage. C’est évidemment plus fin comme raisonnement que de lancer des phrases définitives et à l’emporte-pièce.

Reste encore à convaincre les réticents aux vaccins. En Belgique, en France et dans d’autres pays, une frange de la population n’y croit pas. La tentation idiote, cette fois, serait de les traiter d’illuminés ou, pire encore, de complotistes. Les multiples sondages montrent que ce serait une grave erreur de jugement. Motif? En réalité, ces personnes sont doublement et légitimement méfiantes comme l’écrit le philosophe André Comte-Sponville, ” vis-à-vis des gouvernements et vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique “. Ne cherchons pas plus loin le succès du film Hold-Up, visionné par des millions de personnes alors qu’il dure 2h40.

Pour faire simple, notre gouvernement, au-delà de l’accès gratuit aux vaccins, au-delà de la logistique nécessaire pour les distribuer, au-delà de toutes ces questions pratiques, devra répondre à la question simple mais terriblement difficile posée par André Comte-Sponville: comment combattre la maladie quand une partie de la population se méfie plus des laboratoires pharmaceutiques que du virus? Oserais-je ajouter ” quand elle se méfie plus de ses dirigeants que du virus “? La confiance des citoyens ne se décrète pas. Elle se mérite. Et ça, c’est le vrai chantier des politiques pour 2021.

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