Le Hollandais volant

Y a-t-il un humour batave, du genre compréhensible hors des frontières néerlandaises? A nos yeux, la question est longtemps restée en suspens, mais le photographe Anton Corbijn (1955), dont une partie du travail fait l’objet d’une expo jusqu’au 16 avril à Anvers, pourrait changer la donne. Un rappel biographique, d’abord. Anton Johannes Gerrit Corbijn van Willenswaard, fils de pasteur, s’est d’abord fait un nom en photographiant les pop stars des seventies pour l’excellent magazine néerlandais Oor. En 1977, sa profonde empreinte noir et blanc impressionne suffisamment l’hebdomadaire anglais New Musical Express pour que celui-ci l’envoie photographier, entre autres, Joy Division, U2 et Depeche Mode. Avec ces deux derniers groupes, Corbijn tissera des liens intimes, multipliera photos, clips et captations live au fil des décennies. Il devient ensuite une célébrité internationale via les portraits de stars comme David Bowie, Robert De Niro ou George Clooney. Ce dernier est par ailleurs l’acteur principal de The American en 2010, film de fiction réalisé par Anton, qui a aussi assumé la direction du très appréciable A Most Wanted Man en 2014 avec Philip Seymour Hoffman. Toute cette histoire, ce travail, ont nourri ce que Corbijn présente à Anvers dans l’ancienne Bourse du commerce: soit une triple expo ayant en commun le rendu plus ou moins fantasmé du passé. Outre des photos de tombes et monuments funéraires pris au fil de ses pérégrinations, et une plongée dans l’URSS du début des années 1980, Corbijn se risque à un genre bien plus périlleux. Dans la foulée de la parution en septembre dernier de son livre Ikonen, il présente en effet des tirages en noir et blanc sur lesquels il apparaît face à l’objectif, transformé en Elvis Presley, Frank Zappa (photo) et autres icônes rock, sorte de cabaret visuel où il faut quand même reconnaître le sujet original. Quand on vous parlait d’humour batave…