Où (et comment) trouver l’argent pour financer une start-up? Les meilleurs conseils pour réussir sa levée de fonds

. © iStockphoto

Trouver de l’argent pour les premiers développements d’une start-up ne serait plus un problème dans notre pays. Pour les stades suivants, les start-up parviennent à trouver des investisseurs. Mais rarement en Belgique.

Le financement des start-up constitue un enjeu important. Il est même l’un des éléments primordiaux de toute stratégie publique destinée à aider au développement d’un écosystème numérique fort. Avant même le grand mouvement French Tech et la ” start-up nation ” du président français Emmanuel Macron, les programmes d’investissements se sont mis en place, tant dans l’Hexagone qu’en Belgique. Et le lancement du fonds W.IN.G., en 2016, doté de 50 millions d’euros à investir dans les start-up wallonnes entre dans la même dynamique : soutenir les projets naissants, lever les freins financiers pour les jeunes entrepreneurs en espérant faire éclore un marché, des nouveaux emplois et une création de valeur sur notre territoire. L’écosystème public s’est largement engouffré dans la brèche. Il est donc désormais admis que trouver des fonds quand on est une start-up n’est plus un réel souci. ” Qu’il s’agisse de trouver des subsides, de convaincre des proches ou des business angels quand on est en train de développer une start-up n’est plus un problème en Belgique, analyse Sam Sluismans, associé de services d’innovation chez Deloitte Belgique. Les bonnes idées n’ont plus aucun problème pour trouver de l’argent. ”

Le marché belge gagne en maturité. Cela se voit parce que le montant moyen des levées de fonds a augmenté.” David Laurent (Avolta Partners)

Tendance nette à la croissance

Mais qu’en est-il des investissements dans les phases suivantes, à savoir les séries A, B ou C ? D’après une récente étude réalisée par Avolta Partners et Data.be pour le compte de l’association Fintech Belgium, ce marché-là augmente également. Cette analyse, obtenue en exclusivité par Trends-Tendances, ne s’est pas penchée uniquement sur les fintechs mais bien sur l’ensemble du marché belge des levées de fonds de venture capitalists (VC). Selon Avolta Partners, ce dernier aurait augmenté de 53% entre 2015 et 2017 passant de 135 millions d’euros à 206 millions d’euros. Pour un total, sur trois ans, de 514 millions d’euros. Bien sûr, on trouve pas mal de chiffres différents sur le marché, selon que l’on intègre ou pas certaines entreprises à la croisée des secteurs de la tech et de la santé (biotech) qui intègrent des aspects numériques. Certains observateurs publient des chiffres plus (ou moins) élevés. Mais tous les signaux sont au vert, tant dans les premières étapes de la vie des start-up ( seed) que lors de leur croissance (séries A, B et C).

Où (et comment) trouver l'argent pour financer une start-up? Les meilleurs conseils pour réussir sa levée de fonds
© –

Cela s’explique par une disponibilité accrue de l’argent pour les jeunes pousses. Il est vrai qu’en plus des solutions publiques pour trouver des fonds, l’écosystème commence à se structurer. D’abord, les réseaux de business angels comme Be Angels et BAN Vlaanderen multiplient les initiatives pour investir dans le numérique. A côté d’eux, certains business angels privés fortunés (anciens entrepreneurs à succès) émergent progressivement et se mettent à investir dans de nouveaux projets. C’est évidemment le cas en Flandre avec les anciens de l’écosystème Clear2Pay ou Netlog ou des entrepreneurs à succès comme Pieterjan Bouten et Louis Jonckheere de Showpad, Jeroen Lemaire (In The Pocket) et d’autres. Ces derniers dirigent des scale-up en vue qui lèvent des sommes importantes et se développent fortement, mais investissent aussi à titre privé dans des jeunes pousses prometteuses.

THIBAUT CLAES (Digital Wallonia)
THIBAUT CLAES (Digital Wallonia) ” Le nombre de séries C reste encore relativement limité en Belgique. “© PG

Côté francophone, cette évolution commence doucement à se mettre en place. Cela s’est vu ces dernières années autour d’entrepreneurs pionniers comme Jean-Guillaume Zurstrassen ou Grégoire de Streel (ex-Skynet, Keytrade, etc.). Mais le numérique attire aussi d’autres noms de l’investissement. C’est le cas de Pierre L’Hoest (ex-EVS) qui a développé le studio The Faktory, ou les anciens de la galaxie Ogone qui investissent à titre privé. Un nom comme celui de Pierre-Olivier Beckers, ancien CEO de Delhaize, apparaît également dans de plus en plus de dossiers numériques. Et puis, on voit doucement apparaître une nouvelle génération de business angels à la suite de ventes d’entreprises comme Immoweb ou, à un autre niveau, myShopi. On constate aussi que quelques serial entrepreneurs français regardent le marché belge pour y investir. C’est notamment le cas de Pierre-Edouard Sterin (fondateur des coffrets cadeaux Smartbox) qui a créé le fonds Otium, de Thibaud Elzière (ex-Fotolia et cofondateur de l’écosystème eFounders) ou de Pierre-Antoine Dusoulier qui, en plus de diriger Ibanfirst – l’une des fintechs les plus en vue sur la place bruxelloise -, investit dans de nombreuses jeunes pousses. Enfin, au stade d’après, l’écosystème des fonds a commencé à se structurer avec l’apparition des Volta Ventures, Fortino, etc. Ces fonds sont capables de soutenir les start-up belges lors de tours qui dépassent les 20 millions d’euros.

Résultat de cette structuration progressive de l’écosystème ? ” Le marché belge gagne en maturité, détaille David Laurent, senior partner chez Avolta Partners. Cela se voit parce que le montant moyen des levées de fonds a augmenté. De 2,8 millions en 2016, il est passé à 3,5 millions d’euros l’année d’après. ” On constate, il est vrai, une réelle augmentation du nombre de séries B. Evidemment, la Belgique ne partait pas de loin mais les gros deals de série B se sont multipliés : NG Data et Collibra en 2015, Showpad en 2016, de nouveau Collibra en 2017. Et l’année 2018 part plutôt bien également : Teamleader (18,5 millions), Ibanfirst (15 millions), Cowboy (10 millions), haulogy (7,5 millions), pour ne prendre que quelques exemples.

MARTIN MIGNOT (Index Venture)
MARTIN MIGNOT (Index Venture) ” Nous réalisons environ un deal par an en Belgique, ce qui n’est pas si mal car nous sommes vraiment très sélectifs. “© PG

Pas assez de gros fonds belges ?

” C’est vrai que, depuis 2016, on observe une maturité avec des séries C qui n’existaient pas avant, observe Thibaut Claes, spécialiste pour l’Agence du numérique et Digital Wallonia. Maintenant, le nombre de deals de ce niveau reste encore relativement limité en Belgique. A ce stade, on peut aussi analyser cette tendance par le simple fait de l’influence de quelques investisseurs belges comme Jurgen Ingels, le fonds Hummingbird, qui ont eu l’habitude d’aller à l’international. Mais cela n’a rien de surprenant : le financement des start-up est un marché en croissance, partout. C’est une tendance générale. ”

Chez Deloitte, on se montre aussi positif par rapport aux performances belges, mais on souligne quand même certaines limites : ” Jusqu’à environ 20 millions d’euros, on parvient à trouver des fonds en Belgique, souligne Sam Sluismans. Des consortiums d’investisseurs peuvent s’organiser. Par contre, au-delà de ce montant, cela devient plus compliqué. Pour lever 50 millions d’euros, il faut aller voir à l’étranger parce que les fonds belges ne sont pas assez gros. Si vous avez un fonds de 100 millions, ce qui est déjà pas mal sur le marché belge, vous ne pouvez pas vous permettre d’investir 30 ou 40 millions d’euros dans une start-up, sans prendre un risque inconsidéré. Vous êtes obligé de diversifier votre portefeuille et donc de limiter vos tickets à quelques millions. Aux Etats-Unis ou en Angleterre, par contre, vous avez des fonds de 3 ou 4 milliards d’euros pour lesquels il est évidemment plus facile de prendre des participations à 50 millions. ”

Les investisseurs belges sont très actifs, mais ils interviennent sur des plus petits montants et sont souvent incapables de suivre lors les tours suivants qui se chiffrent en dizaines de millions d’euros.

Cela explique donc l’arrivée de fonds étrangers sur le marché belge. La maturité de certaines de nos pépites noir-jaune-rouge, en demande de fonds, aiguise l’appétit de grands noms internationaux. Cette tendance se marque depuis quelques années puisque des start-up comme Showpad, Take Eat Easy, Collibra ou Menu Next Door ont été financées par des VC internationaux de renom. Mais désormais, le financement hors de nos frontières atteindrait, d’après Avolta Partners, pas moins de 52% des investissements VC dans le numérique. Parmi les acteurs qui débarquent dans notre plat pays, on peut évoquer Battery Ventures, Dawn Capital, Index Ventures, Insight Ventures, etc. ” Nous réalisons environ un deal par an en Belgique, ce qui n’est pas si mal car nous sommes vraiment très sélectifs “, commente Martin Mignot, partner chez Index Venture qui a investi dans Cowboy, Collibra, Silverfin et précédemment dans Menu Next Door (qui n’existe plus aujourd’hui).

“Spoliation de la création de valeur”

Sans grande surprise, les investisseurs étrangers s’intéressent essentiellement aux start-up ayant déjà passé certaines étapes. C’est donc eux qui financent la majorité des tours à partir des séries B. Mais, selon les responsables d’Avolta Partners, il y aurait un revers à cette médaille. ” Les fonds étrangers viennent investir en Belgique notamment en raison d’un manque de ressources au niveau belge, glissent les experts. Trop peu de fonds belges sont susceptibles de soutenir les start-up dans les gros tours en séries B ou C. ” Ce qui serait un problème. ” Cela induit une sorte de spoliation de la création de la valeur pour notre pays, enchaînent les responsables de l’étude. Les investisseurs belges sont très actifs, mais ils interviennent sur des plus petits montants et sont souvent incapables de suivre lors les tours suivants qui se chiffrent en dizaines de millions d’euros. Pourtant, ces tours sont les moins risqués puisqu’on est sur des modèles plus matures et c’est lors de ces tours-là que l’on crée énormément de valeur. ” Cette réalité a donc deux facettes : d’un côté, elle démontre que de plus en plus d’entrepreneurs belges adoptent le mindset international. D’un autre côté, les investisseurs n’auraient, dans beaucoup de cas, pas les poches assez profondes pour suivre et profiter pleinement du retour sur leurs investissements, réalisés au moment le plus risqué de la vie de la start-up.

iStock
iStock© DN

Voilà pourquoi certains rêvent de voir arriver en Belgique un super fonds doté de plusieurs centaines de millions d’euros pour soutenir les entreprises prometteuses et autres scale-up de notre pays. Reste que, comme le souligne cet expert, ” le souci vient aussi du dealflow : il n’existe pas encore assez de grosses start-up ambitieuses et suffisamment développées à financer. Qui va aujourd’hui structurer un gros fonds pour quelques deals par an ? ” Pour rappel, en 2017, la Belgique n’a compté, selon Avolta Partners, que deux séries C au sein de l’écosystème pur numérique. L’oeuf et la poule en quelque sorte.

Dans le courant de la semaine passée, le projet de fonds M80, notamment copiloté par des anciens de la GIMV et José Zurstrassen, a été dévoilé. Ce nouveau fonds doté pour l’instant de 100 millions d’euros (et à terme, 200 millions) prévoit d’investir des tickets de 10 à 60 millions dans des entreprises dans le Benelux et la France. Mais il ne vise normalement pas vraiment de start-up ou de scale-up, plutôt des entreprises traditionnelles pour lesquelles le potentiel de croissance viendrait du numérique. Les start-up devront donc encore aller chercher ailleurs.

Reste que pour certains observateurs, voir nos jeunes pousses aller chercher de l’argent à l’étranger serait plutôt positif : non seulement, cela démontrerait la vision globale de nos entrepreneurs mais, en plus, les investisseurs étrangers leur ouvriraient des portes que peu de Belges parviendraient à entrouvrir.

IOT, Fintech, Deeptech

Parmi les secteurs du numérique qui attirent le plus les fonds de VC, le top 3 se compose de l’Internet des objets, de la deeptech (basée sur des innovations de rupture) et des fintechs. En trois ans, de 2015 à 2017, ce dernier secteur a levé quelque 55 millions d’euros, ” ce qui représente un peu plus de 10% du total des fonds levés dans le numérique en Belgique, précise Xavier Corman, fondateur de la start-up Edebex et administrateur de l’association Fintech Belgium. Ce taux est d’ailleurs totalement en ligne avec les chiffres de marchés comme la France “. Cette force de l’écosystème fintech n’est en réalité pas totalement surprenante puisque, si l’on reprend les études réalisées par Omar Mohout, observateur avisé de la scène start-up chez Sirris, il s’agit du créneau le plus hot de la scène tech également au niveau européen, tant au niveau du nombre de deals qu’au niveau des montants. Reste que, comme le souligne le président de Fintech Belgium, Jean-Louis Van Houwe, également CEO de Monizze, 19 millions parmi les 55 millions levés ont été attirés par trois start-up belges seulement : Qover, Ibanfirst et Rydoo-Xpenditure. ” Cela s’explique par la réalité du marché belge des fintechs, analysent de concert Xavier Corman et Jean-Louis Van Houwe. Pour l’instant, la majorité des start-up belges de la fintech n’en sont encore qu’au stade du seed et des séries A. Ainsi, 69% des fonds levés seraient du seed et 36 % constitueraient des séries A. ” Cela se traduit, forcément, dans la valeur de nos fintechs noir-jaune-rouge : seules trois ” stars ” sont valorisées à plus de 20 millions d’euros, à savoir Spreds, Anytime, Qover qui valent chacune plus de 23 millions d’euros. Et Ibanfirst, qui a levé 15 millions d’euros au début du mois de novembre 2018 (s’ajoutant à 10 millions d’euros précédemment) et vaut donc désormais bien plus. Mis à part ces quatre poids lourds belges des fintechs, seuls 18% d’entre elles atteignent une valorisation comprise entre 5 et 15 millions d’euros. Et 60% des fintechs belges valent moins de 5 millions.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content