Les audaces de Gaasbeek

" Speaking In Tongues ", Thomas Lerooy © PH. CORNET

Avec l’exposition ” Vanity Fair “, le château du Pajottenland, à l’ouest de Bruxelles, juxtapose le travail largement reconnu de Félicien Rops à celui du jeune Flamand Thomas Lerooy. Ravissement.

L’exposition démarre dès le jardin, devant la porte d’entrée du château : une imposante sculpture de bronze représentant une tête d’homme qui pourrait être celle de Léopold II jeune. Sa position – à même le sol – suffirait déjà à se questionner si elle n’était accompa-gnée d’un corps disproportionné, ridicu-lement petit, les fesses à l’air. Cette composition est de la main incongrue et fertile de Thomas Lerooy, né à Roulers en 1981, vivant et travaillant à Bruxelles. La pièce incarne d’emblée le thème choisi par Gaasbeek, inspiré de La foire aux vanités de William Thackeray, critique satirique de la societé britannique du 19e siècle et clin d’oeil au fameux magazine américain Vanity Fair.

” La dame au cochon “, Félicien Rops© PG

Une fois à l’intérieur du château, toujours dans ces ambiances légèrement hantées, en boiseries et tons carmin, la verve de Thomas Lerooy se met à côtoyer celle de Félicien Rops (1833-1898). Les dessins et peintures de l’artiste namurois portent toujours en eux un mix détonant d’humour, d’érotisme et de symbolisme tourmenté : d’un trait virtuose, il titre des petits formats qui obligent le visiteur à s’en rapprocher pour en découvrir toute la force critique et les détails caustiques. Des pièces plus larges ont également trouvé leur place, comme cette Tentation de Saint-Antoine ou cette Dame au cochon dont on imagine le scandale qu’elles ont pu causer dans la seconde moitité du 19e siècle ! Elles n’ont rien perdu de leur charme décalé au pouvoir corrosif. Ce coquin travail affiché au mur ou précautionneusement mis dans des armoires vitrées voisine les créations de Thomas Lerooy qui, elles aussi, fractionnent le réel de manière poétique.

Quelques peintures/dessins, mais surtout un travail en trois dimensions, jouent d’une volonté de reconstruire et défier la normalité. Celle du corps en particulier, par exemple dans Embrace, bronze d’envergure qui prend des allures contorsionnistes, ou Speaking In Tongues, figure d’un jeune homme antique percée d’une trentaine de bouteilles en verre. L’incongruité de Lerooy plus celle de Rops ? De curieux et merveilleux rêves éveillés.

” Vanity Fair “, au château de Gaasbeek (Lennik) jusqu’au 10 juin. www.kasteelvangaasbeek.be

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