Le ” bardö ” d’Emmanuel Carrère

Emmanuel Carrère, Yoga, Editions P.O.L., 400 pages, 22 euros. © PG

Le récit autobiographique de l’écrivain français, l’un des favoris pour le Goncourt 2020, est loin d’être un texte léger et joyeux sur la méditation. Il nous plonge dans les profondeurs et les noirceurs de l’âme. Charline Cauchie

C’est ce que la tradition tibé- taine nomme le bardö, ex- plique Emmanuel Carrère dans Yoga : ” Celui qui vient de mourir pénètre dans un territoire intermédiaire, ténébreux, un labyrinthe psychique. ” Cette twilight zone, l’auteur croit l’approcher de près dans la période la plus noire de sa dépression. C’est cette expérience au plus proche de l’enfer qu’il nous rapporte. Invité sur La Première, il a expliqué que c’est très facile d’oublier la dépression, que dès qu’on en sort, on a tendance à la minimiser. Ici, il a voulu tout garder. Ce faisant, du noir il fait jaillir la lumière et nous rapporte un récit de soi d’une extrême authenticité.

Six ans après Le Royaume, c’est peu dire que ce Yoga était attendu. Il commence sur l’expérience de méditation vipassana que l’auteur va tenter à quelques heures de Paris. A une période de sa vie où tout allait bien : ” La santé psychique, selon Freud, c’est d’être capable d’aimer et de travailler, et depuis bientôt dix ans j’en étais à ma grande surprise devenu capable. (…) Je croyais mon amour à l’abri des tempêtes. Je ne suis pas fou : je sais bien que tout amour est menacé – que tout, de toute façon, est menacé -, mais je me représentais cette menace comme venant désormais de l’extérieur, plus de moi “.

Le vipassana, c’est la version hardcore de la méditation : on se coupe des moyens de communication pendant 10 jours, on fait voeu de silence, on mange et dort très peu et on médite dans une même position de très longues heures d’affilée. ” Sur les forums, beaucoup se déclarent satisfaits et quelquefois transformés par cette expérience exigeante, d’autres la dénoncent comme une forme d’embrigadement sectaire . Même si on se sent très mal, il est interdit de s’en aller. Non, plaident les défenseurs, si on a envie de s’en aller on s’en va, personne ne vous en empêchera (…). Ces échanges m’ont intrigué sans m’inquiéter : je me crois à l’abri de l’embrigadement sectaire, je suis curieux de voir. ” Et vous êtes curieuses et curieux de lire.

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