Les grèves en France ? Du pain béni pour doper le salariat… autonome

Amid Faljaoui Rédacteur en chef de Trends-Tendances

Jean-Marc Vittori, l’éditorialiste vedette du quotidien économique français Les Echos, a raison. Les grands changements sociétaux empruntent parfois des chemins biscornus avant de s’imposer à nous dans leur nouvelle évidence. Les historiens qui se pencheront demain sur les conséquences des grèves massives en France contre la réforme des retraites apprendront que la flexibilité en entreprise et le télétravail ont pris leur essor à la suite de la trop longue paralysie du pays.

Les employeurs de l’Hexagone, aidés en cela par les médias, redécouvrent en effet aujourd’hui qu’ils ont à leur disposition des outils technologiques merveilleux permettant à leurs employés de rester chez eux tout en travaillant pour l’entreprise. En Belgique, les problèmes de mobilité, en particulier à Bruxelles et à Anvers, ont eu la même résonance auprès des entreprises : pourquoi ne pas faire davantage appel au télétravail et pas seulement les jours de grève ? Après tout, si au 20e siècle, nous avons pu constater l’essor du salariat masculin, puis du salariat féminin, est-il saugrenu d’imaginer que, demain, la solution aux embouteillages et au réchauffement climatique soit le salariat… autonome ?

La génération qui arrive au pouvoir ne voudra plus des anciens modes de travail. Les plus jeunes veulent consommer le travail comme ils consomment des biens et des services.

Pourtant, en dépit de l’évidence de cette tendance, les entreprises, les employés et les syndicats restent encore en partie prisonniers des anciens schémas de travail en communauté. La preuve ? En Belgique, 17% des employés pratiquent le télétravail alors qu’ils pourraient être 42% à le faire. Les raisons de cette timidité ? Du côté des employés, c’est la crainte de perdre le contact avec leurs collègues, la peur de l’isolement et souvent aussi du syndrome ” loin des yeux, loin du coeur “, et donc la frousse de rater d’éventuelles augmentations et autres bonus. Sans même parler de la peur sourde de ne plus pouvoir sauvegarder une séparation étanche entre vie privée et professionnelle.

Les employeurs, surtout les PME et les TPE, sont aussi parfois réticents même si des progrès notables sont enregistrés. Les deux écueils à l’essor du télétravail côté entreprise ? Le manque de confiance, en premier lieu. ” Qui nous dit que le travailleur ne va pas être connecté sur YouTube au lieu de bosser ? “, pourrait être la question non formulée des plus réticents à cette nouvelle forme d’organisation du travail. L’autre écueil émane parfois des cadres, du middle management comme on dit dans les grandes entreprises. Déjà qu’aujourd’hui, cet échelon intermédiaire a du mal à trouver sa place dans l’entreprise (hiérarchie plus aplatie et plus tendue) mais, demain, ces mêmes cadres surmenés devront faire face à des open spaces vides certains jours de la semaine. Or, comme la nature, la hiérarchie a horreur du vide.

En filigrane, il y a bien entendu l’inquiétude de voir leur utilité être remise en cause. Pourtant, le middle management a beaucoup à gagner de ce nouveau mode de travail, ne serait-ce que parce qu’il sera synonyme de moins de réunions inutiles. Réunions dont les cadres sont d’ailleurs les premiers à se plaindre. En revanche, c’est vrai, ils devront se réinventer et accepter – comme les études l’indiquent – que le télétravailleur est moins stressé, plus performant.

De toute façon, il n’y aura plus le choix, la génération qui arrive au pouvoir ne voudra plus des anciens modes de travail. Les plus jeunes veulent consommer le travail comme ils consomment des biens et des services. En d’autres mots, le mantra dans l’entreprise de demain sera : ” je travaille quand je veux, où je veux et avec qui je veux “. La question posée aux entreprises est donc claire : comment faire vivre une culture d’entreprise ” hors les murs ” ? Mais, bonne nouvelle, les nouvelles technologies rendent ce défi gérable. Très gérable.

Nos meilleurs voeux pour l’année à venir.

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