Vers la fin des horodateurs ?

Pour le SPF Economie, le cash ne peut pas être banni. © Jonas Gilles/Reporters

La gestion du stationnement par les communes va être facilitée par des applis pour les automobilistes et des voitures de contrôle scannant les plaques d’immatriculation. D’un côté, le paiement est facilité mais de l’autre, le contrôle est de plus en plus serré.

Certains Schaerbeekois pourraient penser que leur commune sert de zone d’essai pour une voiture autonome : ils voient régulièrement circuler une Skoda Octavia au toit doté d’un large boîtier rempli de caméras, semblable à celui surmontant les prototypes des ” Google cars “. Il s’agit en réalité d’une voiture qui contrôle le stationnement en scannant les plaques : une scan car. Cette scan car offre une façon très rapide d’identifier les véhicules ne respectant pas les règles du stationnement autorisé et qui risquent, dès lors, d’être invités à payer la redevance de 25 euros (forfait d’une demi-journée).

Pour l’heure, cette voiture scanne les véhicules en zone bleue (stationnement gratuit mais limité dans le temps, avec disque) et en zone rouge (stationnement payant), cette dernière comptant près de 1.000 emplacements. La scan car peut contrôler 15.000 véhicules par jour, 10 fois plus qu’un steward. A Schaerbeek, elle détecte quotidiennement environ 700 autos en délicatesse avec les règles de stationnement. Elle est le parfait exemple de l’évolution de plus en plus technologique de la gestion du stationnement. La lecture des plaques est automatique et la scan car n’envoie au serveur (situé dans le coffre) que les numéros et photos des voitures visiblement en infraction.

600.000 véhicules pour 265.000 places

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La “scan car” de Schaerbeek Des “yeux” sur le toit, un serveur dans le coffre, elle peut contrôler jusqu’à 15.000 voitures en stationnement par jour.© RVAD

Avec Charleroi, qui a adopté un dispositif similaire, Schaerbeek est une pionnière de ce type de contrôle en Belgique. La scan car y est opérée par la société Rauwers, spécialisée dans les services aux communes (horodateurs, gestion du stationnement, équipement de véhicules de police, etc.). L’entreprise familiale, née en 1919, a réalisé un chiffre d’affaires consolidé de 35 millions d’euros l’an dernier. ” A Amsterdam, il y a neuf véhicules de ce genre qui contrôlent le stationnement “, explique Pablo Rauwers, l’administrateur délégué qui a été chercher la scan car chez un fournisseur néerlandais. En Belgique, d’autres communes que Schaerbeek et Charleroi s’intéressent aussi au véhicule. Ce contrôle plus serré ne fera pas que des heureux, mais les communes sont confrontées à la pression sur le stationnement. Le bourmestre carolo, Paul Magnette, a dû multiplier les horodateurs. A Bruxelles, la situation est tendue : ” Nous comptons environ 265.000 places de stationnement réglementées sur le voie publique mais en comptant les Bruxellois et les navetteurs, il y a plus de 600.000 autos dans la ville “, avance François Robert, porte-parole de l’Agence du stationnement de la Région de Bruxelles-Capitale. Les riverains et les commerçants mettent la pression sur les élus pour chasser les voitures ventouses, quitte à rendre la vie plus difficile aux automobilistes.

Pour tenter de maîtriser cet exercice d’allocation optimale des ressources de stationnement sur la voie publique, les communes ont multiplié les zones de stationnement payant (en zone commerçante, jusque 2 euros par heure à Bruxelles ou 1,5 euro à Liège), les zones bleues (stationnement gratuit limité dans le temps), les cartes de riverains et les abonnements. Avec une faille : la mise en oeuvre. Le contrôle, exigeant en main-d’oeuvre, n’est pas systématique. Beaucoup d’automobilistes s’en sont rendu compte et font le pari de pas payer, prenant le risque de se voir infliger de temps à autre une redevance (on ne parle plus d’amende car la matière est dépénalisée).

Un marché en développement

Le développement du stationnement réglementé a créé un marché pour divers types de prestataires, comme Rauwers qui propose à la fois du matériel et du service, ou Indigo et Apcoa Parking, qui sont plutôt des gestionnaires de parkings. Ces prestataires proposent tous aux communes de gérer le stationnement de rue. A Bruxelles, la Région a mis sur pied une Agence du stationnement pour mieux coordonner cette compétence communale ( lire l’encadré “L’agence qui unifie” plus bas ).

Au fur et à mesure que les horodateurs sont remplacés, ceux-ci deviennent de plus en plus technologiques. Les dernières générations imposent d’encoder la plaque d’immatriculation afin d’alimenter la base de données, facilitant ainsi le contrôle par des stewards – dotés de terminaux mobiles – ou par des scan cars. Pour l’automobiliste, l’avantage est qu’il ne doit plus revenir à son véhicule pour déposer le ticket sous le pare-brise.

Une technologie néerlandaise

Aux Pays-Bas, cela fait longtemps que les horodateurs avec encodage de la plaque sont généralisés. ” Comme ils entraînaient parfois des files devant les appareils, les automobilistes se sont vite mis à utiliser des applications pour smartphone afin de payer leur stationnement “, précise Pablo Rauwers, qui espère bien que les Belges suivront cette tendance. Sa société propose aux communes Yellowbrick, une appli conçue aux Pays-Bas (1). Elle peut déjà être utilisée dans 26 communes en Belgique, dont huit à Bruxelles. Mais il existe d’autres applications sur le marché, comme Parkmobile, Whoosh ou OPnGO.

Beaucoup d’automobilistes font le pari de ne pas payer, prenant le risque de se voir infliger une redevance.

Toutes ces applis, qui sont supposées succéder au paiement par SMS, connaissent un succès mitigé. Le problème, c’est qu’il faut changer d’appli selon la commune. Fin 2017, l’Agence du stationnement de la Région bruxelloise a donc lancé BIPaSS, une plateforme commune pour rendre les applications interopérables. Une seule appli, désormais, suffira pour payer partout dans la Région. ” Cela fonctionne déjà sur deux communes : Anderlecht et Molenbeek, explique François Robert. D’autres grandes communes devraient rejoindre cette plateforme en mars. ”

Une plateforme unique

Dans le futur, l’usage d’un smartphone devrait faciliter le paiement du stationnement, quel que soit le modèle d’horodateur de la commune : la plaque sera encodée une fois pour toute dans l’appli et seul le temps effectif du stationnement sera compté… et payé. Le principe d’une plateforme d’interconnexion prévaut déjà à Anvers et à Gand.

Aux Pays-Bas, il n’existe que deux systèmes permettant de payer le stationnement sur la voie publique. Les automobilistes peuvent payer quasiment partout avec l’application de leur choix : 600.000 clients ont ainsi choisi Yellowbrick. En Belgique, l’ouverture du marché devrait entraîner une course entre les applications, en particulier celles plus spécifiquement conçues pour les entreprises et les indépendants. Pour des raisons de comptabilité, ceux-ci préfèrent en effet une facture périodique globale, plutôt que des montagnes de tickets. Le taux de paiement ” dématérialisé ” du stationnement devrait grimper. Pour l’heure, il n’arrive qu’à 10 % dans la capitale (SMS et applis) et 30 % à Anvers.

Les nouveautés technologiques devraient profiter les unes aux autres, le contrôle par scan car, par exemple, encourageant l’usage d’applis. Un engouement qui devrait se révéler progressif car le contrôle par voiture est encore en phase de rodage. Il ne fonctionne que pour les zones bleues et là où il existe une base de données de véhicules en règle (avec des cartes de riverain ou des horodateurs à encodage de plaques d’immatriculation). Les bases de données sont encore embryonnaires. Ainsi, pour les zones bleues, la voiture doit passer deux fois à deux heures d’intervalle pour identifier les véhicules qui ont dépassé le délai de stationnement autorisé (deux heures). ” Le contrôle s’effectue jusqu’à 21 h à Schaerbeek, explique Denis Grimberghs, échevin de la Mobilité et des Finances. Mais il faut encore envoyer un steward pour vérifier si certains véhicules relevés ne bénéficient pas d’une autorisation particulière, comme une carte de handicapé ou d’invité. ” Ces ” exceptions ” ne figurent pas (encore) dans une base de données, ce qui ne permet pas encore de totalement automatiser le contrôle.

Pablo Rauwers Devant deux
Pablo Rauwers Devant deux “âges” du stationnement payant : le parcmètre et l’horodateur.© RVAD

Les revenus du stationnement

Les communes attendent-elles de ces technologies des revenus supplémentaires ? Pas sûr, car les recettes des redevances forfaitaires de 25 euros pourraient s’effondrer. ” Nous n’avons pas d’objectif budgétaire, assure Denis Grimberghs. Pour Schaerbeek, la recette nette du stationnement, y compris les cartes de riverains, se situe environ à 4 millions d’euros, la recette brute (avant frais) à 9 millions, sur un budget communal total de 246 millions. ” La commune ne pourrait de toute façon pas renoncer au dispositif payant, même si elle gagnait à l’Euromillion, faute de quoi les voitures ventouses se multiplieraient partout. Les incitants négatifs sont nécessaires afin de gérer le stationnement. ” Souvent, ce sont les citoyens qui nous demandent d’intervenir, qui considèrent qu’il n’y a pas assez de contrôles, en particulier dans les zones vertes où il faut une carte de riverain “, poursuit Denis Grimberghs.

Les communes craignent moins l’impopularité des horodateurs. Habituellement, les ventes s’effondrent pendant les années d’élections. ” Ce ne sera pas le cas cette année, relève Pablo Rauwers. Charleroi, par exemple, a commandé 250 horodateurs à installer cette année autour de la gare. Et du côté de Marcinelle, les habitants se plaignent des voitures de navetteurs qui restaient parquées toute la journée. ”

La mort lente de l’horodateur

En théorie, les horodateurs pourraient disparaître, puisque les smartphones peuvent les remplacer. D’ici une dizaine d’années ? Personne n’ose un tel pronostic car des réticences perdurent: tout le monde n’utilise pas encore un smartphone. Les communes peuvent toutefois tenter de passer en force, avec le risque de se mettre à dos les électeurs. Pour mesurer la difficulté de la décision, il suffit de voir la polémique créée par les nouveaux horodateurs de la ville de Bruxelles car ils n’acceptent plus les pièces de monnaie mais uniquement les cartes de paiement, pourtant très répandues… Même aux Pays-Bas, où l’on ne craint pas d’imposer les innovations aux usagers, on remarque un plafond pour le paiement par téléphone (environ 70 % des transactions). ” Il restera sans doute encore longtemps des horodateurs, mais en quantité moindre “, conclut Pablo Rauwers.

L’arrivée des scan cars va-t-elle réduire les effectifs de stewards ? A priori, on pourrait le penser. ” Mais je ne le crois pas, soutient François Robert, porte-parole de l’Agence du stationnement. Les stewards seront réaffectés à d’autres tâches importantes, moins exposées au comportement agressif de certains automobilistes. “

(1) Roularta Media Group, éditeur de Trends-Tendances, est actionnaire de Yellowbrick Belgique à hauteur de 35 %.

L’AGENCE QUI UNIFIE

Après bien des discussions, la Région de Bruxelles-Capitale s’est dotée d’une Agence du stationnement, en fonction depuis 2014. Elle coordonne le stationnement dans la Région : les règles, les zones réglementées (rouges, bleues, vertes, grises), etc. Elle développe des services communs, comme la plateforme des applis. L’Agence a repris jusqu’à présent la gestion du stationnement pour six communes (Molenbeek-Saint-Jean, Anderlecht, Ganshoren, Berchem Sainte-Agathe, Forest et Jette). Les communes qui sous-traitent la gestion à un privé peuvent continuer à le faire jusqu’à l’échéance du contrat. L’Agence emploie environ 170 personnes, dont plus de la moitié sont des stewards. Elle a la faculté de recourir à un prestataire privé.

http://parking.brussels

Les trois âges du stationnement payant

Le parcmètre.Introduit dans les années 1960, l’appareil est ancré dans le trottoir à l’emplacement de stationnement (une à deux places) et alimenté par des pièces de monnaie. Il a disparu avec l’arrivée de l’euro car son adaptation et sa gestion se révélaient trop chères. Chaque appareil coûtait environ 500 euros.

L’horodateur. Terminal délivrant un ticket à afficher sous le pare-brise. Le taux d’équipement est d’un appareil pour 10 à 15 emplacements. Coût : entre 5.000 et 6.000 euros, pour une durée de vie d’une dizaine d’années. Paiement par pièces, carte ou SMS. La dernière génération demande l’encodage des plaques d’immatriculation, afin d’alimenter la base de données à laquelle les contrôleurs ont accès via des terminaux mobiles, une base qui sert également aux scan cars.

Les applications.Evolution du paiement par SMS. L’automobiliste télécharge une application sur smartphone. Il signale le début et la fin du stationnement. Le smartphone fournit aussi la position GPS du véhicule. Ces données sont transmises sur une base de données qui sert au contrôle effectué soit par steward, soit par un véhicule de contrôle ( scan car).

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