“Le plus dur a été de refuser des offres”

Kevin Vermeulen, Antoni Di Filippo et Dominique Pellegrino, fondateurs de la plateforme Vertuoza. © pg

Cette jeune start-up carolo spécialisée dans les technologies pour la construction s’est récemment distinguée par la rapidité et l’ampleur de sa levée de fonds. Mais sa direction a manifestement dû freiner les ardeurs des investisseurs. Coulisses…

Une entreprise belge bâtie par une équipe aguerrie d’entrepreneurs, experts de la construction et des produits SaaS.” C’est en ces termes flatteurs qu’Alban Oudin, venture capitalist pour le fonds d’investissement française XAnge, décrit la petite société dont il rejoint les actionnaires: Vertuoza. Pour mémoire, cette start-up constituée en novembre 2019 a clos son premier tour de table il y a deux semaines à peine, signant pour son secteur de la contech (technologies dans la construction) une levée de fonds record de 1,2 million d’euros.

Le secteur de la construction a besoin que nous allions plus loin, plus vite.” Dominique Pellegrino, cofondateur et CEO de Vertuoza

Forte de son ERP “intuitif” prenant en charge tous les aspects clés des activités, Vertuoza aide les professionnels du bâtiment à se concentrer sur les éléments pertinents susceptibles de générer plus d’affaires. Par exemple délivrer des devis rapides et précis, optimiser la gestion des ressources et des projets, ou mieux contrôler ses finances. “Vertuoza permettra à chacun sur ce marché d’être plus efficace et rentable grâce à des outils numériques innovants qui ne cessent de s’améliorer au fil du temps”, estime le capital-risqueur. Il faut dire que l’équipe a rapidement affiché des taux de croissance “étonnants” et des taux de satisfaction et de fidélisation de la clientèle “solides”.

“Comme Odoo l’a prouvé, la Belgique est une terre favorable pour faire grandir des licornes mondiales. Nous sommes sûrs que Vertuoza suivra le même chemin”, prédit le fonds XAnge.

Enrichissant… humainement

Jusqu’au dernier moment précédant la décision, malgré de belles propositions devant les yeux, les associés de la start-up ont hésité: devaient-ils construire leur succès sur leurs fonds propres et leurs revenus ou passer par la levée de fonds? Tout s’est ensuite déroulé très vite vite, entre le premier pitch début mars et les propositions d’accord de financement dès le mois de mai.

“C’est quasiment la première fois que nos invests montent dans une boîte qui fait déjà des bénéfices, sourit Dominique Pellegrino, cofondateur et CEO de Vertuoza. Nous avions plutôt besoin de cet argent pour accélérer notre croissance. Car jusqu’ici, en bon père de famille, nous faisions attention aux moindres dépenses. Nous nous posions énormément de questions, sur les recrutements par exemple. Mais nous estimons que le secteur de la construction a besoin que nous allions plus loin, plus vite.”

Cet ancien directeur commercial de chez Easi, où il a oeuvré pendant 15 ans au succès du CRM et du logiciel de comptabilité pour entreprises de taille moyenne, avoue toutefois que les négociations de levée de fonds constituaient une vraie nouveauté pour lui. “C’était une aventure grisante. Même si cela vole des heures de sommeil. J’ai dû élaborer une dizaine de versions de pitchs en fonction de la réaction des interlocuteurs. C’est itératif. Alors aujourd’hui, on se dit que si on doit mener une série A, on sera super bons.”

“Nous avons déjà fortement grandi en tant qu’entreprise grâce à cette expérience, se réjouit Dominique Pellegrino. Nous avons mené une introspection sur nos propres métriques, notre propre organisation. Cela nous aussi offert du recul sur ce qui avait été accompli. Et quand des externes mettent l’accent sur ces accomplissements, cela confirme que vous allez dans la bonne direction.”

Choisir, c’est renoncer

Tous les investisseurs potentiels n’ont évidemment pas exprimé les mêmes appréciations, ne disposant pas de sensibilités, réserves ou ambitions identiques. Mais Vertuoza s’est rapidement retrouvée face à trois propositions. La première émanait d’un investisseur flamand, la suivante était soumise par un gros invest siégeant à Berlin, et puis, il y a eu celle de fonds français, proposée notamment par XAnge et des business angels tels que Thibaud Elzière (efounders) et Eduardo Ronzano (Keldoc).

“On trouvait que cette dernière association fonctionnait bien. Et on trouvait ça génial que des entrepreneurs à succès veuillent investir chez nous, avoue Dominique Pellegrino. Mais il y avait aussi W.IN.G de la SRIW. L’ancrage local et le partenaire wallon nous intéressaient évidemment. Nous sommes fiers d’être une entreprise belge et wallonne.”

Vertuoza a pourtant dû éconduire certaines de ces marques d’intérêt. Les fonds belge et allemand précités, mais également d’autres qui voulaient suivre. Des fonds en France, ainsi que des business angels. “A la base, nous ne visions qu’1 million d’euros. Puis, il y a eu des enchères et surenchères. Ce qui n’était certainement pas dérangeant pour nous mais nous ne voulions pas trop diluer le capital”, recontexualise le CEO. Le plus dur a été de dire non. D’appeler des personnes avec lesquelles on avait partagé plusieurs rencontres, qui avaient été géniales et leur dire ‘ce n’est pas vous’… Cela fait partie du jeu mais ce n’est jamais agréable de rejeter quelqu’un qui croit en votre projet.”

Alban Oudin (XAnge)
Alban Oudin (XAnge)© PG

Numérisation nécessaire

La suite est connue: l’opération séduction s’est ponctuée d’un franc succès. Une réussite due, selon le CEO, à la position unique de sa start-up: interfaces claires et efficaces du SaaS, zéro euro d’installation requis pour l’infrastructure, zéro compétences IT nécessaire pour gérer les solutions et une prise en main ultra- simple. Mention également au tone of voice, la manière dont l’entreprise communique avec son public cible. Celui de Vertuoza se révèle totalement adéquat puisque le concept a mûri au sein même d’une société de construction avant d’être proposé comme solution à part entière.

Nous sommes sûrs que Vertuoza suivra le même chemin qu’Odoo.” Alban Oudin (XAnge)

On le sait, la contech a enregistré cette année des succès retentissants. Il suffit de penser à l’entrée en Bourse de l’entreprise californienne Procore, valorisée quelque 11 milliards de dollars. Mais les acteurs de ce volet techno de la construction ont tendance à s’occuper de grands projets, là où l’ambition de Vertuoza consiste d’abord à aider les PME, qui sont légion. “75.000 en Belgique, 500.000 en France, 4 millions en Europe”, inventorie Dominique Pellegrino pour souligner le considérable potentiel de sa start-up. Des entrepreneurs généraux, couvreurs, peintres, chauffagistes, électriciens, menuisiers, plombiers qui, dans leur grande majorité, ne sont toujours pas numérisés. “Ces PME souffrent d’un manque de transparence et de vision pour déterminer quels projets sont rentables ou non. Avec une solution verticale telle que Vertuoza, ces clients accèdent à une plateforme faite par et pour l’écosystème de la construction”, confirme Alban Oudin, de XAnge.

Propulsée par ces capitaux frais, la solution carolo sera très prochainement disponible au-delà des frontières belges. Malgré quelques spécificités locales (langue, fiscalité, réglementation), les besoins des PME de la construction se révèlent en effet assez identiques partout dans le monde. Le début d’un cycle vertueux?

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