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Le rendement attendu des agents du fisc

Le ministre des finances a précisé, suite à une question parlementaire, que l’on attend des agents de l’administration fiscale qu’ils établissent des impôts à concurrence de 750.000 euros par semestre, et qu’ils en perçoivent effectivement 125.000 euros par semestre.

Les journaux en ont déduit, peut-être un peu rapidement, qu’il était exigé de chaque agent du fisc qu’il rapporte, en termes d’enrôlements (c’est-à-dire d’impôts réclamés) 1.500.000 euros par an et 250.000 euros effectivement payés.

Certains ont néanmoins précisé que cela ne donnait lieu à aucune ” évaluation individuelle “, ce qui pourrait laisser entendre qu’il n’est jamais attendu d’un contrôleur précis qu’il rapporte effectivement ce montant, l’appréciation pouvant se faire à un niveau plus élevé, dans le cadre d’un service, ou de l’ensemble d’une administration.

Il s’agit là, évidemment, de questions tout à fait différentes. Si l’on met la pression sur un fonctionnaire précis pour qu’il rapporte un certain montant, il faut en attendre des dérives particulièrement graves, comme l’a relevé à juste titre le député Ahmed Laaouej, lui-même ancien inspecteur du fisc : un fonctionnaire poussé à faire du chiffre pourrait s’attaquer à des proies faciles plutôt qu’à des dossiers complexes.

La question est différente si on l’apprécie au niveau d’un ensemble de fonctionnaires, traitant à la fois des dossiers de petits contribuables ne se défendant pas et de grosses entreprises disposant de services fiscaux compétents. Il s’agit alors, tout simplement, d’évaluer la question de savoir si ce service a un rendement suffisant.

Il est normal que toute organisation, y compris un ministère, dispose de moyens d’évaluer la qualité de ses services. Si le rôle d’un service est de faire payer des impôts, il est logique qu’un des éléments à prendre en considération dans l’appréciation de son utilité est le montant des impôts qu’il a réclamés. Et un autre peut être également celui des impôts effectivement payés, la différence entre les deux pouvant laisser entendre qu’il réclame des impôts injustifiés, contre lesquels les contribuables exercent des recours, ou encore qu’il réclame des impôts à des personnes insolvables, ce qui ne sert à rien.

Les agissements d’agents trop zélés nuisent à la réputation de leurs administrations, amènent des contribuables à se méfier de l’Etat, voire à ” se venger ” de leurs déboires en fraudant le fisc.

On ne doit donc pas critiquer le fait que le SPF Finances entende vérifier si les moyens dont il dispose, soit un nombre de fonctionnaires particulièrement important, sont correctement utilisés. La question serait différente s’il s’agissait d’exiger précisément de chaque agent du fisc, quels que soient les dossiers qu’il traite, un rendement précis. On comprend alors que les contribuables modestes de régions paupérisées auraient des soucis à se faire parce qu’ils risqueraient de faire face à des fonctionnaires mis sous pression pour réclamer des taxes discutables pour faire du chiffre sur le dos de personnes n’en ayant pas les moyens.

On espère aussi qu’il existe d’autres critères que des montants purement nominaux d’impôts réclamés ou payés. Le rôle des agents du fisc n’est, en effet, pas seulement de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat, mais aussi de percevoir des impôts conformément à la loi, et à des règles de procédure administrative précises. Il serait par conséquent normal que l’administration veille, cette fois sur le plan individuel, au respect strict des règles en la matière.

S’il advenait que certains fonctionnaires, par exemple dans le but d’impressionner leurs supérieurs ou par pure idéologie (” faire payer les riches “), précisément en ” faisant du chiffre “, réclamaient des impôts manifestement injustifiés, ou évaluaient leur montant de manière systématiquement exagérée, l’administration devrait considérer qu’il s’agit d’un préjudice important pour l’Etat. En effet, de telles situations donnent lieu à des recours qui obligent l’administration à utiliser une part importante de ses moyens pour statuer sur des réclamations, ou encore pour se défendre en justice. Cela entraîne également une surcharge pour les tribunaux, également préjudiciable pour l’Etat, et, lorsque les impôts réclamés sont injustifiés, des frais de justice à charge du Trésor.

Indirectement, les agissements d’agents trop zélés nuisent, aussi souvent de manière injustifiée, à la réputation de leurs administrations, amènent des contribuables à se méfier de l’Etat encore davantage qu’il ne le mérite, voire à ” se venger ” de leurs déboires tout simplement en fraudant le fisc.

Il serait intéressant que les administrations fiscales fassent connaître à la population la manière dont elles exercent un contrôle sur l’ensemble de leurs fonctionnaires, non seulement en termes de rendement, mais aussi à propos des autres critères qui, spécialement dans un service public, devraient être pris en considération.

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