Le high-tech se fait une beauté

Fini les colonnes hi-fi en plaqué wengé. Désormais, les fabricants privilégient les collaborations avec des designers pointus pour éviter tout compromis esthétique. Quels designers se cachent derrière les produits high-tech les plus emblématiques du moment ? Et pourquoi les consommateurs y sont-ils aussi réceptifs ?

Certains objets high-tech tentent de se fondre au mieux dans notre quotidien, d’autres préfèrent nous en mettre plein les yeux. Les fabricants font d’ailleurs de plus en plus preuve d’audace, allant jusqu’à convoquer de célèbres designers pour les aider à concevoir leurs appareils les plus populaires. Il y a deux ans, Samsung marquait un grand coup avec le Suisse Yves Béhar pour le téléviseur The Frame. Exit l’imposant rectangle noir. Avec lui, la télé devient ” invisible “. Eteinte, elle laisse place à un cadre qui projette des toiles de Picasso, Braque, Renoir ou même un dessin de son chat. Et le salon devient musée… Depuis, camoufler la technologie apparaît comme la nouvelle obsession des géants high-tech. ” Dans quelques années, l’écran noir n’existera peut-être plus. Mais en attendant, le design ne peut viser qu’une chose : l’élégance de la discrétion “, explique Yves Béhar.

La force du design, c’est sa capacité à rendre un objet hautement désirable. A l’oeil. Au toucher. ” Aujourd’hui, la technologie est là. Toutes les télés sont censées diffuser de belles images. Pour se différencier, les marques vont plutôt jouer sur l’esthétique, confirme Yves Béhar. Et ce tout design se diffuse : on le voit aussi avec les vélos d’appartement, les cafetières, les caméras de surveillance, etc. Toute la maison se hisse à un niveau d’esthétisation assez pointu pour satisfaire cette demande de bien-être dans son intérieur, devenu cocon. ”

Du bloc noir à l’épure

Les années 1980 avaient pourtant ancré les archétypes des produits électroniques. Pendant 20 ans, ils seront tous gris ou noirs, parfois blancs, mais invariablement carrés. Deux marques vont pourtant faire de la recherche design leur argument commercial. La danoise Bang & Olufsen et l’américaine Apple creusent ainsi l’idée qu’un haut-parleur ou un baladeur peuvent aussi devenir des objets d’art. Utiles et désirables. L’iPod au look de galet argenté va, par exemple, redéfinir l’importance stratégique du design dans les business plans et les retours sur investissement. Au point que son designer, le Britannique Jonathan Ive, occupe désormais le poste de vice-président de la marque la plus puissante du monde. Sa recette ? Rendre l’objet le plus simple possible aussi bien en termes de forme que d’utilisation. Comment ? En remplaçant les touches de l’iPod et de l’iPhone par une interface logicielle.

Cuir, bois, aluminium, tissu… Ces matériaux nobles remplacent désormais les sempiternelles coques en plastique moulé. La dématérialisation des supports, le développement des écrans tactiles et les progrès des technologies sans fil ouvrent la voie, quant à eux, à une production d’appareils épurés. Plus de fils, plus de boutons. Voilà qui réveille l’intérêt des designers pour ces objets où les contraintes techniques ne sont plus une limite. Philippe Starck va dessiner tout une gamme d’objets audio pour Parrot, Yves Béhar va lancer la marque Jawbone dédiée à ces gadgets soniques débarrassés de leurs câbles et Michael Anastassiades va créer pour B&O le Beosound Edge, un haut-parleur au look de tambour dont le volume sonore se règle en le roulant. Il y a quelques mois, le célèbre designer italien Alessi, spécialiste des arts de la table, est allé jusqu’à organiser un concours, en collaboration avec une école de design, afin d’imaginer le futur des objets connectés en essayant de les envisager comme des moyens de réduire le recours aux smartphones.

Le high-tech se fait une beauté

De l’art pratique

La high-tech appartient désormais au décor de la maison, à ces objets qui donnent du style aux intérieurs. C’est aussi le cas des enceintes sonores, accessoires d’intérieur au même titre qu’un vase ou une lampe de salon. Maître du genre, Bang & Olufsen dessine des enceintes qui ressemblent à des oeuvres d’art, à l’instar de la Beosound Shape, mur d’alvéoles colorées conçu par le designer danois Øivind Alexander Slaatto. L’année dernière, B&O concrétisait ses rêves les plus fous avec une paire d’enceintes BeoLab 90 insensées, visiblement inspirées par l’architecture de Zaha Hadid. Sa dernière création, présentée à Milan, est le Beovision V300, un téléviseur dissimulé derrière des panneaux de bois qui se déploient comme un éventail.

D’autres, comme TP Vision (Philips), font des choix beaucoup plus minimalistes en sollicitant l’artisan danois Georg Jensen pour dessiner les pieds de leur nouvelle télévision. ” Nous nous sommes aperçus que de plus en plus de clients souhaitent s’équiper d’un téléviseur en parfaite harmonie avec leurs intérieurs contemporains, et qui dépasserait les codes de l’objet technologique pur et dur pour s’apparenter davantage à un objet de décoration. Ou plutôt une oeuvre d’art “, explique Rod White, directeur du design chez TP Vision, la maison mère des téléviseurs de marque Philips. Matériaux nobles, style épuré, design intemporel, etc. Le changement est tel que Philips devient dans le secteur high-tech ce que Bentley est à la voiture : de l’ultra-premium dans un univers industriel où les prix ne cessent de grimper.

Autre pari : celui du fabricant d’enceintes nomades Sonos qui collabore depuis cette année avec le géant suédois Ikea et le fabricant de meubles danois Hay. ” Avec cette collaboration, nous nous inscrivons dans un état d’esprit spécifiquement danois, plaide Tad Toulis, vice-président en charge du design chez Sonos. Nous avons développé une gamme chromatique originale, car la couleur, comme l’odeur ou le goût, sont très évocateurs. ” A croire que le fameux sens du confort danois, le hygge, est en train de devenir la nouvelle clé de voûte des produits audio.

Beosound Edge de B&O : la musique en mouvement

Conçu en collaboration avec le designer Michael Anastassiades, le Beosound Edge est une enceinte ronde de 50 centimètres de diamètre qui, pour augmenter ou baisser le son, se roule légèrement vers l’avant ou l’arrière pour ensuite revenir, seule, à sa position initiale. L’enceinte est en aluminium brossé, avec un contrôle vocal, une connexion bluetooth. Dans ses entrailles, un woofer de 10 pouces délivre un impressionnant niveau de basses fréquences. Quant aux médiums et aux graves, ils diffusent à 360° dans la pièce, permettant à l’objet de se substituer à un système audio classique. Le son, omnidirectionnel sans être distinctement stéréo, est vraiment enveloppant, au point qu’on ne distingue pas forcément qu’il provient de l’enceinte. Seul écueil : il faut disposer d’un compte Google pour activer l’environnement Google Home et les fonctions Chromecast, qui facilitent l’expérience avec un smartphone. Disponible en deux coloris (bronze ou argent), 3.250 euros.

Le high-tech se fait une beauté

The Frame

Avec the Frame, Samsung propose un téléviseur qui se fond dans le décor. Non seulement il s’accroche au mur mais, en plus, il fait office d’oeuvre d’art lorsque mis en veille. Cette invention du designer suisse Yves Béhar va faire des heureux chez les personnes qui souhaitent cacher leur télévision, objet omniprésent dans

les foyers, mais que beaucoup aimeraient plus discret. Ultra-fin, avec seulement 4,25 mm d’épaisseur, apposé directement sur le mur, le téléviseur The Frame se mue en véritable objet décoratif lorsqu’il est mis en veille. Sur son écran, son propriétaire peut en effet afficher ou faire défiler des photos d’oeuvres d’art. Une sélection d’une centaine de photographies et d’oeuvres est déjà pré-installée. Et le catalogue ne cesse d’évoluer grâce à une plateforme qui propose ” plus de 1.200 oeuvres et clichés ” issus de galeries, musées et agences de renommées internationales (Saatchi, Magnum Photos, etc.). Côté image, la firme met évidemment l’accent sur la technologie QLED qui doit permettre d’offrir ” des couleurs plus riches et réalistes pour une immersion parfaite “. Prix : 1.799 euros pour la version 55 pouces.

Le high-tech se fait une beauté
© pg

Symfonisk : des enceintes-meubles par Sonos et Ikea

Ikea vient d’associer dans un même objet deux fonctions que rien ne rapproche : la lampe et le haut-parleur sans fil. Fruit d’une collaboration avec le spécialiste américain du son Sonos, la gamme Symfonisk propose aussi de sobres étagères qui diffusent de la musique. L’abat-jour est pour sa part amovible, permettant d’insérer l’ampoule de son choix. Tout comme le modèle bibliothèque, l’enceinte composée de plastique et de tissu comprend deux amplificateurs numériques Class D, un tweeter et un boomer-médium. L’objet sera commercialisé dès cet été à un prix forcément ” démocratique ” de 100 euros. Ce qui fait aussi de cette collection de mobilier audiophile l’une des meilleures et des moins chères du marché.

Le high-tech se fait une beauté
© pg

OLED 9104 de Philips : l’alliage de l’acier et du verre

Suivant l’exemple nordique, les fabricants d’Europe de l’Ouest et des Etats-Unis multiplient les collaborations avec des designers de premier plan. Rod White, directeur du design chez Philips TV, a ainsi invité les Danois de Georg Jensen à dessiner les pieds de sa nouvelle télévision. Dotée d’un cadre minimaliste et ultra-mince, l’Oled 9104 de Philips est soutenue par une élégante bande en acier poli, tandis que les trois côtés sont en verre. L’arrière de la télévision s’offre au travers d’un verre transparent, laissant apparaître les composants du boîtier bleu mat. A noter que cette gamme exclusivement commercialisée pour l’instant en Allemagne dispose du dernier processeur P5 et de la fameuse technologie de rétro-éclairage Ambilight. Aucun prix n’a été communiqué.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content