La nuit se lève

© PG

Perdre le goût ou l’odorat semble davantage surmontable que perdre la vue. C’est ce que se dit Elisabeth Quin lorsqu’elle apprend qu’elle est atteinte d’un double glaucome, maladie dégénérative du nerf optique contre laquelle la médecine semble encore bien impuissante si ce n’est que proposer quelques ” barrières ” à la baisse constante de la vision. Pour la journaliste et présentatrice de l’excellent magazine 28 minutes sur Arte, la nouvelle induit en elle l’inquiétude naturelle de ne pas voir vieillir les siens, de ne plus pouvoir admirer le cinéma qui l’a tant construite – elle a commencé sa carrière comme critique du septième art -, de même que les oeuvres d’art et les paysages qui ont enthousiasmé sa vie. Dans un récit fragmenté, érudit et teinté par endroit d’un certain humour noir (la politesse du désespoir ?), l’auteure va ici chercher la force de se battre et de poursuivre sa route en évoquant les écrits, peintures, films de celles et ceux qui ont vu aussi leur nuit se lever. De la quasi-disparition du vert et du violet des Nymphéas d’un Monet frappé en fin de vie par la cataracte à la poterie tardive de la peintre devenue malvoyante Georgia O’Keeffe (” Mes doigts voient “, disait-elle) en passant par l’éloge du regard découvert sur une tombe par l’écrivain Jim Harrisson, le voyage délicieux et raffiné, sans être pédant, que nous propose Elisabeth Quin tend davantage vers la lumière de la culture et de l’amour que vers l’obscurité à laquelle la pousse sa vision. Car son esprit, lui, veille !

Elisabeth Quin, ” La Nuit se lève “, éditions Grasset, 144 pages, 15 euros.

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