Dans le Namurois, les maisons sont un must pour garder les familles

© Debby Termonia

La périphérie namuroise a le vent en poupe. Elle profite d’un dynamisme quelque peu en berne dans le centre-ville et d’une volonté des édiles locaux de multiplier les projets de maisons. De quoi voir éclore des projets en tous genres. Comme à Erpent, entité de plus en plus recherchée.

Les villas quatre façades s’alignent les unes à côté des autres. Un lotissement typique des années 1970 et 1980 où l’architecture était d’ailleurs loin de figurer en tête de gondole des priorités. Et où l’obsolescence énergétique semble déjà programmée à court terme. Un quartier qui se complaît en tout cas dans une quiétude certaine en cet après-midi ensoleillé du mois de juillet, d’autant que les écoliers voisins sont tous en vacances. Ce n’est pas le commercial du projet immobilier du Plateau d’Erpent, jambes croisées sur le bureau de son container de fortune installé à l’entrée du chantier, qui va démontrer le contraire.

En contrebas, sur un vaste terrain de 10 hectares situé sur les hauteurs de Namur, au coeur du village d’Erpent, l’activité bat pourtant son plein. Les grues et pelleteuses s’activent pour construire d’ici l’été 2020 la première phase de ce projet de 30 maisons et 142 appartements mené par Immobel et Thomas & Piron. Près de 140 maisons suivront encore. Un lotissement d’un nouveau genre (parc public arboré, arbres fruitiers, potager, maison de quartier, circulation limitée à 30 km/h, prédominance des piétons et cyclistes) qui doit contribuer à diversifier l’offre immobilière namuroise. Et confirmer cette tendance à développer dorénavant davantage de maisons, de manière à maintenir des familles en ville. La poussée de fièvre de l’appartement devant être quelque peu freinée ces derniers temps, d’autant que les permis tardent à être délivrés pour les projets situés dans le centre-ville namurois.

” La volonté n’est vraiment pas d’aller à l’encontre des politiques d’aménagement du territoire qui visent à densifier les centres et à rapprocher les futurs habitants des lieux de service, explique Stéphanie Scailquin (cdH), échevine namuroise de l’Urbanisme. Il s’agit davantage d’un ajustement. Notre schéma de développement communal adopté en 2012 délimitait déjà les zones où la construction de maisons était souhaitée. Il s’agit donc en quelque sorte d’un rééquilibrage de l’offre. Car tout le monde ne souhaite pas habiter dans un appartement. La maison fait encore rêver. Erpent, Belgrade et Flawinne font par exemple partie de la classe C qui privilégie la construction de maisons. Outre le fait de demander des appartements de trois chambres dans le centre-ville, le collège communal souhaite donc également favoriser l’offre de maisons de manière à garder des familles à Namur. Et puis le développement plus réfléchi de ces nouveaux lotissements réalisés par un seul acteur permet également d’avoir une meilleure vue d’ensemble sur tout un site et une meilleure homogénéité. C’en est fini de voir un lotisseur vendre chaque parcelle de terrain à des quidams qui pouvaient multiplier les constructions différentes les unes à côté des autres. Avec quelques mauvaises surprises à la clé. ”

Ramener des piliers de quartier

Une chose est sûre : les projets se multiplient actuellement dans la proche périphérie du centre-ville. Outre sur le plateau d’Erpent, on retrouve des projets de maisons au Domaine de Géronsart à Jambes, sur un site de huit hectares situé entre les rues Antoine Nélis et Marcel Gourdin à Belgrade (103 maisons par Thomas & Piron Home), à Malonne, rue du Petit Bambin (27 maisons par Thomas & Piron) ou encore à Bouge, rue de la Poteresse (68 maisons et quatre immeubles d’appartements par Matexi). Sans oublier de plus petits projets à Flawinne, Wierde ou Wépion.

” Il est vrai que ces derniers temps la politique communale est davantage tournée vers la construction de projets de maisons unifamiliales, explique Sébastien Ladouce, adjoint de direction en charge de la prospection et du développement chez Thomas & Piron Home. Je ne vais pas m’en plaindre. Il y a peu, nous étions encore dans une configuration exclusivement axée sur les appartements. Aujourd’hui, on le voit avec notre projet de Belgrade qui compte 102 maisons et 72 appartements, nous sommes vraiment soutenus par la Ville, qui nous demandait également d’avoir des styles architecturaux différents mais construits d’une manière homogène. Si les développements restent compliqués (Belgrade a mis 10 ans avant le dépôt de la première demande de permis, Ndlr), ils marquent un tournant dans la stratégie communale. L’objectif actuel est de ramener des piliers dans les quartiers et de favoriser les liens intergénérationnels. Comme par exemple le jeune couple qui travaille. Il s’agit d’un profil plus ‘stable’. Pour les appartements, le public cible est plus nomade. ”

Si les derniers projets d’envergure chez Thomas & Piron comprenaient environ 30% de maisons, cette proportion grimpe aujourd’hui à plus de 50%.

Une tendance qui se traduit d’ailleurs dans les développements récents. Un exemple, chez Thomas & Piron : si les derniers projets d’envergure comprenaient environ 30% de maisons, cette proportion grimpe aujourd’hui à plus de 50%. Une tendance qui va quelque peu à l’encontre des préceptes d’aménagement du territoire lancés ces derniers mois en Wallonie. Mais qui peut se comprendre tant les esprits baignent dans le modèle classique de la maison quatre façades depuis plus de 50 ans. Un modèle qu’il faut donc faire évoluer avec le temps. ” Le positionnement a toutefois déjà évolué car on voit une multitude de maisons neuves de deux et trois façades actuellement, fait remarquer le notaire David Remy, dont l’étude est située à Fernelmont. Les acquéreurs ne sont plus nécessairement attachés à la quatre façades. Il s’agit quand même d’un pas en avant et d’une certaine ouverture d’esprit. Sur le plan énergétique, c’est un plus. Et les prix de ces maisons ne sont finalement pas beaucoup plus élevés qu’un appartement. ”

Un son de cloche que l’on a régulièrement entendu ces derniers temps : actuellement, à Namur, la différence entre le prix d’un appartement et d’une petite maison est minime. ” Et dans ce cas-là, quand il est possible d’avoir un petit jardin pour ses enfants au même prix qu’un appartement, peu de familles hésitent, lance Pierre Closon, administrateur délégué de l’agence immobilière Trevi Closon. Les maisons de deux et trois façades connaissent donc depuis quelques mois un succès grandissant. C’est indéniable et cette tendance ne devrait pas s’essouffler, d’autant que les projets sont nombreux. Ajoutons que contrairement à l’appartement, il s’agit d’un produit qui est principalement destiné à des propriétaires occupants. Il y a très peu de maisons à louer. ”

Un constat que partage Paul de Sauvage, l’administrateur délégué du promoteur Actibel, qui complète : ” C’est d’autant plus vrai que j’estime que seuls les appartements du centre-ville qui possèdent un parking peuvent être attractifs pour des familles. Et si elles ne trouvent pas leur bonheur, elles ont alors la possibilité de se tourner vers une petite maison à Salzinnes, Bouge, Belgrade, Jambes ou Erpent. ”

Plateau d'Erpent
Plateau d’Erpent© Debby Termonia

Salzinnes, Géronsart et Erpent en haut de l’affiche

Si on se penche sur les prix de l’immobilier, on voit que l’appartement neuf se vend en moyenne à 247.000 euros (pour une superficie moyenne de 89 m2), selon les dernières statistiques du bureau d’expertise immobilière de Crombrugghe & Partners. Et ce alors que le prix des maisons mitoyennes est sensiblement le même. ” Il s’élève en moyenne à 230.000 euros pour une maison, précise Pierre Closon. Il y a certaines différences liées à la localisation. Il faudra compter 50.000 euros de plus pour une maison à Erpent par rapport à Belgrade, qui est en quelque sorte un quartier en reconstruction. L’attrait pour le centre-ville et la pression foncière qui en découle permettant d’avoir des prix moins élevés en périphérie. ”

Cette situation permet en tout cas d’avoir une meilleure répartition de l’offre de logements, entre maisons et appartements. ” On sent en tout cas aussi une pression immobilière venant du Brabant wallon, ajoute David Remy. Ceux qui ne peuvent obtenir une maison trois ou quatre façades dans cette province ‘descendent’ à La Bruyère ou à Rhisnes. Ce qui fait grimper les prix. Aujourd’hui, tous les quartiers périphériques ont la cote. Surtout ceux qui sont situés le long des voies d’accès. Et des quartiers comme Bomal, en plein renouveau, vont suivre également. Le dessus de Beez est encore accessible. On peut y trouver une maison ancienne de 10 ares pour 200.000 euros. Alors qu’à Jambes, ce n’est même pas le prix d’un appartement. Salzinnes reprend du poil de la bête. Géronsart décolle littéralement, ce que je n’aurais jamais prédit il y a cinq ou six ans. Le centre d’Erpent est devenu quant à lui impayable pour certains. ”

Vers la fin des villas anciennes

Si les réserves foncières ne sont plus illimitées, et que les tendances d’aménagement du territoire visent la fin de l’étalement urbain, cela ne semble pas inquiéter les observateurs du marché namurois. ” Les démolitions/reconstructions sont dorénavant privilégiées, poursuit David Remy. Cette situation va d’ailleurs mener en quelque sorte à un double marché immobilier avec, d’un côté, un attrait pour les maisons neuves et, de l’autre, une chute de prix pour les villas des années 1960, 1970 et 1980. La rénovation coûte plus chère qu’auparavant. Ce qui va faire que les candidats acquéreurs vont se détourner de ce type de bien. ”

Un constat partagé chez Thomas & Piron, le principal acteur namurois en la matière. Si les ventes de maisons sont stables ces dernières années, et même en sensible hausse ces derniers mois, Sébastien Ladouce sait que sa mission devra être réorientée à l’avenir : ” Je devrai davantage me concentrer sur des projets de revitalisation urbaine. Un travail qui sera un peu différent puisqu’il s’agira de développer des projets de maisons en centre urbain “. Pour l’aider, lui et les autres promoteurs, la Ville de Namur a lancé il y a peu un inventaire des terrains qui sont encore urbanisables, de même que les zones à réhabiliter. Un outil qui sera disponible d’ici quelques mois et qui devrait permettre de baliser les prochains développements en la matière.

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