Les taux d’intérêt négatifs, sauveurs de l’humanité?

Amid Faljaoui

En cette fin d’année éprouvante pour les nerfs de tout le monde, je voulais revenir sur un sujet qui préoccupe encore plus les Allemands que les Belges. Et ce sujet de fâcherie, ce sont les taux d’intérêt négatifs. En effet, vous savez comme moi que les rendements des comptes d’épargne sont quasi à 0% et que si on enlève l’inflation qui culmine à 7% (en novembre) en Belgique, nous avons en réalité des taux d’intérêt réels… négatifs de 7%!

Bien entendu, ça ne fait pas plaisir aux épargnants ni aux retraités, ni à toute personne qui vit de ses “rentes”. Nos voisins Allemands râlent encore plus que nous parce qu’à l’inverse de nous, ils sont souvent locataires et très peu propriétaires de leur logement. Or, qui dit locataire, dit indexation des loyers sur l’inflation.

L’autre différence, c’est qu’à l’inverse des autres citoyens de la zone euro, les Allemands sont souvent créanciers sur le plan patrimonial. Autrement dit, ils sont moins endettés que nous. Mais, hélas, leur vertu de fourmi est mal récompensée avec une épargne sans risque qui ne rapporte plus rien à cause des taux d’intérêt bas et de l’inflation qui rogne le maigre rendement.

Régulièrement le Bild”, le quotidien populaire le plus lu en Allemagne (3 millions d’exemplaires) fustige Mme Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), jugée responsable de cette politique “d’euthanasie des épargnants”. Le Bild a même publié une photo en première page de Mme Lagarde en écrivant: cette dame habillée en tailleur Chanel fait du mal à nos épargnants et à nos retraités!

Si les taux d’intérêt devaient grimper, la seule autre solution pour financer les transitions écologique et digitale serait d’augmenter les impôts.

D’abord, cette dame, comme ils l’écrivent, n’est pas à l’origine du problème des taux d’intérêt négatifs puisqu’ils existent depuis 2012-2013, date de la crise de la dette publique en Europe. Et la pauvre Christine Lagarde n’était pas à la BCE à cette époque. Ensuite, comme le faisait remarquer l’économiste français Jean-Pierre Petit des Cahiers verts de l’économie, c’est vrai qu’avoir des taux d’intérêt réels négatifs ne fait plaisir à personne. Mais on n’a pas le choix selon lui!

D’ailleurs, en ce moment, que ce soit au niveau européen, fédéral et même régional, tous les gouvernements ont lancé des plans de relance à coup de dizaines ou centaines de milliards d’euros. Le plus souvent, ces plans visent à accélérer la digitalisation de nos entreprises, de nos écoles et de nos administrations, mais surtout à financer la transition énergétique nécessaire au sauvetage de notre planète.

Mais reconnaissons-le, tous ces plans de relance ne sont possibles que parce que les taux d’intérêt sont très bas et permettent aux Etats de s’endetter pour assurer l’avenir. Pourrait-on imaginer ces plans de relance avec des taux d’intérêt positifs de 3 ou 4%? La réponse est non selon Jean-Pierre Petit.

Motif? Si les taux d’intérêt devaient grimper, la seule autre solution pour financer ces transitions écologique et digitale serait d’augmenter les impôts. Autant dire que ce serait la révolution sociale et l’arrivée automatique de partis radicaux au pouvoir. En résumé de cette gentille digression, c’est vrai qu’à l’arrivée, les taux d’intérêt négatifs sont mauvais pour l’épargnant et les retraités. Mais les plus cyniques diront que c’est en quelque sorte le prix à payer pour la paix sociale et surtout pour ne pas laisser une planète dégradée à nos enfants ou petits-enfants.

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