La vie de châtelain

Voilà un restaurant anachronique. Mais cet anachronisme fait beaucoup de bien dans un monde saturé d’immédiateté et de poudre aux yeux dans les assiettes. Posons le décor. A la Lisière est situé dans la Villa Monceau aujourd’hui transformée en hôtel de charme de six chambres. Cette villa était auparavant la maison familiale d’Yves du Monceau et de son épouse Raymonde “Rainy” Vaxelaire. Elevée au château de Bioul, la fille de Raymond Vaxelaire a transformé la demeure en un mini-Bioul (son surnom) avec toit de chaume. Le lieu est chargé d’histoire puisqu’Yves du Monceau fut bourgmestre d’Ottignies puis d’Ottignies-LLN de 1958 à 1988. Il fut, avec Michel Woitrin, l’artisan de la création de Louvain-la-Neuve et de l’arrivée des facultés francophones de l’UCL. Son ancien bureau, qui se loue pour de petits séminaires, regorge d’ailleurs de souvenirs de cette époque.

Conformément au voeu de sa maman, Cédric du Monceau, aujourd’hui président du conseil communal d’Ottignies-LLN, a fait de la Villa Monceau un lieu ouvert au public destiné au bien-vivre et a respecté le caractère historique des lieux. A la Lisière, on prend ainsi l’apéritif dans l’ancien salon familial et on s’assied ensuite dans une magnifique salle à manger au charme désuet et à la cheminée imposante. Pour gérer l’hôtel et le restaurant, Yves du Monceau a fait appel à Laurent Oyen que l’on a connu auparavant sur son restaurant-péniche L&A Table à Ronquières.

Dans un endroit aussi empreint de classicisme, il fallait une cuisine de classiques et de produits. Et c’est exactement ce que délivre le chef. Il n’y a ni esbroufe, ni chichi, ni assiettes compliquées mais des cuissons parfaites et des sauces légères et goûteuses. Non, vous ne ferez pas waouh à tous les plats ; ce n’est pas le genre de la maison. Mais vous dégusterez une cuisine gastronomique d’une honnêteté et d’une justesse sans faille. C’est simplement bon. Point.

Attaché au “locavorisme” (le restaurant vient d’être labellisé Table du terroir par l’Apaq-W), Laurent Oyen travaille une carte resserrée. A côté d’un lunch à l’excellent rapport qualité/prix (deux ou trois services – 30 à 35 euros), il propose deux menus plus enlevés (55 ou 75 euros). Lors de notre visite, le consommé de ravioles de foie gras aux petits légumes était bien équilibré et la fricassée de langoustines et de Saint-Jacques (avec le corail! ) aux poireaux avec beurre blanc aux échalotes, juste parfaite. Tout comme la béarnaise qui a sublimé d’étonnantes frites de patates douces bien croustillantes et un filet de blanc-bleu-belge fondant à souhait.

Une bonne adresse rehaussée par un service de grande maison assuré par Patrick De Smet.