Les jeunes et les trous dans la raquette

Amid Faljaoui

Les restaurateurs sont sur les genoux mais ils vont enfin pouvoir ouvrir dans des conditions plus dignes et plus rentables. Quant aux salariés du privé et aux fonctionnaires, ils vont quitter lentement mais sûrement le télétravail à temps plein pour un mode de travail hybride. Bref, la vie d’avant ou presque va reprendre lentement ses droits pour une bonne partie de la population. Sauf pour les indépendants les plus fragiles et pour les jeunes, véritables trous dans la raquette des différents plans de relance ou de soutien.

Lorsqu’il avait souhaité ses voeux pour 2021, l’excellent journaliste français David Abiker préconisait d’écouter les ados quand ils parlent entre eux pour ne pas sombrer dans le pessimisme de l’âge. La raison? Les ados ne disent jamais “c’était mieux avant”. Bien vu, hormis que la remarque n’est, hélas, plus d’actualité. D’ailleurs, parler des “jeunes” ne veut rien dire, c’est une paresse intellectuelle.

En réalité, il y a au moins trois catégories de jeunes laissés pour compte. D’abord, les étudiants qui travaillent pour payer leurs études – ou plutôt travaillaient, lorsque l’horeca était encore leur débouché naturel. C’est clair, ces jeunes, il faudra les aider en priorité pour leur éviter de sombrer dans la mendicité. La deuxième catégorie, ce sont ceux et celles qui, par malchance, sont arrivés sur le marché du travail au pire moment. Et comme ils ou elles étaient engagés sous contrat d’intérim, ils ont été parmi les premiers à passer à la trappe. Parfois même sans avoir droit au chômage faute d’avoir travaillé assez longtemps.

C’est une constante historique: après chaque crise importante, le chômage explose et les nouveaux diplômés entrent sur le marché de l’emploi avec un salaire plus bas.

Et puis n’oublions pas la troisième catégorie de jeunes, la cohorte de diplômés qui postulera en septembre et se retrouvera face à un marché de l’emploi non pas gelé mais beaucoup plus difficile. Il ne faut pas être grand devin pour comprendre que les emplois CDI seront moins nombreux que les CDD. Et qu’étant donné le choix disponible du côté de la demande, les salaires seront naturellement poussés à la baisse. Les sociologues appellent ce phénomène “l’effet cicatrice”.

C’est une constante historique: après chaque crise importante, le chômage explose et les nouveaux diplômés entrent sur le marché de l’emploi avec un salaire plus bas. Et s’ils accomplissent une carrière assez linéaire, ce différentiel salarial, ils le supporteront hélas jusqu’à l’âge de la pension, d’où l’expression “effet cicatrice”.

J’en parle avec beaucoup d’émotion, car je suis en train de lire le livre de Jordan Peterson (*), l’un des intellectuels les plus influents du moment. Docteur en psychologie et professeur à l’université de Harvard, il nous rappelle que notre jeunesse occidentale n’est certes pas gâtée sur le plan économique, mais non plus sur le reste. En effet, dit-il, on lui inocule de la culpabilité à haute dose lorsqu’elle est blanche, et autant de ressentiment quand elle appartient aux minorités. Avouez que comme bagage pour démarrer la vie, il y a mieux. Nettement mieux.

(*) “12 nouvelles règles pour une vie au-delà de l’ordre”, Michel Lafon, 395 pages, 19,95 euros.

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