Le patron de Danone licencié par un prix Nobel mort en 2006

Amid Faljaoui

Tandis que nous parlons encore de la dangerosité potentielle ou non du vaccin d’AstraZeneca, c’est un coup de tonnerre qui a éclaté chez Danone durant le week-end dernier. Emmanuel Faber, son PDG, a été remercié par le conseil d’administration sans trop de ménagement. En réalité, le patron de Danone n’a pas été remercié par ses administrateurs mais a été dégommé par Milton Friedman. “Milton, qui?”, s’interrogeront nos plus jeunes lecteurs. Milton Friedman, un petit bonhomme (1,50m) décédé en 2006 et considéré comme l’un des plus grands économistes du 20e siècle. Mathématicien défroqué, il a d’ailleurs été récompensé par un prix Nobel d’économie.

Un patron qui devient la coqueluche des médias avec de beaux discours sociétaux a intérêt à présenter des chiffres en concordance avec sa surface médiatique. Sinon, c’est le C4 assuré.

Auteur prolifique, Milton Friedman expliquait durant les années 1970 que la seule vocation sociale de l’entreprise, c’est de faire du profit pour ses actionnaires. Avec son sourire habituel, il expliquait que le patron d’une multinationale reste un employé des actionnaires salarié, même si ce dernier gagne des millions d’euros ou de dollars en salaire annuel. En clair, tous ces discours sympathiques sur la vision sociale et environnementale des sociétés, il n’est pas contre. D’ailleurs, il ne demandait d’ailleurs pas au patron d’être un sans-coeur. Non, il estimait même que c’était une bonne chose qu’un dirigeant d’une grande entreprise s’intéresse à des causes sociales ou environnementales. Mais selon lui, ce dirigeant doit le faire durant son temps libre, avec son argent et pas celui de ses actionnaires et employés.

Pourquoi rappeler ce petit moment d’histoire? Parce que l’actuel patron de Danone avait osé dire publiquement à ses employés il y a un an ou deux qu’ils venaient de déboulonner la statue de Milton Friedman. La raison de ces accents lyriques? Emmanuel Faber venait d’avoir un vote positif de 99,42% de ses actionnaires après sa transformation des statuts de Danone en “entreprise en mission”. Une première pour une entreprise du Cac 40. Autrement dit, Faber avait eu l’impression que tous ces actionnaires avaient plébiscité sa vision et lui avaient donné carte blanche pour la nouvelle mission sociétale de Danone.

Avec l’aide de Pascal Lamy, l’ancien patron de l’OMC, et ne doutant de rien, Emmanuel Faber s’était fixé comme objectif “d’améliorer la santé, préserver la planète, construire le futur avec ses équipes et promouvoir une croissance inclusive”. Bigre, rien que ça! Le souci, c’est que c’est bien de préférer la paix à la guerre, l’été à l’hiver, mais encore faut-il avoir des résultats. Et le gros “hic”, c’est que le cours de Danone a dévissé sous son règne. Pire encore, les résultats de Danone se sont révélés moins bons que ceux des concurrents comme Nestlé ou Unilever.

Ni une, ni deux: certains actionnaires activistes ont rappelé au patron de Danone qu’avant de sauver la planète, il devait s’occuper de sa propre boutique et de sa comptabilité, sauf à penser que Danone est une ASBL, ce qui leur aurait échappé. Après quelques mois de discussion et de tensions en interne, Emmanuel Faber a donc été remercié sans ménagement. Deux leçons provisoires à tirer de cette éviction par la petite porte: primo, les actionnaires n’ont visiblement pas encore décidé de faire voeu de pauvreté. D’accord pour sauver la planète, mais pas au détriment du pied de bilan, S.V.P. Secundo, un patron qui devient la coqueluche des médias avec de beaux discours sociétaux a intérêt à présenter des chiffres en concordance avec sa surface médiatique. Sinon, c’est le C4 assuré.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content