La question qui fâche: jusqu’où peut-on s’appauvrir pour les Ukrainiens?

Amid Faljaoui, directeur de de trends-tendances © AMID FALJAOUI, DIRECTEUR DE TRENDS-TENDANCES

La guerre en Ukraine pose depuis peu une question importante: dans quelle mesure, nos économies européennes sont-elles capables de supporter le choc de l’envolée du prix des hydrocarbures? Les ménages se posent la question sous l’angle du pouvoir d’achat. D’ailleurs, les émissions politiques du week-end dernier avaient toutes pour thème l’inflation en hausse et le pouvoir d’achat en baisse. Mais à côté du thème lancinant du pouvoir d’achat, au risque de fâcher, d’autres voix patronales se demandent si une partie de notre tissu industriel ne va pas disparaître au profit d’autres pays qui, eux, ne sont pas en guerre indirecte avec la Russie.

Des pays du Moyen-Orient nous revendent des cargaisons de pétrole russe achetées à vil prix qu’ils mélangent parfois avec du pétrole iranien acheté, lui aussi, de manière bradée.

Un seul exemple: selon Eurométaux, l’association des producteurs de métaux non ferreux, l’Union européenne a déjà perdu 50% de sa capacité de production de zinc et d’aluminium à cause de la hausse des prix de l’énergie. Et, devinez quoi, ce sont d’autres pays qui se sont substitués à notre production, en augmentant au passage les émissions nettes de CO2. Bref, la question qui se pose lentement mais sûrement pour certains est simple: est-ce que nous n’assistons pas à un transfert de richesse monumental de l’Europe vers les autres pays, et paradoxalement aussi vers la Russie?

Rédigé de la sorte, c’est étonnant, mais c’est la réalité crue. Hélas. La Russie a beau avoir rompu son contrat la semaine dernière avec une entreprise comme Engie, Poutine n’en a cure car son pays croule sous le cash. Motif? Même avec un volume moindre d’hydrocarbures, les prix ont tellement augmenté (avec la spéculation) qu’ils compensent largement les pertes en volume. Autrement dit, la Russie déborde d’argent. D’ailleurs, le CREA, un centre de recherche sur l’énergie estime qu’aujourd’hui encore, malgré l’embargo et les restrictions, l’Union européenne verse 3.700 euros par seconde à la Russie. Faites le calcul, à la fin de la lecture de ma modeste chronique, l’Europe aura versé entre 666.000 et 1 million d’euros selon votre vitesse de lecture. Etonnant? Pas tant que ça.

En Europe, nous avons tendance à oublier que le reste du monde n’est pas en délicatesse avec Poutine, que le business continue “as usual”. Ni l’Inde, ni la Chine, ni l’Afrique, ni le reste de l’Asie n’ont imposé un embargo à la Russie. Le résultat, comme le démontre une enquête du Wall Street Journal, c’est que des pays du Moyen-Orient, que je ne citerai pas, en profitent pour nous revendre des cargaisons de pétrole russe achetées à vil prix. Des cargaisons qu’ils mélangent parfois avec du pétrole iranien acheté lui aussi de manière bradée, et puis hop! l’ensemble de cette drôle de cargaison nous est revendu – à nous Européens – au prix fort. Ni vu ni connu.

Au final, la question qui fâche certains citoyens mais qui se pose avec acuité aujourd’hui, est simple: quel niveau d’appauvrissement de la population et quel niveau de destruction de notre économie sommes-nous disposés à accepter par solidarité avec le peuple ukrainien? Pour les uns, face aux milliers de morts ukrainiens, c’est le moins qu’on puisse faire. Pour eux, la question est même insultante. Pour d’autres, au contraire, la solidarité n’empêche pas les nuances. S’ils ne sont pas écoutés par les premiers, ils pourront toujours se consoler et se dire, comme le philosophe Nietzsche: “malheur à moi, je suis nuance”.

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